J'ai eu la joie de pouvoir visiter, la semaine dernière, avec un ami prêtre, l'exposition que le Musée Jacquemart-André, à Paris, consacre au peintre dominicain (et bienheureux!) Fra Angelico.
C'est une occasion rare de voir rassemblés des chefs-d'oeuvre de la peinture italienne (florentine, en particulier) du XVème siècle.
Partout, une récurrence : le punctum du tableau, son "point de fuite", car ces maîtres sont des maîtres peut-être d'abord de la perspective.
L'avant-plan compte moins que le point central où tout converge, et qui donne sens à tout : par exemple, une crucifixion, dans le lointain.
Dans une espèce de vie antérieure, je veux dire avant d'être doyen d'Enghien, lorsque
je m'occupais, entre autres, du service "Art, culture et foi" du diocèse, j'avais eu l'occasion d'installer à l'Abbaye de Scourmont une exposition d'art non figuratif, due à l'artiste bruxelloise Valérie Vogt, et qui, hors de toute considération religieuse, entendait redessiner le temps à partir d'un punctum. Je n'ai jamais oublié cette expérience, à la fois esthétique et spirituelle, d'une mise en place tout entière destinée à faire pressentir que le punctum est essentiel à une existence humaine. Dans le cadre d'une Abbaye cistercienne, blanche et nue, la démonstration prenait tout son effet. (Je n'ai plus guère revu Valérie depuis, j'espère qu'elle continue son oeuvre, importante pour tous. Quelquefois, je m'en veux un peu d'avoir trop brutalement tourné la page, mais bon, hein, le prêtre est ainsi fait : il essaie d'assumer totalement et le mieux possible les missions, l'une après l'autre, qu'on lui confie. Qu'ils ne m'en veuillent pas, ceux et celles qui peut-être pensent que je les ai "laissé tomber", ils restent là, dans mon coeur, mais je me suis tourné vers d'autres et on ne peut se tourner vers tout le monde à la fois!)
Quel est notre punctum? Nous pouvons bien accumuler les expériences, les rencontres, les travaux, les représentations, où est en nous la perspective?
Ah, ce Fra Angelico, ces dominicains, qui nous titillent là où nous voudrions rester dispersés...
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