On connaît la formule, que l'on trouve en premier chez saint Cyprien de Carthage (IIIème siècle), et qui choque souvent : Extra ecclesiam, nulla salus, trop vite traduite par "Hors de l'Eglise, pas de salut!" Interprété de cette façon, en effet, cet adage sur lequel des dizaines d'études, de thèses même, ont été rédigées, est horrible. Il tendrait à signifier que, sans l'appartenance à l'institution "Eglise", aucun salut n'est possible pour aucun homme. C'en serait alors fini de l'espérance d'un salut universel de tout être humain, auquel les Pères de l'Eglise eux-mêmes nous ont accoutumés. C'en serait aussi terminé de l'enseignement généreux du Concile Vatican II qui, en divers endroits de ses textes, a affirmé que tout être humain, même dans une autre religion ou une autre discipline ecclésiale que la foi catholique, était en quelque sorte candidat au salut...
A la poubelle, alors, cette formule?
Pas complètement, et on va comprendre pourquoi je reviens ici, comme "pasteur", comme "doyen", à cet adage. Ne signifie-t-il pas ceci : "Hors d'une communion de vie, il n'y a pas d'accès au salut tel que le conçoit la foi chrétienne"? Dans cette interprétation plus large, plus généreuse, mais peut-être aussi exigeante, on affirme que le salut chrétien s'accueille non dans le "chacun pour soi", mais dans l'effort toujours recommencé de créer, de recréer, une communauté de vie, de partage, de destinée. Une communauté humaine dès lors significative, signifiante, pour tout le monde, un "sacrement" - précisément ce qu'est l'Eglise.
"Pas de salut dans le 'sauve qui peut' ou le 'chacun pour soi' ", telle pourrait être une traduction plus libre certes, mais aussi probablement plus fidèle, du point de vue théologique, de cet adage.
On en concluerait alors que le principal effort à fournir dans nos vies chrétiennes, c'est de "faire communauté", et de barrer la route aux logiques contraires de repli qui sont si promptes à se manifester ("Moi, du moment que j'ai... au choix : "ma" messe, "ma visite de camp", "mes funérailles", "mon mariage", "mon heure de messe", "mon bâtiment", "mon asbl", etc., etc.").
On pourrait du reste étendre cette interprétation et sa mise en oeuvre à des champs sociaux autres qu'ecclésiaux : voyez notre pays, par exemple. Sera-t-il "sauvé" dans des négociations interminables où il semble que la logique prépondérante soit précisément celle du repli sur ses intérêts particuliers? Sera-t-il "sauvé" hors d'une logique du "bien commun"? Voyez l'Europe : sera-t-elle "sauvée" (je pense à son hypothétique désastre financier), hors d'une semblable logique? Voyez le monde, notre planète "terre" : sera-t-elle "sauvée" (pensons à l'écologie, aux famines, à la répartition des biens et des richesses, etc.), hors d'une semblable logique? Ce qui s'est énoncé dans cette formule de l'antiquité chrétienne recèle sans doute encore, par delà des interprétations réductrices, de grandes richesses de mise en oeuvre! Extra ecclesiam, nulla salus : hors d'une communauté de vie et de destinée (en ce sens large, hors d'une "Eglise", ou ce que l'Eglise veut être), pas de salut pour l'être humain!
Le travail à faire, pour honorer l'adage dès lors ainsi entendu, est et reste immense.
Mais comme il est aussi enthousiasmant!
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