mardi 14 janvier 2014

Coupables d'être malades?

Sommes-nous coupables d'être, de devenir, de "tomber" (comme on dit) malades?
Cette question, qui est une question classique de l'éthique commune, et que j'ai traitée en son temps lorsque j'enseignais la théologie morale, m'est revenue ce soir tandis que je captais une petite partie d'une émission consacrée aux effets nocifs du Diesel sur la santé.
Résumé des deux points de vue des professeurs éminents convoqués pour le débat après un reportage catastrophiste (c'est bon pour l'audience, ça, chouchou, le catastrophisme)  : pour l'un, oui, évidemment, le Diesel est nocif pour tout et pour tout le monde. Pour l'autre, évidemment : relativisons les chiffres, ce qui est d'abord nocif, c'est (je cite) "le mode de vie", c'est-à-dire, "l'alimentation, l'alcool, le tabac."
Intéressant.
Pour le second de ces messieurs, donc (dont j'ai oublié le nom, vous me pardonnerez) : si vous êtes malade, c'est que votre mode de vie est mauvais. Arrêtez de boire de l'alcool, de fumer du tabac, de manger du gras, et ainsi de suite, arrêtez de stresser, arrêtez de vous en faire pour votre boulot, par exemple, et vous verrez comme tout ira mieux. Autrement dit : si vous êtes malade, ne vous en prenez qu'à vous-même, vous êtes coupable!
Pour le premier, si vous êtes malade, c'est la faute à tout le monde, mais pas à vous : vous vivez dans une atmosphère polluée, militez pour la dépolluer, et ce ne sont pas vos petites consommations d'alcool, de tabac ou du reste, comparées aux grandes pollutions "étatiques", qui y changeront quelque chose.
Bon.
Probablement, comme d'habitude, la vérité est-elle entre les deux.
Et si on réfléchissait?
L'être humain a toujours été confronté à des milieux hostiles, dont il savait plus ou moins la nocivité.
Il a toujours été, de même,  plus ou moins responsable de sa santé physique, ne serait-ce que par "essais et erreurs", en constatant que telle pratique, telle nutrition, etc., lui étaient dommageables  ou bénéfiques.
Il s'est vu imposer régulièrement des environnements destructeurs, et par des dirigeants (politiques, économiques, les deux souvent liés) sans scrupules, qui y voyaient un certain profit (songeons aux centrales nucléaires dont le bénéfice à long terme est, pour le dire de façon euphémique, au moins contestable : voyez le Japon, parmi les derniers exemples. Avant cela, pensez au retombées - qui furent tout de même à court terme - de l'exploitation du charbon chez nous, et à l'état pulmonaire de ceux qui durent bien descendre dans les mines, ou de la métallurgie, chez nous également. La démonstration pourrait demander de longs développements : arrêtons là, et demandons-nous à quel prix humain nous avons payé le "progrès".)
Quant à dire que l'être humain est responsable de sa maladie, il y a là une erreur de jugement moral épouvantable, qui consiste à faire porter sur les épaules de personnes déjà éprouvées une culpabilité n'ayant pas lieu d'être. On n'est jamais coupable d'être malade, même si on peut être "coupable" d'avoir eu des comportements risqués (fumer, boire, etc.) Et l'expression populaire "Il l'a bien cherché", qui stigmatise la maladie de quelqu'un ayant eu des comportements à risques, cette expression est proprement scandaleuse, moralement : on ne cherche jamais à être malade! Cette erreur éthique dans l'appréciation risque de conduire à marginaliser encore plus des personnes souffrantes dont nous devrions simplement, et sans aucun jugement, nous rapprocher.
J'ajoute ceci, pour dire ma perplexité devant la bêtise de notre société de consommation : on vient d'ouvrir à grands frais, à Bruxelles, le salon de l'auto. A priori, je n'ai rien contre, et on va nous bassiner pendant quelques jours sur la nécessité de "relancer l'économie du marché automobile", autrement dit d'acheter des voitures. Fort bien. A longueur d'année, d'un autre côté, on nous  demande de ne pas sortir notre voiture du garage, de prendre les transports en commun, de "désengorger" nos villes, etc., etc.,  vous connaissez aussi la chanson.
Le citoyen lambda, comme moi (et comme vous, je suppose), il fait quoi?
Moi, si j'achète une voiture (et en l'occurrence, je devrais en changer prochainement), c'est pour rouler avec, pas pour la laisser au garage!
Vous voyez un peu les contradictions de notre monde, ou plus précisément, ses "injonctions contradictoires" : "Achetez, mais n'utilisez pas!" Et on vous culpabilise dans les deux cas : si vous achetez, parce qu'évidemment vous roulerez et donc vous polluerez; si vous ne le faites pas, parce que vous ne contribuerez pas au redressement de l'économie.
Remettons, s'il vous plaît, tout cela à plat. Un coup de pied - énorme - dans les fesses de tout ce petit monde.
Revoyons nos besoins élémentaires.
Revoyons notre éthique, aussi, tellement à marée basse, ces temps-ci.
Allez, courage!

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