mercredi 13 janvier 2021

Un "droit à la messe"?

 Je suis surpris et peiné par la réaction d'un certain nombre de catholiques belges qui, au milieu de la présente pandémie et des restrictions qu'elle impose - entre autres aux cultes - réclament, et hier dans une manifestation de rue - "leur" messe. Cette revendication s'accompagne presque toujours, chez les mêmes, d'un grand mépris pour nos évêques - des "lâches" qui "abandonnent leurs brebis" en n'exigeant pas, de notre Gouvernement, de nouvelles normes de célébration. . Le tout s'enrobe dans une fumée pratiquement complotiste : ce Gouvernement serait  un ramassis de francs-maçons, trop heureux de voir les cultes, et en particulier le culte catholique, privés de leurs célébrations publiques. En contrepoint, souvent, on invoque l'exemple des évêques français qui, eux, ont obtenu ce qu'ils voulaient...

Eh bien, quitte à passer (encore une fois) pour un vendu et un païen traître à la cause, je tiens à exprimer ici mon profond désaccord avec ces revendications. 

D'abord, pour un motif théologique. Le mouvement même de la messe est un mouvement de dépossession de soi du Christ, qui livre et perd sa vie "pour la gloire de Dieu et le salut du monde", en offrant  aux hommes son corps et son sang. Comment peut-on vouloir revendiquer pour soi, et retenir pour soi, un acte de si parfaite dépossession? Il me semble au contraire que la juste manière de vivre la messe aujourd'hui soit d'offrir la privation qu'on en a, dans le même mouvement, pour les malades et les soignants et tous ceux qu'affecte la pandémie. L'eucharistie est pour le monde, comme l'Eglise est pour le monde - à se priver de cette oblation, on en fait un privilège, on en caricature et même on en pervertit la signification.

Ensuite, pour un motif simplement sanitaire. Ce virus est très dangereux et son variant d'origine anglaise, très contaminant. Nous devons tous redoubler d'efforts pour éviter de multiplier les contacts et en particulier les rassemblements, qui pourraient très vite devenir des "clusters", des foyers de contamination. Je trouverais scandaleux que, pour satisfaire la piété eucharistique de quelques-uns, un seul fidèle ait été atteint. Nous ne pouvons pas courir un pareil risque!

Enfin, pour un  motif social, de solidarité et de simple fraternité. En assumant le manque, nous nous rendons solidaires de ceux qui sont privés de leur essentiel : de leur travail, de leurs ressources, de leurs rencontres. 

On pourra me reprocher de ne pas vivre moi-même ce que je recommande puisque, étant prêtre, je célèbre la messe chaque jour, privément. Mais je le fais en croyant que la communauté chrétienne peut s'unir, de façon invisible mais réelle, à ce que je célèbre pour elle et en portant ses intentions, surtout quand on me les confie. Et ma privation à moi, celle que j'offre, c'est celle du peuple chrétien -  c'est une blessure en effet d'en être privé, d'être privé de sa présence, de l'assemblée tout entière célébrante, à ce moment crucial de ma journée.

Je ne veux ici jeter la pierre à personne, bien entendu. Je peux comprendre les frustrations. Mais je ne suis pas complotiste, je ne crois pas à des velléités maçonniques, je ne suis pas sûr que le choix des évêques français soit exemplaire. Et il me semble que, de ces privations nécessaires, nous pouvons tirer de quoi grandir ensemble dans la foi. Mieux qu'en réclamant ce qui n'est jamais un dû, mais un don gratuit de Dieu, qu'il fait quand il veut et comme il veut...

1 commentaire:

  1. J'ai réagi violemment à certaines prises de parole d'évêques français, pour des raisons bien proches de celles que vous évoquez. La "revendication" pouvait être juste juridiquement mais ni théologiquement, ni pastoralement, à mon sens. Contrairement à l 'impression que cela pouvait donner, la position était loin d'être unanime chez les évêques...

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