Dîné ce soir à Bruxelles, à sa demande du reste, avec Paul Washer, que je n'avais pas vu depuis trop longtemps. J'ai beaucoup d'admiration pour cet homme de 90 ans, pour son intelligence, son érudition et sa passion intacte à l'égard de l'économie et de la finance. Petit-fils d'Ernest Solvay, il a été pendant longtemps l'un des dirigeants du groupe Solvay, et plusieurs années son "Chief Financial Officer". Je suis heureusement surpris de l'analyse sans concession que cet homme propose de la crise financière actuelle, et des solutions que l'Europe entend lui apporter : selon lui, les politiques d'austérité sont vouées à l'échec et ne pourront que favoriser un chômage toujours croissant - en particulier, le chômage des jeunes, et donc leur désespérance. Il en a, dit-il, toujours été ainsi dans le passé. En outre, et contrairement à ce que pensent l'Allemagne et Madame Merkel, le brusque assainissement des finances publiques n'encourage pas les investisseurs et ne rétablit pas la confiance. Il faut, certes, veiller à éviter les gabegies et les toxiques dans les banques, mais il faut surtout promouvoir une politique décidée de relance économique par des investissements d'Etat (et notamment dans les services publics si... fatigués de nos pays, par exemple les chemins de fer). L'historien qu'il est rappelle que, après la guerre, les Etats-Unis ont, en trois ans seulement, relancé leur économie et ainsi amenuisé leur endettement (qui était de 100%) - avec le plan Marshall en prime, qui a permis à l'Europe de repartir. Il ajoute qu'il faut évidemment dégraisser l'Union Européenne et ses pays membres du trop grand nombre de fonctionnaires, qui sont souvent une charge sans retombées... Et que l'euro, qui doit bien sûr être maintenu, devrait perdre au moins 20% face au dollar, pour une meilleure compétitivité des échanges.
C'est évidemment un discours "libéral", mais soucieux aussi de préserver les acquis de la sécurité sociale, d'un enseignement de qualité, etc., précisément grâce à une croissance relancée par de nouveaux investissements publics (et donc de nouveaux emprunts). Je lui fais observer que c'est le propos tenu par Jean-Claude Guillebaud semaine après semaine dans ses chroniques du "Nouvel Observateur", et que ni l'homme ni l'hebdomadaire ne passent pour être "de droite". "Devant la crise traversée, dit-il, ces classements sont obsolètes. Si l'on veut qu'il y ait de l'argent pour aider les personnes, il faut créer de la richesse."
Bon, moi je ne suis pas économiste. J'écoute, j'enregistre - et je rapporte aussi bien que possible, ici, ce que pense un homme dont j'admire l'expérience et, encore une fois, l'intelligence, dans des domaines qu'il connaît infiniment mieux que moi.
Et j'espère que ceux et celles qui s'y connaissent, et qui ont des décisions à prendre en ces domaines, débattront avec sérieux de ces questions et des enjeux humains qui y sont liés.
Nous avons aussi beaucoup parlé de la mort, à laquelle il pense, dit-il, mais en désirant pouvoir se battre encore pour convaincre tous ceux qu'il croise de la justesse de ses thèses. Ce qui ne l'empêche pas de croire plus qu'avant à l'éternité - elle s'impose aujourd'hui à cet "ulbiste" agnostique comme une évidence devant l'aspiration profonde du coeur de l'homme.
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