J'ai eu la joie, avant-hier dimanche, d' "installer", comme on dit, le nouveau doyen d'Ath. Dans mon mot d'introduction, j'ai cru bon d'insister sur l'autorité qui est celle d'un curé - et donc, d'un doyen (mais je préfère le terme et la fonction de "curé" : "celui qui a cure, qui a soin, qui prend soin de ceux et celles qu'on lui confie"). Il est difficile d'évoquer aujourd'hui l'autorité, parce qu'elle est en crise, aussi bien chez les parents que chez les éducateurs, chez les enseignants et chez les politiques. Quelle est aujourd'hui l'autorité d'un ministre, mis à part le respect tout extérieur qu'on lui manifeste quand on sait qu'il va peut-être apporter de l'argent de l'Etat pour tel ou tel projet local? Cette crise a une part de légitimité : elle exprime la peur de l'autoritarisme, de la dictature, de la prise de pouvoir sans le contrôle démocratique. En même temps, elle conduit souvent, avouons-le, à la démobilisation des personnes qui, contrôle démocratique ou non, sont placées en position d'autorité : parents, enseignants, éducateurs, hommes politiques et... responsables religieux.
J'emploie à dessein le terme de "responsables", ceux et celles qui devront rendre des comptes, qui devront répondre de leur mission. L'autorité, c'est ce qui fait grandir le bien commun, malgré et quelquefois contre les tentatives toujours récurrentes (et on les comprend) des biens particuliers ou individuels.
Dans l'Eglise, cette autorité, en outre, est apostolique : elle n'a pas d'abord de fondement démocratique (le curé n'est pas élu, dans l'Eglise catholique, par le peuple, mais "reçu"). C'est parce que le Christ a envoyé des disciples, dès lors appelés "apôtres" (envoyés), qui eux-mêmes ont envoyé des successeurs (des évêques), que les curés, collaborateurs des évêques par la participation au même sacrement de l'ordre, deviennent responsables des communautés. C'est pourquoi le prêtre devenu curé est toujours un dérangeur, et osons le mot ici, un emmerdeur : il remet en cause, il reprend à neuf, il interroge des situations considérées comme acquises. C'est sans doute la meilleure manière d'empêcher des communautés locales de se replier sur elles-mêmes, de tourner en rond dans leurs petites (et quelquefois mauvaises) habitudes. En même temps, comme l'a rappelé le Concile Vatican II voici cinquante ans, les baptisés ont aussi à exercer leur rôle et leur autorité, mais en dialogue et en communion avec ce ministère apostolique : d'où, par exemple, le vrai pouvoir confié chez nous à l' "Equipe d'Animation Pastorale" (EAP) après large consultation de tout le monde (voir un post précédent). Car les prêtres ne sont pas en droit de faire n'importe quoi sans prendre le temps (qui dure longtemps, comme dirait l'autre) d'écouter pour nuancer infiniment leur point de vue, et leur autorité n'est pas telle, tout apostolique qu'elle soit, qu'elle puisse s'exercer de façon despotique. Mais un moment donné, lorsque le bien commun est en jeu, il faut décider, quitte à ne pas faire plaisir et à se mettre des personnes à dos!
J'ai conseillé au nouveau doyen d'Ath d'exercer son autorité apostolique, non pas pour jouer au petit chef, mais pour veiller au bien commun. Je sais que cela ne sera pas pour lui une partie de plaisir, et que de temps en temps, devant des coups de gueule, des pressions et quelquefois des menaces, il va devoir prendre sur lui. Mais je le connais. Il est solide et, comme on dit à Enghien, "il peut là contre".
Et je le soutiendrai.
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