Je poursuis soir après soir la lecture des Mémoires du Duc de Saint-Simon : j'en suis au tome IV en Pléiade, il m'en restera donc bientôt quatre autres. Cette lecture m'enchante, le petit Duc des XVIIème et XVIIIème siècles semble décrire nos moeurs, nos ambitions, nos carriérismes imbéciles. Ainsi rapporte-t-il le second mariage de Pontchartrain, un courtisan qu'il n'a jamais pu encadrer, ministre de Louis XIV, mariage qui se produit en 1713, cinq ans après le veuvage dudit Pontchartrain : "Il y avait cinq ans au plus que Pontchartrain avait perdu une femme de tous points adorable, l'unique peut-être qui eût pu avoir la vertu, la raison, la conduite et l'incomparable patience de l'être de lui, et dont la considération, comme on l'a vu en son lieu, l'avait soutenu et lui avait sauvé sa place. Il s'était bientôt lassé de la comédie forcée de sa douleur, et, quoiqu'il eût deux fils, il voulut absolument se remarier. Sa figure, hideuse et dégoûtante à l'excès, mais agréable et même charmante en comparaison de tout le reste, n'empêcha pas la séduction de l'éblouissement de la place. Melle de Verdonne, qui était riche, et qui était L'Aubespine comme ma mère, mais parente éloignée, en voulut bien." (Mémoires IV, 1711-1714, p.702).
Peut-on être plus cruel?
Mais, bon sang, quel style!
Et cette manière d'avouer en douce qu'il est, par sa mère, cousin de cette femme, mais qu'elle n'est tout de même qu'une "parente éloignée"... Quelle rosserie dans l'écriture, toute en suggestion, en esquive!
Et cela ne vous fait-il songer à rien ou à personne de contemporain?
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