Poursuivant sur l'anniversaire de l'ouverture du Concile Vatican II, je voudrais souligner que l'Eglise s'y est redéfinie comme sacrement, c'est-à-dire signe efficace et moyen de présence du Christ dans le monde. Ce qui veut dire : elle n'est pas une puissance alignable sur les autres pouvoirs publics, nationaux ou internationaux (qu'ils se rassurent tous, si sa tentation par le passé a été de gouverner le monde, en principe cette tentation a été repoussée). L'Eglise se réjouit non pas du laïcisme, qui est lui aussi une volonté hégémonique et l'exigence d'une pensée unique, mais de la laïcité, qui sépare bien les sphères d'influence des pouvoirs politique et spirituel. Mettons un bémol : cette question mérite d'être réglée avec plus de doigté qu'elle ne l'est aujourd'hui en Belgique, où certains en infèrent (trop) vite que le spirituel doit relever du "privé" seulement. Or, la foi chrétienne relève aussi de la vie publique, évidemment, ne serait-ce que parce qu'elle suppose une communauté, un rassemblement visible, bref quelque chose de repérable du point de vue sociologique, avec sa consistance et ses revendications dans le domaine public. Du reste, les informations quotidiennes qui nous arrivent du monde entier nous préviennent de l'importance visible et politique du religieux. Mais il est vrai que cela ne saurait accrediter l'idée que le politique doit se soumettre au religieux : la démocratie, heureusement, nous a prévenus contre ces dérives et ces prises de pouvoir, qui engendrent toujours l'intolérance, la violence, les guerres et la barbarie.
Au Concile Vatican II, donc, l'Eglise catholique s'est sagement redéfinie comme un "signe". Un signal, un rappel, lancé à tous les hommes, de la présence du Christ et de Dieu en leur monde. Sur un mode humble, avec des accoutrements liturgiques quelquefois rigolos (les glands aux chapeaux des évêques et cardinaux n'en constituant pas l'attraction la plus banale), des rituels et des modes de célébration qui peuvent paraître désuets à certains, etc. L'essentiel n'est pas dans la matérialité du signe, mais dans sa présence : souvenez-vous, hommes et femmes qui vivez en ce siècle dans une Belgique trop nantie, souvenez-vous de l'amour qui seul importe à la réussite d'une vie humaine. Que ce soit dans vos villes, dans vos ménages, dans vos itinéraires personnels, dans l'accueil des autres, dans vos façons de consommer et de dépenser votre argent, ou de le gagner... Souvenez-vous de ce bonheur-là, indépassable, que le Christ a prêché et dont il a fait son Royaume. Après, vous pourrez rigoler des soutanes et des cols romains, des célibats et des cornettes, de l'encens et des flonflons liturgiques, des cache-boutroules violets des évêques et des chaussettes rouges des cardinaux, du point de vue des signes et des signaux, hein, on fait ce qu'on peut avec le passé qu'on a. Amusez-vous de la matérialité du signe, si vous voulez, mais ne méprisez pas sa signification (si je puis me permettre de faire ici de la "sémiologie").
Et méfiez-vous de ceux qui exaltent à l'excès cette matérialité du signe, certes, et qui en rajoutent toujours dans les fanfreluches, mais méfiez-vous également de ceux qui, sous prétexte de sobriété, ont complètement éteint le signe.
Qu'importent le nombre et la puissance numéraire de nos assemblées, mesurés à cette aune? "Combien de pratiquants, monsieur le doyen?" - "Je m'en fiche un peu, madame : mais que nos assemblées soient significatives, s'il vous plaît, indépendamment de leur masse." "Combien de séminaristes, monsieur le doyen?" - "Je m'en fiche aussi, madame, mais que les prêtres soient vraiment prêtres, heureux de l'être et de donner leur vie, pour que vive le Signe qu'il faut donner au monde. "
Et ainsi de suite...
Voilà, je crois, le balancement de logique auquel le Concile Vatican II a donné l'heureuse impulsion. Une impulsion qu'il ne faut pas perdre...
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