Retour de trois jours passés à Paris, dans cette ville aimée, et par moi tellement fréquentée depuis tant d'années qu'elle est beaucoup plus "ma" ville que Bruxelles (par exemple), je fais le bilan de certaines rencontres, toutes avec des écrivains ou des critiques.
Ainsi lundi soir étais-je invité à l'hommage rendu à Catherine Lépront, un écrivain qui vient de mourir et dont j'estime énormément l'oeuvre romanesque, trop peu connue. Cela se passait à "La Maison de l'Amérique Latine", Boulevard Saint-Germain, et c'est René de Ceccatty, dont on sait sur ce blog l'amitié qui nous unit, qui avait organisé la soirée. Je retiens surtout le discours de Sylvie Germain, parlant de Catherine et de son travail à partir du tableau de Vermeer, "La Lettre" et du rapport des deux femmes - une seule en vérité, dira Sylvie - que le peintre y reproduit, une seule, donc : la femme qui écrit, et ce qu'elle fait en écrivant.
La littérature n'est pas ce que l'on croit : de quoi gagner très vite beaucoup d'argent en se faisant publier et acheter. La littérature, comme tous les beaux-arts, est une tâche, ardue, quotidienne, à recommencer, à creuser, exactement semblable à toutes les autres tâches ingrates et nécessaires pourtant à la vie humaine. Si la reconnaissance du public s'ensuit, eh bien tant mieux! Mais cela n'est pas un critère : certains livres (et certains auteurs) très lus et très vendus sont aussi très mauvais, et inversement. Souvent, la tâche reste obscure, méconnue - et d'autant plus précieuse.
Confirmation de cela en partageant un repas avec Josyane Savigneau, qui fut longtemps directrice du "Monde des Livres" (où j'ai collaboré tout un temps pour les livres religieux) et qui me demande de rédiger quelques notices dans un ouvrage à naître sur... des femmes mystiques. Et, le soir, en dînant avec Angelo Rinaldi, autre critique (et Académicien), avec lequel nous avons beaucoup ri des travers de notre époque. Je lui disais que, avant de dormir, dans mon lit, je lisais Saint-Simon (qu'il connaît par coeur) : "En êtes-vous déjà, me dit-il, à ce passage du temps de la Régence où un duc demande une faveur au Cardinal de Fleury? 'Moi vivant, dit le Cardinal, jamais.' 'En ce cas, Monseigneur, j'attendrai', répondit le duc." Non, Angelo, je n'en suis pas encore là, j'y arrive... Mais j'en ris déjà, et, à certains, je la replacerai!
La littérature - celle-là - nous rejoint dans ce que nous portons en nous d'informulé, et qui ne pourrait pas advenir sans elle. Elle vaut la psychanalyse (cet art allemand, au fond, non pas français), et probablement va plus loin (mais il est vrai que les Allemands, eux, c'est la musique, qui au fond a peut-être le même objet). Le style, quand une oeuvre est "écrite" (et beaucoup ne le sont pas), c'est un miroir en lequel nous nous reconnaissons et nous voyons comme jamais nous n'aurions osé nous découvrir (et j'entends ce mot dans son sens premier). Ce en quoi, à mon avis, la littérature est une alliée nécessaire de la théologie et de la vie spirituelle.
Lisons, et choisissons nos lectures! La vie est trop courte!
Et puis, il y aussi autre chose : j'aime Paris, décidément, cet éblouissement de l' "esprit français", cette manière qu'on dirait en Belgique "rosse" de retourner les gens comme des crêpes.
Mais sans leur faire mal...
Est-ce un péché, mon Père?
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