Avec quelques amis, une journée d'excursion, vers le Sud - pour les Belges que nous sommes, vers la France. Premier arrêt :Laon, et sa "montagne couronnée", c'est-à-dire ornée de sa cathédrale. Comme autrefois les voyageurs fatigués par la poussière des routes, nous apercevons de loin la masse élégante, un refuge. Et, de fait, une fois gravi le plateau, l'église est là, grande ouverte, qui s'offre - et un audio-guide épatant précise aux visiteurs les notions d'architecture ou d'histoire qui lui permettent de s'y retrouver dans le dédale des siècles et des pierres. Lieu d'accueil, la cathédrale fut et reste aussi une représentation architecturale de la foi, et qui la parcourt dans le bon sens aujourd'hui revit en quelque sorte son initiation chrétienne : de l'Ouest à l'Est, des ténèbres du porche à la lumière du choeur, du baptême à la vie bienheureuse en passant sous le portail du Jugement Dernier. Nos prédécesseurs apprenaient à croire avec leurs pieds plus qu'avec leurs têtes. Et pour nous qui mettons aujourd'hui nos pas dans les leurs, la visite culturelle, de distrayante, devient contemplative.
En face de la cathédrale, un bistrot accueillant et son plat du jour : comment visiter la France sans la goûter? Les produits locaux sont mis à l'honneur, ici, la quiche au maroilles et les fruits du pays... La première façon par laquelle une région vous dit qu'elle vous aime, c'est en vous offrant à manger et à boire le meilleur de ce qu'elle produit. J'ai toujours pensé qu'il n'y avait pas de culture plus noble qu'une autre, et que la gastronomie est à ranger au nombre des beaux-arts, autant que la musique, la peinture ou l'architecture. Et que le bien manger, s'il devient occasion d'action de grâce pour les dons de Dieu, peut être aussi le début de la prière. Le christianisme, même s'il propose de temps en temps et de lieu en lieu des ascèses nécessaires, est et reste une religion de l'incarnation : Dieu, oui, mais dans la chair, et à travers elle! Le repos contemplatif n'est pas anorexique...
Quelques centaines de kilomètres plus bas, voici Fontainebleau. Le château est encore ouvert : la guide est ici une belle grande dame, passionnée par son métier et par l'histoire du lieu. Occasion de se replonger dans ces siècles qui ont fait la France et marqué l'Europe. François Ier, le pauvre pape Pie VII tellement malmené par Napoléon Ier, lui-même ensuite malmené par l'histoire (la cour est celle "des adieux"!), Napoléon III et son admirable théâtre. La représentation du pouvoir est là, devant nos yeux, avec son faste, son luxe, ses excès, sa vanité aussi. Le plaisir de s'instruire conduit à prendre du recul, à méditer sur la gloriole humaine et sur ce besoin récurrent qu'elle a d'exalter les mises en scène de la puissance. Il me semble qu'il faudrait marcher pieds nus dans ces couloirs élégants, qu'il faudrait sans cesse placer, au centre de ces palais, de petits enfants désobéissants, comme Jésus le fit avec ses disciples lorsqu'il leur parla du pouvoir dans son Royaume à lui : avec leurs jeux et leurs gaudrioles, sans rien dire, ces gosses rediraient à tous la grandeur de la simplicité et le besoin du service.
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