Mauriac, dans les Mémoire intérieurs, évoque Saint-Simon et les erreurs par lui repérées, dans le règne de Louis XIV, en matière de politique religieuse, en particulier la Révocation de l'Edit de Nantes et la condamnation des Jansénistes. C'est que le grand roi voyait la religion comme un ciment social, qu'il était obsédé par le pouvoir, ignare en matière de foi chrétienne et mal conseillé en ce domaine. Mauriac : "Le pouvoir du confesseur sur un roi dévot et maître absolu de son royaume, nous voyons quel usage en a été fait et ce qu'il en a coûté à la religion et à la patrie. Louis XIV est mort tranquille : il s'est cru un défenseur de la foi, comme l'en assuraient le Père Tellier et Mme de Maintenon. Il est mort plus que tranquille au sujet de Port-Royal et de la Révocation. Il ne doutait pas que ce ne fussent ses meilleurs titres devant Dieu et qu'il rachetait, par des abjurations forcées et par des tombes violées, le scandale de ses adultères et de ses guerres, et le Palatinat nettoyé selon des méthodes dont la recette n'est pas perdue. Le vrai christianisme est bien innocent de ces impostures. Voilà ce que les hommes ont fait de la vérité dont ils ont reçu le dépôt et ce qu'ils continuent d'en faire par d'autres voies. Mais la vérité demeure, et Port-Royal dont il ne reste pas pierre sur pierre crie à jamais contre Versailles." (F. MAURIAC, Mémoires intérieurs, op. cit., pp. 498-9)
A toutes les époques, à la nôtre aussi, la tentation est grande d'utiliser la religion à des fins politiques, ou l'inverse, de confondre Royaume de Dieu et Royaume de la terre, en oubliant que le second jamais n'épuisera le premier. Le christianisme n'est pas une machine à fabriquer de l'ordre social, même s'il entend féconder profondément, par la semence du message évangélique, toute société et toute culture en lesquelles ils se propose comme une vie de conversion. Mais lorsqu'on oublie, volontairement ou non, cet écart, l'intolérance n'est jamais loin. La sécularité du monde, que la foi judéo-chrétienne porte au coeur de sa doctrine même, est la meilleure garantie pour se prémunir de ces excès - ils sont, hélas, toujours à nos portes!
Si nous n'apprenons pas à concilier cette sécularité et l'annonce de l'Evangile, nous serons des doctrinaires de la pire espèce, des idéologues et, rapidement, des salauds.
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