J'ai baptisé des petits enfants ce midi, et je n'ai pu m'empêcher de mettre en parallèle le geste inaugural du baptême, qui consiste à tracer sur le corps du futur baptisé le signe de la Croix, et la parole de Jésus rapportée par l'Evangile du jour (Lc 14, 26) : "Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disicple." Porter sa croix : la destinée chrétienne. L'épicurisme ambiant a raison, qui nous fait aimer les "bons moments" de la vie, les rencontres, les amitiés, les repas et la musique, les fêtes et les beaux-arts, la littérature, la culture, etc. Mais n'est-il pas insuffisant, jusqu'à méconnaître la part difficile et inévitable pourtant de nos existences humaines : les déceptions et les échecs, les ratages et les souffrances, les incompréhensions et les divisions, les tristesses et les mélancolies, et puis, comme chantait Brel, "et puis la mort qui est tout au bout"? Le Christ n'a pas, dans son existence terrestre, méconnu les joies simples et les bonheurs légitimes de la vie : il les a au contraire partagés avec ses contemporains, et nos évangiles sont remplis de repas et de fêtes. Mais "il s'est dépouillé lui-même jusqu'à la mort, et la mort de la Croix" (Ph 2); il a embrassé jusque là notre nudité, nos pauvretés et nos échecs. Et maintenant, chaque fois que nous traversons les jours de peine, nous pouvons y reconnaître sa Croix, présente sur nos fronts et en nos vies depuis le baptême qui nous fit un jour Christs dans le Christ. Alors, elle change, la perspective de nos existences et la perception de notre bonheur : nous apprenons le dépouillement avec le Christ, le détachement de tout, peu à peu, à chaque Croix rencontrée, et nous devenons sans doute chaque fois un peu plus libres, un peu plus vrais, un peu plus nus. Et un peu plus espérants : la Croix nous ouvre la Vie éternelle, elle est depuis Pâques l'autre face de la Résurrection, de la Vie.
Pour les chrétiens, sans rien nier des joies présentes, là est la source du bonheur.
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