jeudi 22 janvier 2015

Sur la laïcité et les cours dits "philosophiques"

Les récents et tragiques événements en France et en Belgique font que beaucoup réclament, de partout, plus de laïcité, ou une laïcité mieux affirmée. Je suis d'accord, à la condition de s'entendre sur le terme.
A mes yeux, la laïcité est un cadre indispensable à la vie citoyenne, qui permet à toutes les convictions philosophiques ou religieuses de cohabiter et, mieux encore, de "s'entre-tenir" dans une société. En veillant à ce vivre ensemble, elle interdit d'emblée les fanatismes, les velléités de s'imposer dans le débat. Et ce débat, au contraire, elle l'appelle de ses vœux et le favorise.
A mes yeux toujours, et du coup, elle n'est pas une religion de plus, et meilleure que les autres, qui les regarderait de haut en se proclamant la seule vraie vérité de l'homme et du monde, une religion avec ses grands prêtres, ses rituels, ses temples, ses saints, sa doctrine et, évidemment, aussi, ses fanatiques toujours possibles.
Tout ce qui prétend lui faire prendre la place des religions, ou d'une religion, devient - à mes yeux encore - terriblement suspect. On est alors dans la récurrence non pas de la laïcité, mais du laïcisme, et de son cortège de mépris insultant pour la pensée religieuse et pour son expression publique - une expression qui, faut-il le rappeler ici, est non seulement légitime (conforme à la Déclaration  Universelle des Droits de l'Homme de 1948) mais inévitable, dès lors que le religieux est aussi une manière de vivre ensemble, de faire communauté, et donc une forme de vie repérable dans le champ social, qu'on le veuille ou non!
Peut-être conviendrait-il de se souvenir de tout cela, avec un peu plus de rigueur qu'on ne le fait dans la presse, lorsqu'on parle du "cours de religion", par exemple, de sa nécessité et de son contenu. Peut-être faudrait-il se souvenir que la sociologie religieuse existe comme science et est enseignée comme telle depuis des décennies - mettons, pour dire un nom, depuis Max Weber. C'est une discipline qui a précisément pour objet d'étudier l'impact social, public, du religieux et qui suscite des recherches très développées, entre autres, à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris, où elle a été honorée par des maîtres prestigieux et récemment décédés, comme Jean Séguy ou Emile Poulat.
Hors ce patient travail, la bien légitime quête d'une laïcité accrue risque de redevenir une idéologie de combat, d'autant plus vite inefficace qu'elle sera plus polémique : quelle autorité auront, sur des adolescents de banlieue qui n'en ont rien à faire, des "professeurs de citoyenneté", jugeant de haut et comparant entre elles des religions dont ils ne sauront souvent pas grand chose et sûrement peu le retentissement existentiel qu'elles peuvent avoir auprès de ces mêmes jeunes? Je ne pense pas que l'on s'en sorte avec des formules pareillement "bidon" - excusez le terme. Le cours de religion catholique a comme programme de scruter la vie des élèves - surtout dans le secondaire -, d'exprimer leurs questions comme on exprime le jus d'un fruit, de les verbaliser, de les faire remonter, d'en voir les enjeux et la portée, de les confronter aux données des grandes traditions philosophiques et de la foi chrétienne, et tout cela, sans aucune velléité prosélyte. Moi, je crois que c'est dans ce sens-là que chaque tradition religieuse et philosophique peut  honorer le cadre laïc tellement nécessaire. Que ce sera profitable à tous. Et qu'il faut y travailler ensemble.

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