La télévision, quelquefois (trop rarement) offre des bonheurs. Ainsi le téléfilm de Nina Companeez, diffusé avant-hier et hier soir sur France 2, et adapté de l'oeuvre de Marcel Proust,"A la recherche du temps perdu". Passons sur l'excellence de la mise en scène, sur le caractère éblouissant des costumes et des décors, sur le jeu des comédiens (Micha Lescot, remarquable dans le rôle du Narrateur, Didier Sandre, exceptionnel dans celui de Charlus, etc.) Cette adaptation - entre toutes difficile - d'une oeuvre qui est sans doute la plus importante de toute la littérature française du XXème siècle, a eu le mérite de (re)donner le goût de lire Proust. En tous les cas, en ce qui me concerne! J'avais lu "La Recherche" lorsque l'étais en rhéto au Collège de Bonne-Espérance (à 18 ans, donc!) et cela avait été une expérience essentielle. Je me revois, au printemps, arpentant la "charmille" pendant les heures de liberté que laissait l'internat, avec à la main "Du côté de chez Swann" dans l'édition Folio. Après la diffusion du premier épisode, avant-hier donc, je décidai, ayant assez (re)lu Mauriac, de reprendre l'édition "Pléiade" de " La Recherche" pour mes lectures d'avant-dodo.
Quelle expérience, quelle initiation à la vie!
Et cette évidence, des années après mes dix-huit ans (!) : ce qui est essentiel, là-dedans, c'est la formulation de l'intériorité. Proust ne décrit pas tant un monde (celui des salons du début du XXème siècle) qu'il ne décrit "son" monde, avec une précision non pas scientifique, mais littéraire, toute dans la métaphore, dans la justesse du style. Il ouvre ainsi au lecteur le domaine de sa propre intériorité, et lui suggère en quelque sorte d'en faire autant.
Thérèse d'Avila ("La Madre"), au XVIème siècle, Thérèse de Lisieux au XIXème, n'ont pas fait autre chose, dans le domaine de la vie spirituelle, que de décrire d'abord leurs "états d'âme", avec sans doute moins d'éclat, moins de virtuosité, que Proust (quoique). Mais c'est le même sillon, nécessaire à tous dans une vie spirituelle : retrouver son intériorité, la formuler, dire son "je" ou son "moi" - et, si l'on tente l'aventure de la prière - laisser ce "moi" être investi par l'Autre, celui qui mieux que nous sait notre énigme.
Dans l'une de ses "Pensées" les plus étranges, Pascal avait écrit, à la hâte : "Platon, pour préparer au christianisme". Relisant Proust ces temps-ci (et avec les trois volumes en Pléiade, me voilà parti pour un bon moment : merci, Mme Campaneez!), on pourrait parodier : "Proust, pour préparer au christianisme".
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