samedi 11 septembre 2021

Homélie de Mgr Marsset aux funérailles de Jean-Paul Belmondo

 Voici le texte de la très belle homélie prononcée hier par Mgr Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris, pour les funérailles de Jean-Paul Belmondo en l'église parisienne de Saint-Germain-des-Prés

« Si le grain de blé meurt, il porte beaucoup de fruits… » Avec Paul son fils, nous avons choisi cette page d’Évangile pour vivre avec vous son enterrement, son enciellement, le vivre sous le regard de la Parole de Dieu. Nous avons d’abord pensé évidemment à tous ces fruits que vos témoignages disent, et ceux des Français, ces fruits que révèlent tous ces hommages des artistes et des anonymes. Lui, l’homme à la gaîté communicative, à la joie généreuse, à l’empathie ruisselante… Le comédien qu’il était, vivait dans sa vie ordinaire ce qu’il savait donner aux autres : la joie, la générosité, l’humour. Dans Itinéraire d’un enfant gâté, il nous dévoilait peut-être quelque chose de lui, quand il disait à Richard Anconina : « Ce qui intéresse les personnes, c’est que tu leur parles d’eux, pas de toi ». Et nous savons tous comment il a su insuffler à ses personnages sa sympathie, sa bonne humeur, son charme d’homme heureux.

Ainsi quand il a tourné Léon Morin, prêtre, François Mauriac avait écrit dans le Figaro littéraire : « La grâce s’imite donc, me disais-je. Qu’un bon acteur comme Belmondo puisse devenir n’importe quelle créature, entrer dans toutes les peaux, je le savais. Mais ici, dans ce rôle-là, il fallait devenir ce saint qui ne sait pas qu’il est saint et qu’il fût en même temps ce garçon aimé d’une jeune femme et qui sait qu’il est aimé ».

Il y avait en lui une vraie unité de vie qui a contribué à le faire aimer. Il était aimé des gens parce qu’il aimait les gens, on l’a souvent dit et redit !

Mais cette page d’Évangile nous parle d’abord d’une autre mort symbolisée par ce grain de blé tombé en terre. C’est la manière pour Jésus-Christ de parler de sa mort et de notre mort, de sa vie et de notre vie. Oui, on ne meurt pas pour rien. La mort fait partie de la vie. Elle n’en est pas le terme, elle est notre naissance dans le mystère de Dieu. C’est le sens de ce geste d’eau bénite que je ferai tout à l’heure à la sortie de la célébration sur son corps, comme un autre prêtre l’a fait, il y a 88 ans, le jour de son baptême. Nous sommes tous sortis, un jour, du ventre de notre maman. Et ce jour-là, on a découvert ce qu’était une maison, un arbre, un frère, un chien… tout ce qu’on ne peut pas imaginer dans le sein de sa mère. On a aussi découvert notre père, notre mère, nos amis.

De la même manière, au jour de notre mort, nous sortons du ventre de notre terre et nous naissons à une réalité inimaginable. Dans cette réalité, au centre de tout, il y a notre Père qui est aux Cieux. Et son Fils, grain de blé semé pour poser en nous la vie divine. Et nous découvrons notre famille humaine dans son intégralité. Jean-Paul Belmondo était baptisé, pas franchement pratiquant dans le domaine liturgique, mais il a gardé dans sa belle humanité des traces indélébiles de sa ressemblance filiale avec Dieu.

Dans une interview, il disait qu’il ne craignait pas la mort : « Elle est inéluctable, disait-il, et il y a longtemps que je me suis fait une raison ». Aujourd’hui, l’homme de brio rencontre le Fils du Très Haut. Le « bien-aimé des hommes » Jean-Paul Belmondo, découvre le Bien-Aimé du Père, celui que le Père des Cieux appelle son « Fils bien-aimé : Jésus ». Le grain de blé était volontairement tombé en terre, il y a deux mille ans, pour que nos propres vies humaines ne se terminent pas par un saut dans le vide, mais soient absorbées dans sa vie divine. Et ce sera pour Jean-Paul, comme pour nous, chacun à notre heure, une divine surprise.

Dans les rares paroles qu’il a laissées sur sa vie de baptisé, Jean-Paul Belmondo parlait plus d’une deuxième vie qui prolongerait, mais en mieux, les amours et les amitiés de la terre. Il avait dit qu’il retrouverait autour d’une bonne table Lino, Gabin, Audiard et tous ces autres compères. Ses parents aussi, sa fille Patricia… Sa surprise aujourd’hui, c’est de découvrir que la mort n’est pas une heureuse (ou douloureuse) prolongation de la vie terrestre, c’est une totale transformation. Quand on est mort, on est mort. Et c’est pour la vie ! On ne se survit pas à soi-même ! S’il y a une autre vie, elle ne peut pas venir de nous. Elle vient forcément de Dieu. Et ni Dieu, ni l’éternité ne sont comme nous l’imaginons. Bien heureusement !

Du coup, la mort a bien deux visages. Celui d’une souffrance, pour nous qui restons sur la terre. Et cette souffrance est proportionnée au bien qu’a fait cet homme, si peu ordinaire et pourtant si ordinaire, une souffrance qui est proportionnée à l’amour que chacun avait pour lui. Ce visage de la mort est peiné, même s’il est admiratif et louangeur parce qu’il est une séparation : oui, Jean-Paul Belmondo est mort.

Mais l’autre visage de la mort, c’est celui du mort qui découvre cet instant « D », l’instant DIEU non comme un flop, mais comme une rencontre. La mort, c’est être libéré du temps « chronos », du temps-souffrance, du temps-vieillissement, et entrer dans le temps « kairos », le temps de Dieu, le temps de l’Amour de Dieu, le temps de l’accomplissement de notre vie devant notre Créateur et notre Sauveur.

Pour nous, pour vous, sa famille charnelle et sa famille de cœur, la mort est encore un point d’interrogation. Mais en présence de Dieu, elle est un point d’exclamation ! Qui mourra, verra. La mort est un passage de l’amour en humanité à l’Amour en éternité, ce lieu où les vraies amours trouvent toute leur place dans le cœur de Dieu.

« Seigneur, je ne te demande pas pourquoi tu nous as enlevé Jean-Paul Belmondo, je te remercie de nous l’avoir donné ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire