La première objection contre Dieu est celle du mal : s'Il "existe", si de surcroît Il est le "Bon" Dieu, alors pourquoi permet-Il le mal sous toutes ses (ces) formes, celui dont nous sommes sinon coupables, du moins complices, et celui auquel nous ne pouvons rien, le "malheur"?
La théologie commence là : telle était l'intuition, en tous les cas, du Professeur Adolphe Gesché (Faculté de Théologie, UCL), mon éminent confrère décédé il y a quelques années, auteur d'une oeuvre remarquable intitulée "Dieu pour penser", et dont le premier volume s'intitule précisément : Le Mal (Cerf, 1993, 186pp.). La dominante est : quiconque ose parler de Dieu - en ce sens étymologique, quiconque est "théo-logien" - doit poser la question du mal et du malheur. Non pas, comme on le fait trop souvent, du point de vue moral ("sommes-nous coupables", etc...), mais du point de vue de la pensée : pourquoi le mal? Pourquoi la "toute-puissance" de Dieu, confessée dans le Credo, n'arrive-t-elle pas à dompter le mal - dont, encore une fois, certes nous sommes parfois complices mais jamais auteurs, et qui nous dépasse infiniment?
L'évangile de ce 2ème dimanche dans l'année (ordinaire), le début de l'évangile de Jean qui rapporte la prédication du Baptiste à propos de Jésus, nous livre une clé : le Baptiste "qui ne connaissait pas Jésus" dit-il, a reconnu en lui les signes du Messie, du Sauveur du Mal, du Fils Bien-Aimé, bref de Dieu, à l'humilité de cet homme qui s'est soumis, sans en avoir nul besoin, à son baptême pour en préparer un autre : celui du don, celui de l'amour. En Jésus, confesse Jean-Baptiste, il y a "l'Agneau de Dieu", celui qui prend sur lui pour l'emporter avec lui tout le mal du monde, et pour toujours. Voilà ce qu'a "vu" le Baptiste, avec les yeux de la foi, et que nous sommes conviés à voir avec lui.
"Cela ne se remarque pas", diront beaucoup : en effet. Le monde semble n'avoir pas changé, depuis Jésus, et le mal est encore là : partout, des guerres, des injustices, des épidémies, des maladies, des famines, partout la mort semblent régner.
Mais le chrétien, moderne Baptiste, sait que le mal est vaincu en Jésus, avec les yeux de la foi il le "voit" et le confesse - voilà l'espérance. Elle n'est pas morale (celle d'une meilleure "vertu" pour le plus grand nombre), elle n'est pas idéologique (celle de la "meilleure" religion pour tous), elle est de foi : dans le Christ, le mal, quelles que soient ses modalités, est vaincu, à tout jamais vaincu. Le chrétien sait qu'il souffrira encore, et aussi bien entendu qu'il mourra à cette vie terrestre. Mais il croit avec le Christ en la Vie avec un "V" majuscule, parce qu'il croit en la présence de Dieu qui, en Jésus, s'est lui-même abaissé jusqu'au bout du mal, pour le vaincre et nous en relever tous. Le chrétien, c'est quelqu'un qui, même s'il en souffre encore, n'a plus peur du mal.
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