Le froid persistant fait émerger, comme d'un marasme enfoui et presqu'oublié, des réalités sociales que nous n'aimons pas voir : chez nous, certains sont exclus de la satisfaction de besoins élémentaires d'une vie humaine vécue dans la dignité. A plusieurs reprises la semaine dernière, j'ai passé des heures à essayer d'aider, de diverses façons, des personnes souvent isolées et qui crevaient littéralement de froid, incapables d'acheter le pétrole nécessaire à chauffer un minimum leur habitation. La solidarité paroissiale est en marche, et avec d'autres - et en premier avec les pouvoirs publics - je suis sûr que cette crise du froid nous permettra non seulement d'aider ponctuellement ces personnes, mais, mieux encore, de voir quelles mesures à plus long terme peuvent être entreprises.
Le froid persistant mobilise aussi, donc, des solidarités : voir l'initiative de la RTBF. Et la générosité de téléspectateurs qui, émus comme nous le sommes tous, répondent. A ma grande joie, et presqu'à ma grande surprise, cela signifie d'abord que nos concitoyens sont encore touchés par la misère de ceux et celles qui vivent à côté d'eux. L'individiualisme ambiant en aurait, quelquefois, fait douter. Mais non : finalement, nous sommes généreux. Certes, la spontanéité du don ne règle pas tout - les Belges, contrairement aux Français, ne sont guère des théoriciens de la chose sociale et des mouvements du capital! Mais cette spontanéité, qui probablement ne survivra pas au froid, nous permet d'abord d'être optimistes quant au coeur humain, capable de compassion. C'est déjà énorme!
Elle dit aussi autre chose : que la générosité n'est pas l'apanage des chrétiens. Se soucier de l'autre, en prendre compassion, est certes identitairement chrétien, mais pas spécifiquement chrétien. On n'est pas chrétien sans cela, mais le coeur de la foi n'est pas là. Le coeur de la foi, c'est le Christ, et ce qu'il révèle de la compassion du Père - tenez, dans l'évangile de ce dimanche par exemple (Mc 1, 40-45), lorsqu'au début de son ministère public Jésus touche le lépreux et qu'il en devient lui-même indésirable, exclu. Alors, il raconte mieux que par n'importe quelle parole ce qu'est Dieu, un Dieu qui n'a pas peur de la contagion, de la maladie contractée chez les hommes, mais qui se laisse toucher par elles pour en guérir ceux qu'il vient visiter. Voilà notre spécificité - elle ne se réduit pas à une admirable philanthropie, même si elle en prend les chemins. Elle raconte quelque chose de Dieu, de son amour, et les célèbre, en célébrant la grandeur de l'homme visité dans sa misère par l'agenouillement de la miséricorde.
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