Le Pape François vient d'arriver à Rio, au Brésil, où il a été accueilli par la Présidente Dilma Roussef : beau moment d'échanges et de complicités entres ces grandes et belles personnalités de l'Amérique du Sud, qui savent l'une et l'autre que l'avenir de la Planète se joue là, dans ce Continent (ou quasi-Continent) et qui, à des titres divers mais bien réels, en sont responsables. Le Pape va donc à la rencontre d'une Jeunesse venue de partout (parmi laquelle, le rappellerons-nous jamais assez, nos Enghiennois Sébastien et Valentin). La question est, à mon sens, pour nous : qu'est-ce que cela veut dire?
Et j'ose esquisser ici quelques réponses.
En négatif, d'abord : contrairement à ce que prétendent les commentaires de certains médias télévisés, il ne s'agit pas de récupérer des jeunes pour la foi catholique contre l'engouement grandissant des évangélistes au Brésil. Pareille analyse pèche par étroitesse d'esprit et méconnaissance de la foi chrétienne, pour laquelle l'esprit missionnaire (bien présent) ne cherche pas à faire des adeptes supplémentaires (à faire du chiffre, à faire du nombre ou, pire, comme dans un parti, à récupérer des voix perdues grâce à de nouveaux slogans et à de nouvelles prestations), mais invite simplement à parler de la joie du Christ Ressuscité, et si certaines formes parlent mieux, pourvu qu'elles ne soient pas sectaires, so what?
En positif, surtout, il s'agit d'accueillir la Jeunesse du monde. Il faut avouer que, dans notre vieux continent européen, nous en sommes devenus bien incapables. Même dans le cadre de l'Union Européenne, nous privilégions encore des différences entre pays riches et pauvres, et nous nous fichons comme d'une guigne de ce que peut vivre et attendre la Jeunesse de zones moins favorisées. Pire : dans notre Belgique fédérale, les égoïsmes nationalistes, pour ne pas dire tribaux, sont là, qui guettent, et veulent à tout prix préserver des privilèges non plus aristocratiques ou royaux (oh que non!) mais stupidement, vulgairement, intéressés et égoïstes. Quelle saleté! Le raisonnement est toujours le même : nous d'abord - et les autres, qu'ils se débrouillent. (On sait ce que cela donne, le Roi Albert l'avait redit très justement dans l'un de ses récents discours : voyez les années trente. Pendant les quelques jours de vacances que j'ai eu la chance de pouvoir prendre, j'ai relu le témoignage admirable, publié dans les années septante, du grand Primo Levi, Si c'est un homme, témoignage sur la mécanique des camps de concentration des Nazis, à laquelle conduit inévitablement la mise à l'écart de l'autre. La démonstration de ce Juif Italien est implacable, elle devrait résonner comme une leçon dans nos démocraties menacées par le repli sur soi et la tentation du bouc émissaire. Je voudrais que ce livre devînt une lecture obligatoire dans toutes les écoles du pays!)
Ce que l'on peut constater chez nous, ou à l'échelle de l'Union Européenne, voilà ce qui est le défi de la Jeunesse du monde : vivre autrement. Le christianisme - et l'une de ses formes mondiales les plus marquantes, le catholicisme - ne sera jamais d'accord avec l'égoïsme mondial, continental, national ou régional, et cela quelles que soient ses propres faiblesses, qu'il reconnaît volontiers, à toutes les époques, dans une demande de pénitence sans cesse réitérée, pour ses compromissions avec "le Monde", avec "ce Monde-là".
En positif, donc, le Pape va à la rencontre d'une Jeunesse mondiale qui veut autre chose, qui en assez de ces répartitions et de ces a priori injustes et inhumains. Ce qui me semble remarquable, c'est que cette Jeunesse, spontanément, continue de faire confiance à l'Eglise pour cela, qui n'est pas un rêve, mais un but. Et l'Eglise, toute faible qu'elle ait été, toute pauvresse et dolente de ses insupportables maladies de grandeur, continue à comprendre cet appel et cette confiance des jeunes, et continue à se convertir elle-même en premier, avec une espèce de surprise, à la jeunesse sans cesse nouvelle de l'Evangile, qui dépasse tellement ses indécrottables vieilleries! C'est la même chose à tous les niveaux : je le vois ici à Enghien, où notre Eglise locale est misérable à tant d'égards (moi en premier!) et où elle est pourtant si attendue! (Ainsi dimanche matin, ce petit "Patroné" qui, au moment de partir au camp, a couru me demander :"Tu viendras nous voir, dis?" J'en avais les larmes aux yeux, moi qui dois tant apprendre de ces jeunes! Bien sûr, que je vais venir, mon gamin!) Oui, c'est la même chose à tous les niveaux, comme le disait déjà saint Paul, dans sa deuxième Lettre aux Corinthiens, les vases sont d'argile (c'est nous!), mais le trésor qu'ils portent est indispensable pour aérer ce monde et lui donner de quoi vivre.
La rencontre du Pape et des Jeunes du Monde est à lire à ce niveau-là.
Sébastien et Valentin, vous nous raconterez - nous en avons besoin!
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