Retour d'une visite dans une Abbaye très aimée - des moniales, dont certaines que j'accompagne.
L'Abbesse me fait comprendre que la vie communautaire est un combat sans cesse recommencé : tous les jours neuve, en effet, le souhait d'écouter le plus loin possible le désir de chaque sœur, d'en voir même ou d'en surprendre les motivations, et tous les jours neuf, surtout, le talent d'accorder tout cela avec le désir des autres sœurs...
Il en va de même dans toute vie communautaire : prenez une paroisse, ou un ensemble de paroisses - bon, vous connaissez là-dessus mes joies, certes, mais aussi mes désappointements, quand chacun veut imposer son point de vue, son orientation, son idée.
C'est normal : une communauté se construit dans la fatigue, dans l'écoute, le plus loin qu'il est possible, des différences d'origine, d'appréciation, de sens de l'Eglise, et ainsi de suite, et dans la volonté maintenue coûte que coûte de faire vivre ces personnes ensemble, les jeunes et les vieux, les blasés et les enthousiastes, les ritualistes et les sociaux, les gens de gauche et ceux de droite - et ceux du centre, aussi.
Avons-nous tort, cette Abbesse, et moi, et tant d'autres, d'user là-dessus nos énergies, alors que tant de démons nous crient (mais ce sont des démons...) que c'est une entreprise utopique et dérisoire, d'avance vouée à l'échec?
Non seulement nous n'avons pas tort, mais nous assumons notre tâche. Nous pourrions laisser chacun faire ce qu'il veut dans son coin - ce serait de la lâcheté par rapport à notre mission. Nous pourrions, pour avoir la paix, imposer une ligne - la nôtre propre - et laisser ceux qui n'y sont pas sensibles s'en aller à pas feutrés ou revendicatifs. Autre lâcheté. Nous pourrions aussi ne rien faire, et laisser s'installer le "bazar" (troisième lâcheté).
Puisqu'on nous a mis là, assumons. Nous devons donner au monde le signe de l'Eglise, qui est le Christ, le Christ en sa miséricorde, en sa compassion, en sa complexité, en sa beauté, en sa grandeur et en sa petitesse, signe modeste et éloquent. Et cela passe par la reprise quotidienne, à travers tant et tant d'activités, de la vie communautaire dans nos paroisses, nos Abbayes ou autres.
La fragilité même, la fragilité interne et externe, de ces communautés d'Eglise, est un signe de leur authenticité.
Le Christ est fragile.
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