Il me semble que l'oraison silencieuse du prêtre commence par le constat du décalage dont j'ai précédemment parlé. Pour lui comme pour tout chrétien, l'oraison silencieuse - je ne parle pas ici de la méditation, qui est un exercice discursif, mais bien de la prière "sans filet", "sans support" - conduit toujours à la découverte de sa misère, mais d'une misère tellement "miséricordiée" (si l'on ose ce néologisme) qu'on en est tout de suite débarrassé.
C'est que nous ne nous connaissons pas nous-mêmes : nous vivons dans la représentation de nous-mêmes, dans le théâtre extérieur et intérieur de nos personnages, de nos rôles. Mais qui sommes-nous, en vérité? Seule la prière nous délivre, dans le face à face silencieux avec Dieu, notre Créateur et notre Sauveur, la révélation de notre idéntité véritable. Devant Dieu, nous nous voyons peu à peu tels que nous sommes et que les critiques inévitables d'autrui nous font pressentir. Mais, surtout, nous nous découvrons sauvés, réconciliés de l'intérieur avec nous-mêmes, plus conscients de nos faiblesses, mais éveillés à la présence de Celui qui, plus faible encore que nous-mêmes par consentement d'amour, nous précède en nous-mêmes pour nous dire combien nous comptons aux yeux de l'Amour.
Je crois qu'aucune vie chrétienne et, en particulier, aucune vie sacerdotale, n'est possible sans ce genre de rencontre qui est au-delà des mots. Ôtez l'oraison, rien n'est fécond dans la vie de l'Eglise. Prenez le temps de l'oraison, et l'amour (agapè) devient possible, reçu et peut-être même partagé.
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