Nous avons conclu ce soir les conférences organisées par la Fondation Sedes Sapientiae et la Faculté de Théologie de l'UCL, intitulées "Dieu, un personnage de roman?" Le propos y était, en quatre soirées, de montrer les connivences qui existent entre la littérature de fiction (les romans) et la théologie. Sujet a priori étrange : comment des personnages inventés peuvent-ils aider à approfondir la foi en Dieu? C'est que la fiction va souvent plus loin que la simple réalité, elle l'approfondit et permet de mieux l'appréhender. Telle était, j'ai eu l'occasion de le rappeler lors de la première conférence, la conviction du théologien Adolphe Gesché, qui dans son Œuvre fait la part belle aux écrivains. Non seulement pour des citations "illustratives", mais, si j'ose dire "constitutives", la fiction romanesque étant pour lui une trame nécessaire du discours sur Dieu. C'est ce que pensaient de grands auteurs français de la fin du XIXème siècle et de la première moitié du XXème : Bloy, Claudel, Péguy, Mauriac, Bernanos, Green, etc. : immenses témoins de la grandeur littéraire française, ils ont écrit parce qu'ils étaient chrétiens et pour dire quelque chose de la foi chrétienne, qu'ils ont du reste admirablement saisie en son cœur. Ainsi l'a montré, lors de la deuxième conférence, Patrick Kechichian, autrefois critique littéraire au "Monde" et aujourd'hui à "La Croix". Et chez un écrivain mettons "peu chrétien", qu'est-ce que ça donne? Marguerite Yourcenar offre l'exemple d'une Œuvre romanesque imposante par sa vigueur, où Dieu est présent, et même où Dieu évolue selon les circonstances de la vie de l'auteur et les développements de sa fiction. Josyane Savigneau et Philippe-Jean Catinchi, tous deux critiques au "Monde" et spécialistes de cette grande dame de la littérature française, en ont fait la démonstration lors de la troisième conférence. Ce soir enfin (et demain à Bruxelles) c'est Gabriel Ringlet, l'ancien vice-recteur de l'UCL, que j'ai présenté pour qu'il nous partage ses traversées du roman contemporain, où l'on croise Dieu plus souvent qu'à son tour, chez Maalouf, chez Henrard, chez Germain, chez Grosjean, chez d'autres encore. Où l'on croise un Dieu peut-être plus incarné qu'ailleurs, qui colle à nos vies quotidiennes comme une question, comme un tourment, même.
Beau parcours, qui invite à la magie de la lecture, à la fois détente, plongée dans un univers neuf, mise en abîme de ses propres questions, méditation, invitation à la reprise de soi devant un auteur, et peut-être, pourquoi pas, devant notre "Auteur". Il faut lire des romans pour grandir dans la foi! Ce n'est pas un paradoxe : la beauté - car il s'agit, et évidemment, du style - conduit à la foi, et la littérature est l'un des beaux-arts, comme la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique. Les chrétiens qui ne voudraient de leur foi que le triste compendium du petit catéchisme seraient de bien tristes sires; la vérité de Dieu nous vient par la beauté des œuvres inventées, et quelquefois inventées par des gens qui n'y pensaient pas, ou pas comme nous.
Si, grâce à ces conférences, le carême a pu être pour quelques-uns la redécouverte de la beauté dans l'acte de lire, de recueillir à travers les mots et les phrases le souffle de Dieu, alors c'est un parcours réussi!
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