Nous entendrons ce dimanche retentir à nos oreilles l'injonction divine qu'Abraham, Père des Croyants, entendit en premier : "Lekh Lekha!", "Pars", "Quitte"... "Et Abraham partit".
Le geste inaugural de la foi est un geste nomade : il faut quitter son pays, ses certitudes, ses servitudes, ses habitudes, ses manies, son quant-à-soi, ses obsessions, son bon droit, ses vérités, ses coutumes, ses manières de penser, évidemment ses rancoeurs, ses jalousies, ses petitesses, ses étroitesses, ses idéologies, ses rituels rassurants, ses clans, ses partis, ses points de vue, et finalement, il faut se quitter soi-même.
Itinéraire d'anéantissement de soi, dont Jésus sera le prototype dans l'Incarnation, lui "qui se vida lui-même" comme dit la Lettre de Paul aux Philippiens pour s'abaisser devant l'humanité. Itinéraire de désengorgement du moi, de déflation du moi, de purification intérieure, que recommandent tous les mystiques chrétiens, pour que nous ne soyons plus attachés à rien, que nous ne "tenions" plus à rien - à rien, sinon au Christ, dans son détachement même.
Ainsi allégés, on peut marcher, "sans savoir où on va", comme le dira la Lettre aux Hébreux en commentant le départ d'Abraham : on n'est que dans la confiance, dans l'abandon de tout soi-même, on ne pense pas à rentrer chez soi au plus vite : on s'émerveille de la nouveauté que Dieu nous réserve.
Ainsi traversons-nous la vie, et la mort, comme autant d'étapes dans le détachement de nous-mêmes et d'abandon au Dieu qui nous aime, et fait fructifier ce geste de "lekh lekha" en surabondance de vie.
Ulysse, l'autre héros-voyageur, le Grec, nous invite toujours à retourner dans notre Ithaque, à revenir au point de départ : il nous habite, aussi, il nous voudrait nostalgiques, du passé, du confort abandonné là-bas, au loin.
Abraham trace son chemin, va de l'avant, ne se retourne pas, marche à la cadence de Dieu.
C'est Abraham qui est notre Père dans la foi. Pas Ulysse...
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