Une institutrice de nos écoles paroissiales est morte, on célèbre demain ses funérailles. Un cancer rapide. Elle avait quarante et un ans. Et une petite fille de deux ans.
J'ai reçu la famille - son compagnon, sa sœur. La révolte, la rancœur. Ils sont dans le rejet de tout, de tout projet de consolation, de toute parole d'espérance.
Comme je les comprends. Cette femme a souffert et n'a elle-même jamais ni compris, ni admis, ni accepté sa mort.
Et pourtant, ils souhaitent "passer par l'église".
Comme je les comprends, aussi. Et comme je veux les accueillir, c'est-à-dire, accueillir leur rejet de toute parole religieuse et aussi paradoxal cela soit-il, au sein même d'une célébration chrétienne.
Comment préparer des funérailles?
Ce soir, dans le silence de mon bureau.
En écoutant ce silence, en moi, et les connivences avec la révolte de mes frères et sœurs devant la mort.
C'est une forme de prière. En tous les cas, c'est la mienne, ce soir.
Et en écho, dans le silence de mon bureau, ces vers de Patrice de la Tour du Pin :
Ils se regardent et posent tous la même question : que sommes-nous venus faire ici? L'un répond : j'ai interrogé la bête souriante au fond de moi - elle ne m'a rien proposé que son sourire. L'autre dit : chacun de nous a ses propres puissances - elles ont l'intelligence de leurs désirs. L'autre : il faut conquérir le champ de l'âme, l'autre : il faut tout sacrifier pour entrer nu dans la mort. L'autre : il faut nous composer une sagesse, l'autre : il faut goûter à la plus haute musique. L'autre : il faut connaître. Et l'autre : il faut tout dire. Et l'autre : il faut rester transparent devant Dieu.
Mais une voix, qu'ils ne savaient pas leur, se fit entendre sur toutes les lèvres - dans ce conseil inquiet qui cherchait sa direction. Et tous mirent un doigt sur la bouche pour signifier qu'ils se taisaient, tous se levèrent de table pour montrer qu'ils écoutaient.
Et leur voix dit : Si Dieu a fait un monde d'amour - vous êtes faits pour le retrouver.
(Petite Somme de Poésie, Gallimard, 1967, p. 197)
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