"Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre" (Lc 22, 61). Nous allons lire ce dimanche (et ce samedi soir) le récit de la Passion dans l'évangile de Luc. Comme les autres évangélistes, Luc rapporte la trahison de Pierre, mais il est le seul à noter ce regard de Jésus posé sur l'Apôtre, un regard qui le sort de l'amnésie ("et Pierre se rappela la parole du Seigneur qui lui avait dit : Avant que le coq chante aujourd'hui, tu m'auras renié trois fois", Ibid.). Un regard, aussi, qui ouvre en lui la source du repentir et des pleurs : "Il sortit et pleura amèrement" (Lc 22, 62). Quelque chose de capital se joue dans ce regard noté par ce seul évangéliste : l'Eglise advient là, dans la trahison annoncée, dénoncée, reconnue et pardonnée. A ce moment, Pierre est l'Eglise tout entière, présente, passée et à venir. Il est donc chacun de nous, surpris dans son emportement et son adhésion, dans sa fougue à suivre le Christ, dans sa déception, dans sa peur, dans sa lâcheté, dans sa trahison. Remis debout, aussi et, en quelque sorte, déjà ressuscité par les yeux du maître trahi qui ne jugent pas, mais sont capables de faire pleurer de contrition les yeux du traître. Oui, de "contrition" : j'emploie à dessein ce vieux mot latin, qui indique l'état d'un coeur "brisé", "broyé", un cor contritum, à jamais incapable de "la ramener"!
Personne dans l'Eglise ne sera plus jamais "dans son bon droit". Depuis cet instant jusqu'aujourd'hui, et pour toujours, seul Jésus l'est.
Il n'y a dans l'Eglise que des traîtres pardonnés - ou des hypocrites et des menteurs.
Qu'on ne l'oublie pas en célébrant la Passion de l'unique Juste!
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