lundi 2 novembre 2020

La mort, dans la vie

 Aujourd'hui, 2 novembre, les Catholiques ont vénéré la mémoire des défunts. Occasion de méditer sur la mort, que notre société semble refuser aujourd'hui - alors qu'elle est,  comme événement individuel, une nécessité pour la survie de l'espèce (imaginons ce qui arriverait si l'on ne mourait pas : où mettre tout le monde?) Pour que l'espèce se renouvelle, il faut que les individus meurent - c'est la loi même, aussi paradoxale soit la formule, du Vivant.

 Pourtant la mort reste un scandale : pas tellement la mort du "il", comme disait le philosophe Jankékévitch, la mort anonyme qui ne nous concerne pas. Ni peut-être la mort du "je", que nous oublions sauf quand elle nous rattrape par le biais d'une maladie ou d'une pandémie - comme aujourd'hui. Mais la mort du "tu", du proche, de l'aimé(e), qui nous semble insupportable, qui défait nos liens les plus sacrés, les plus essentiels, qui nous fait mourir nous-mêmes un peu, sans mourir tout à fait - oh, cruauté de cette mort-là! 

 On l'acceptait mieux, autrefois, on mourait à tout âge sans regimber - mort des enfants, morts des jeunes soldats à la guerre (quel âge avaient-ils, ceux de 14-18 ou de 40-45, dont nous allons célébrer la mémoire le 11 novembre, quel âge? Dix-huit, vingt, vingt-cinq ans? Et ils furent des millions à périr à cause de la bêtise humaine...) Mais l'homme occidental a voulu non seulement reculer les frontières de la mort (ce qui est un progrès, à quelques réserves près : est-il toujours souhaitable de vivre sur cette terre, passé un certain âge, et dans quel état?); il a voulu aussi refuser la mort, ne pas la voir de son vivant, la rejeter comme une intruse. Oh, elle est loin de nous la prière du Poverello François d'Assise : "Béni sois-tu Seigneur pour notre soeur la mort corporelle..." Qui oserait encore dire aujourd'hui, en Occident, que la mort corporelle est "notre soeur"?

 Pourtant nous n'en sortirons pas sans mêler la mort à la vie. Sans traverser cette peur-là, sans la regarder en face, certes comme un scandale mais aussi comme une alliée. La foi de l'Eglise, célébrée aujourd'hui, c'est qu'avec elle nous entrons dans plus de Vie, dans "la Vie", comme disait Thérèse de Lisieux. La mort  referme une page ici-bas, mais en ouvre une autre, dans un mouvement à la fois de rupture et de continuité. 

 Nous allons vers plus de Vie. Nos défunts marchent dans une Vie plus vaste, plus libre. Et nous, nous allons vers eux...

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