J'ai regardé hier soir la diffusion du téléfilm "Le silence des Eglises", qui traite de la pédophilie de certains prêtres dans l'Eglise catholique durant ces cinquante dernières années. Je reste partagé sur l'opportunité de cette œuvre : non pas parce qu'elle pourrait blesser l'honneur ou la réputation de l'Institution (de ce côté-là, comme dit Saint-Simon que j'ai cité dans un post précédent, "il y a maintes années qu'il n'y a plus rien à perdre" - hélas!), mais parce que la souffrance épouvantable des victimes en est peut-être ravivée. Si cela les pousse à demander la reconnaissance à laquelle elles ont droit, financière ou autre, alors peut-être est-ce un bien...
Pour ce qui concerne "l'honneur perdu de l'Eglise catholique", ou du moins de "l'Institution", certes cela me blesse, mais je crois que c'est une purification franchement nécessaire, trop longtemps différée et du reste loin d'être achevée.
Ceux des Cardinaux qui savent en conscience avoir couvert des faits aussi odieux - et au fond, ils sont les seuls à le savoir vraiment, tant qu'ils n'ont pas été condamnés par la justice civile - ces Cardinaux, dis-je, devraient d'eux-mêmes renoncer non seulement à être élus au Souverain Pontificat, mais même à être électeurs : du point de vue de la simple morale, cela va de soi!
Personne ne reprochera jamais à l'Eglise d'être pécheresse - elle l'est depuis toujours. Mais ce qui est insupportable, c'est que, mise face à son péché, elle se prétende impeccable, par souci de sauver des apparences, pour la sauvegarde prétendue d'un "plus grand bien", ou simplement par arrogance, pour continuer à faire la leçon à tout le monde, comme si elle n'était pas la première à devoir être réformée.
On me permettra de citer ici, de citer encore, dans ces moments terribles que traverse l'Eglise (mon Eglise, notre Eglise), ces mots du cher Bernanos, parlant de l'Eglise, précisément, de l'Eglise espagnole en particulier aux temps de ses pires compromis avec la terreur franquiste :
"Je ne la souhaite pas parfaite (l'Eglise), elle est vivante. Pareille au plus humble, au plus dénué de ses fils, elle va clopin-clopant de ce monde à l'autre monde; elle commet des fautes, elle les expie, et qui veut bien détourner un moment les yeux de ses pompes, l'entend prier et sangloter avec nous dans les ténèbres. Dès lors, pourquoi la mettre en cause, dira-t-on? Mais, parce qu'elle est toujours en cause. C'est d'elle que je tiens tout, rien ne peut m'atteindre que par elle. Le scandale qui me vient d'elle m'a blessé au vif de l'âme, à la racine même de l'espérance. Ou plutôt, il n'est d'autre scandale que celui qu'elle donne au monde. Je me défends contre ce scandale par le seul moyen dont je dispose en m'efforçant de comprendre. Vous me conseillez de tourner le dos? Peut-être le pourrais-je, en effet, mais je ne parle pas au nom des saints, je parle au nom de braves gens qui me ressemblent comme des frères. Avez-vous la garde des pécheurs? Eh bien, le monde est plein de misérables que vous avez déçus. Personne ne songerait à vous jeter une telle vérité à la face, si vous consentiez à le reconnaître humblement. Ils ne vous reprochent pas vos fautes. Ce n'est pas sur vos fautes qu'ils se brisent, mais sur votre orgueil. Vous répondrez, sans doute, qu'orgueilleux ou non, vous disposez des sacrements par quoi l'on accède à la vie éternelle, et que vous ne les refusez pas à qui se trouve en état de les recevoir. Le reste ne regarde que Dieu. Que demandez-vous de plus, direz-vous? Hélas! nous voudrions aimer." (G. BERNANOS, Les Grands Cimetières sous la Lune, Gallimard, Pléiade, 1971, pp. 426-427)
"Ce n'est pas sur vos fautes qu'ils se brisent, mais sur votre orgueil"... Si la présente crise pouvait au moins un peu débarrasser l' "Institution" de cet orgueil, elle serait salutaire! Si je devais tenter de formuler ici le contenu de ma prière quotidienne pour le conclave à venir, pour le prochain pape et, globalement, pour l'Eglise, qui est ma Mère dans la foi, c'est ce vœu, inspiré de Bernanos, que je retiendrais.
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