mercredi 30 décembre 2015

Méditations sur la "laïcité"

En ces derniers jours de l'année civile, la question se pose une nouvelle fois, vu sans doute les événements dramatiques dont nos pays sont victimes, d'une inscription de la "laïcité" dans notre Constitution.
Pourquoi pas?
Je voudrais ici dresser une liste non exhaustive des problèmes que nos députés et sénateurs (puisque cette question relève du Parlement) auront, dès lors,  à régler :
- la laïcité est-elle simplement la séparation de l'Etat et des religions? En France, la loi de 1905 prescrit la "séparation de l'Etat et de l'Eglise", mais ne parle jamais de laïcité, cette dénomination étant réservée, à l'époque, à une posture militante anti-cléricale et anti-religieuse en général. Qu'en serait-il chez nous? Nous savons que les cours dits "de morale laïque" (qui devraient plus justement être appelés "de morale non confessionnelle") ont été déclarés par la Cour Constitutionnelle non pas neutres, mais idéologiquement engagés. Reviendrait-on, par exemple, sur cet arrêt et, si oui, pour quels motifs et avec quels attendus? On peut au moins dire qu'une terrible ambiguïté, sur ce point, mérite d'être levée - premier objet du débat, sans aucun doute.
- la laïcité est-elle la "neutralité"? Cela signifierait, du point de vue étymologique, que l'Etat ne prend pas parti vis-à-vis des religions. Il serait "neutre" (neuter, en latin : "ni d'un côté, ni de l'autre.") Un Etat démocratique peut-il être "neutre"? Cette position ne saurait que  difficilement être  tenue jusqu'au bout, car, précisément s'il défend des valeurs démocratiques, un Etat ne saurait  être complètement "neutre" : il devra combattre des positions, religieuses ou non, contraires... à la démocratie (l'égalité des citoyens entre eux, des hommes et des femmes entre eux, par exemple et ainsi de suite.) Le concept de "neutralité" ne me semble donc pas plus facile à manier que celui de "laïcité" - là aussi, des ambiguïtés méritent d'être levées.
- de ce qui précède je retiens que cette inscription souhaitée par d'aucuns dans notre Constitution ne pourra se faire sans un gigantesque travail intellectuel : sur les concepts et ce qu'ils impliquent, sur les relations nécessaires entre Etat et religions ou idéologies, sur les leçons de l'Histoire à cet égard, bien entendu, de l'Histoire en général ou de notre Histoire en particulier (je pense à tout l'héritage scolaire, hospitalier, caritatif, dont est porteuse l'Eglise catholique  en Belgique, un héritage toujours extrêmement présent, utile à la société, et qui très vraisemblablement ne saurait être rayé d'un trait de plume, malgré les souhaits de certains de voir se reproduire chez nous une forme de "nationalisation des biens du  clergé" mise en œuvre à la Révolution française.) Il se peut que, dans un pays "laïque", "neutre", et tout ce qu'on veut, des institutions, même subsidiées par l'Etat parce qu'il en reconnaît la valeur et la pertinence sociales, veuillent être fidèles à leurs convictions propres,  catholiques, ou religieuses en général - c'est ce que vient de rappeler Mgr De Kesel en parlant du secteur hospitalier.  Comment traite-t-on, comment négocie-t-on  avec elles?   On voit le caractère complexe, délicat, de ces questions. On ne les résoudra jamais - sauf à créer des tensions redoutables qui mettraient en péril l'équilibre de notre société - par des diktats idéologiques, fussent-ils ratifiés parlementairement. Un grand débat s'impose, qui doit mobiliser, je l'ai dit, non seulement les élus, mais les représentants (concernés au premier chef) des religions, et les intellectuels (théologiens, philosophes, historiens, sociologues, etc.) qui réfléchissent à ces enjeux. Le chantier est grand - mon principal souhait en cette fin d'année est qu'il ne soit pas traité de façon médiocre. Tout le monde, dans ce pays, mérite mieux que des slogans.

L'année écoulée a été rude!
Belle année  nouvelle à tous!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire