La lecture, ce soir et demain, du début magnifique de l'évangile de Marc (Mc 1, 14-20) ne nous rapporte pas seulement l'empressement des premiers disciples à suivre Jésus. Il nous résume aussi, de façon ramassée et exemplaire, ce qui dut être l'enseignement de ce Maître qui bouleversa ses auditeurs et, à leur suite, le monde entier : "Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle." Paroles énigmatiques, pour nous, aujourd'hui. Quels "temps", en effet, sinon ceux de la promesse? Toute l'espérance d'Israël, et à travers elle, toute l'espérance du monde, de tous les êtres humains à travers tous les temps, précisément, la voici accomplie : le Règne est là, tout proche. Il n'est pas une idéologie, un système de pensée, il n'est même pas un système religieux. Il est une personne : c'est Jésus. C'est donc vers lui qu'il faut désormais se tourner - au sens étymologique, "se convertir" : cela n'a rien d'une démarche morale! Et c'est une "bonne nouvelle", une sacrée bonne nouvelle : se tourner vers Jésus, c'est trouver en lui l'accomplissement de toutes nos espérances, c'est trouver notre bonheur, c'est réaliser l'humanité de l'homme, c'est apprendre Dieu pour de bon et pour de vrai!
D'où la question : Jésus nous intéresse-t-il? Est-il celui que nous cherchons comme si rien n'était plus important que lui? Avons-nous faim et soif de lui, qui pour nous s'est fait "nourriture et breuvage"? Désirons-nous sa Parole, lui qui est la Parole, et non pas un discours, une parole rapportée?
Je n'en suis pas sûr - je parle ici des chrétiens. Nous ne pensons guère à Jésus, encore moins le désirons-nous vraiment et le voulons-nous vraiment comme l'indispensable compagnon de nos existences. Nous pensons à mille autres choses, sans doute intéressantes (famille, enfants, emploi, argent, épanouissement, maladie, etc.) mais que nous ne voulons pas subordonner à notre relation à lui.
Alors qu'être chrétien, c'est tout miser sur le Christ, proclamer que ce Jésus - personnage indubitablement historique - non seulement est mort, mais Vivant, présent parmi nous, et qu'il ne cesse de vouloir nous prendre par la main pour nous mener au Père. J'ai l'impression que beaucoup de chrétiens ne croient pas vraiment au Christ - ils le manifestent peu, en tous les cas. Pour eux, le christianisme est une espèce de bonne habitude, voire d'hygiène de vie, un peu comme le sport, quand on en fait. Il permet une "bonne morale" (mais des tas de non chrétiens ont une excellente morale, quelquefois meilleure que celles des chrétiens!), il permet de s'inquiéter des autres (mais beaucoup d'association philanthropiques non chrétiennes le font aussi, et quelquefois mieux!), des jeunes (idem), il ouvre à une certaine émotion, à un certain recueillement (voir les beaux-arts chrétiens, mais des tas de religions le font aussi bien!), etc.
Le christianisme n'est pas une morale ou une philanthropie.
Il est un salut - la résolution de l'énigme qu'est toute existence humaine -, un salut découvert avec émerveillement en Jésus, le personnage historique, en sa chair humaine, en son enseignement, en sa vie donnée, en sa mort injuste, en sa Vie aujourd'hui dans sa condition inédite de premier vainqueur de la mort ("premier-né des morts"), qu'il nous invite à rejoindre.
La morale a de l'importance? Certes! Le secours des pauvres? Sans nul doute! Les changements apportés à la société des hommes? Evidemment! Et lorsque nous y concourons, c'est en chrétiens. Mais le christianisme ne se résume pas à cela, et ne trouve même pas là d'abord sa spécificité. Il la trouve - il est banal de l'écrire - dans le Christ.
Sommes-nous chrétiens?
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