dimanche 10 mai 2020

L'insolence de Thomas

La pandémie qui nous accable a remis devant nos yeux une question que notre culture s'efforce d'occulter par tous les moyens : la mort. Car la mort n'est pas seulement une réalité qui affecte toute vie terrestre, elle est aussi une question et même, oserait-on dire, la question. Pourquoi des êtres comme nous, qui nous pressentons uniques dans toute l'histoire de notre espèce, doivent-ils un jour disparaître? Certes, on répondra par la nécessité biologique : si les individus ne mouraient pas, c'est la survie de l'espèce elle-même qui serait menacée (par exemple : où mettrait-on tant de monde?) Pourtant, cette explication ne suffit pas non seulement à calmer notre angoisse face à cette nécessité, mais à résoudre l'énigme que constitue la mort. Tout est-il fini avec la vie terrestre? Peut-être, mais alors… quelle inégalité de traitement entre les personnes qui auront vécu longtemps, dans l'aisance et la culture, le confort matériel et intellectuel, les joies familiales et amicales, et d'autres, leurs contemporains, qui, à peine nés, n'ont connu que la misère matérielle et sociale avant de mourir précocement? Cette injustice crie vengeance et nous fait espérer un monde plus égalitaire, à bâtir dès l'ici-bas bien entendu, mais aussi à entrevoir dans… l'au-delà de l'ici-bas. Le mot est lâché : l'espérance d'un au-delà est une espérance raisonnable chez l'être humain, elle lui donne de hâter dès maintenant, par ses engagements sociaux, la justice qu'il souhaite éternelle.
"Pour aller où je vais, vous savez le chemin…" vient de dire Jésus aux siens en prenant congé d'eux, assuré de sa mort prochaine. Et c'est Thomas, encore lui, notre jumeau, Thomas le douteur, qui, non sans une certaine insolence sympathique, rétorque à Jésus par l'objection du non-savoir lorsqu'on se demande si l'on va "quelque part" après la mort : "Nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous savoir le chemin?" Oui, comme toujours, Thomas formule admirablement notre question.
Et Jésus répond, non par une démonstration philosophique, mais par une affirmation sur son identité véritable : "Je suis le chemin, la vérité et la vie. Qui veut aller au Père doit passer par moi." Non seulement il va quelque part, mais ce "quelque part" est le Père, la Source de toute vie. Et sa vie terrestre, à lui, nous y conduit : elle est un chemin, elle fait la vérité de l'être humain, elle lui donne d'aller non seulement vers la mort, mais vers la Vie.
Insolent Thomas! Merci pour la question qui suscita pareille réponse...

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