samedi 8 août 2015

La chair de Dieu

"Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour la vie du monde." (Jn 6, 51) Ainsi se conclut le passage évangélique que nous lisons ce dimanche, ce nouvel extrait du discours sur "le pain de vie" qui est l'un des plus formidables de l'évangile de Jean.
Ce verset mérite qu'on s'y attarde : Jésus nous parle de sa "chair" (en grec, sarx), qui n'est pas seulement le corps (en grec, sôma), mais la réalité tout entière d'une vie terrestre, "incarnée", comme nous disons fort justement. Une vie "dans la chair", c'est une vie faite de travail, d'amitiés, de fraternité, de partages, de prises de parole, de prises de position, etc. Et la chair de Jésus, nous savons de quoi elle est faite : ce qu'il a dit, ce qu'il a montré, c'est une sollicitude constante pour les exclus et les démunis, c'est une parole incisive sur la justice, la vérité, la fraternité, c'est un don de soi pour l'autre jusqu'à vivre encore comme un don la mort injuste qu'on lui inflige.
Si le chrétien est celui qui se nourrit du Christ, c'est de cette "chair-là" qu'il se nourrit. Sa prière est rumination de la "sainte humanité" de Jésus, comme disent bien des auteurs spirituels - Ignace de Loyola, par exemple. Cette chair-là devenue nourriture de nos vies transforme celles-ci, en font des semences et des foyers de Vie éternelle dans le monde.
Voilà pourquoi le christianisme n'est pas seulement ou n'est pas d'abord une philanthropie, même très généreuse. Le service rendu au monde ("la vie du monde", dit Jésus) va beaucoup plus loin qu'un soulagement, même s'il passe par lui : l'union sens cesse reprise du chrétien  au Christ instille dans le monde, dans la trame du monde, dans le temps qui passe, dans l'espace éphémère, quelque chose de la Vie d'amour de Dieu, de l'éternité de Dieu, du Royaume de Dieu. Les chrétiens qui sont au Christ, s'ils sont au Christ, sont des passeurs de Vie dans ce monde chaviré. Avec le Christ, ils y sont la chair de Dieu.

2 commentaires:

  1. Je suis de votre avis sur cette interprétation de "la chair", mais il me semble que cela va plus loin qu'un simple symbolisme. Certains de ses disciples quittent d'ailleurs le Christ quand ils comprennent qu'il ne s'agit pas d'un symbole...En effet, le terme grec employé pour "manger" est "trognon", qui signifie croquer, mastiquer. Et qui le mange indignement mange sa propre condamnation, ce qui me semble bien grave pour un simple symbolisme d'une vie à suivre...Par contre s'il y a dans les saintes espèces la Présence réelle du Christ, cette condamnation s'explique bien évidemment. Qu'en pensez-vous?
    Avec tout mon respect,

    G.Lemaire.

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  2. Bien d'accord avec vous. Je n'aime pas le mot "symbole" ou "symbolisme", qu'il faudrait bien expliciter. La chair de Jésus, c'est du réel - l'Eucharistie en est un signe éminent, qui est vraiment (la Tradition chrétienne y insiste fortement) le corps réel du Ressuscité.

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