mardi 25 août 2015

Sur le contenu de l'oraison

Et donc, que se passe-t-il quand il ne se passe rien?
Quel est le contenu de ce moment à la fois dans le temps et hors du temps, où le cœur de Dieu rencontre un cœur humain?
C'est l'Esprit qui est à l'œuvre, l'Esprit Saint de Dieu que nous reçûmes au baptême, à la confirmation et à chaque Eucharistie célébrée depuis que nous y communions : il y a un lien constitutif entre les sacrements de l'initiation et la prière proprement chrétienne, même si bien sûr l'Esprit "souffle où il veut" et n'est pas encagé dans nos institutions, fussent-elles sacramentelles...  L'Esprit féconde notre cœur, comme une fois dans l'histoire des hommes il a fécondé le sein de la Vierge Marie - pour qu'en nous aussi naisse le Verbe de Dieu, qui viendra se raconter en nous et raconter en nous l'histoire de Dieu tandis que nous rassemblerons sous son regard nos histoires humaines.
Car l'Esprit nous rend d'abord capables de nous rassembler peu à peu sous le regard de Dieu, de rassembler nos vies - nous sommes à nos propres yeux les premiers inconnus, Dieu seul nous connaît et peut nous livrer cette connaissance sur nous-mêmes. Dans l'oraison, nous voyons nos vies éparpillées, livrées depuis l'enfance à leurs démons - le délire d'être ce qu'on n'est pas, voire la fabulation, le narcissisme à fleur de peau, l'usage ou même le mésusage d'autrui et, comme me dit avec humour une chère et vieille amie, "la persévérance dans la mauvaise conduite." Nous voyons nos excuses trop faciles ("C'est plus fort que moi"), nous nous sentons immergés dans nos ruisseaux d'infamie. Nous apprenons peu à peu la vérité sur nous-mêmes - démarche qui n'est pas sans accointance avec la psychanalyse (et que quelquefois la psychanalyse peut aider, lors de blocages) mais qui me paraît aller plus loin que cette thérapie.
Ce "plus loin" est l'autre contenu : Dieu lui-même vient, en Jésus, se raconter encore aujourd'hui dans nos histoires d'hommes et ce que nous pressentons de nous-mêmes comme une boue infernale, nous en sommes par lui peu à peu tirés, sauvés. Il nous ressuscite de nous-mêmes, de la tombe que souvent notre cœur constitue pour nous-mêmes : la résurrection est pour chacun de nous d'abord une réalité spirituelle, dans son lieu le plus intérieur.

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