dimanche 19 avril 2020

Le doute : période et évangile

Il y a de quoi douter de tout. On nous annonce la docte ignorance des savants - qui est, espérons-le, un signe de leur humilité. Le fameux virus sera-t-il vaincu par nos efforts de confinement? On ne sait pas. Reviendra-t-il infecter des personnes déjà atteintes qui en sont sorties? On ne sait pas. Ces personnes sont-elles durablement immunisées, et donc non contagieuses et non susceptibles d'être réinfectées? On pense que oui mais, au fond, on ne sait pas. Comment se déroulera le déconfinement? On ne sait pas. Y aura-t-il des risques de voir "rebondir" le virus après un déconfinement même prudent, et vécu par étapes? On ne sait pas, mais on pense que oui. Sommes-nous partis pour des mois, voire des années de récession économique? On espère que non, on pense que oui. On ne sait pas. Aurons-nous un vaccin bientôt? On en doute. Ce vaccin protègera-t-il durablement contre l'infection? On ne sait pas. Les masques et autres protections (gants, gels hydroalcooliques, etc.) sont-ils des barrières suffisantes? On espère, mais on ne sait pas. Quand pourrons-nous reprendre une vie dite "normale"? Là, on ne sait vraiment pas…
Le doute, comme condition de la vie présente. Nous ne vivons pas seulement dans le confinement, nous vivons dans le doute, et c'est une situation terriblement anxiogène - je pense aux commerçants, à tous ceux qui ne savent pas quand ils pourront rouvrir leur petit commerce, leur entreprise, leur restaurant, avec ce que ce doute engendre d'incertitude économique.
Etrangement, l'évangile du deuxième dimanche de Pâques nous rapporte aussi un immense doute : celui de Thomas - et l'évangéliste Jean, à plusieurs reprises, donne dans son texte la signification du prénom de Thomas, "dont le nom signifie Jumeau", dit-il. Thomas, notre jumeau, Thomas notre double : nous y voici. C'est nous, et c'est nous aujourd'hui, dans l'incertitude et dans le doute devant la fragilité de la vie et l'évidence de la mort, qui rôde partout.
Jésus lui dit :"Regarde, vois, touche…" Touche les plaies, les stigmates, les blessures.  Et avec ton cœur de croyant, vois la Vie qui est là, cachée sous les meurtrissures. "Cesse d'être incrédule, sois croyant". Il avait pareillement dit à Thomas, avant de se mettre en marche pour aller visiter et relever de la mort son ami Lazare, "cette maladie ne conduit pas à la mort, elle va servir la gloire de Dieu." Et Thomas n'avait rien compris.
Là, devant les plaies exhibées, il comprend et s'agenouille : "Mon Seigneur, mon Dieu!" dit-il, ayant traversé le doute pour professer ce qu'on appelle la "foi".
Ce qui lui vaut cette réponse : "Parce que tu as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu…" 
Ceux qui croient sans avoir vu, c'est nous. Et cette situation, tout autant trouée de doute que celle de Thomas, est déclarée "heureuse" par Jésus. Heureuse, la condition croyante, qui ne consiste pas à perdre la raison devant les malheurs du monde - et nous en traversons un - mais à y trouver de quoi nourrir ce que la foi, encore elle, décline en deux autres vertus qui sont des attitudes intérieure et extérieure : l'espérance (ne jamais perdre confiance, même face à la mort et aux statistiques de la mort); et la charité (toujours être prêt à aider concrètement autrui.)
Elle nous apprend beaucoup, cette pandémie. Elle nous apprend aussi à (re)lire autrement les grands textes de Pâques!

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