dimanche 1 décembre 2019

Les chrétiens, des "collapsologues"?

La mode est à la "collapsologie", entendez : il faut redouter, et attendre néanmoins, le "collapsus", c'est-à-dire l'écroulement de ce monde, puisqu'on n'est pas parvenu à faire reculer les causes des changements climatiques et de leurs suites redoutables, faute de bonne volonté. Il est trop tard : tout va périr, et en premier, l'humanité qui l'aura bien cherché en se voilant la face.
Ces prévisions alarmistes, les chrétiens les partagent-ils? Eh bien, quitte à surprendre, je dirais qu'en partie oui. Nous aussi, chrétiens, nous attendons la fin des temps, ou plus précisément la fin du temps et de l'espace, la fin de tous les Univers connus et inconnus. Car "elle passe, la figure de ce monde". De même que doit périr chaque individu, marqué sur cette terre par un espace et un temps finis, de même l'Univers entier doit disparaître.
De cette finitude, nous percevons déjà les signes avant-coureurs et, en effet, les bouleversements climatiques et leurs suites (disparition de certaines espèces animales et végétales, accentuation des migrations, etc.) sont à ranger parmi ces signes, qu'ils soient du reste provisoires ou non. L'événement biblique, sans doute largement mythologique mais peut-être basé sur un fait réel, du déluge - ainsi nous le rappelait ce matin l'évangile de Matthieu - était aussi l'un de ces signes, qui permit toutefois grâce à Noé, préfiguration du Sauveur lui-même, le renouveau du monde.
Une différence - de taille - avec les "collapsologues" est sans doute que, si les chrétiens attendent ainsi la fin des temps, ils ne la redoutent pas. Pour eux, elle correspond à l'avènement (l'avent) définitif du Christ et de son Règne de paix, de justice et de fraternité enfin victorieux de tout mal. Isaïe déjà, comme tout  le peuple juif, attendait avec confiance ce monde à venir où les épées seraient transformées en socs de charrue et les lances en faucilles, ce monde où "on n'apprendrait plus la guerre". Oui, heureusement qu'elle passe, "la figure de ce monde", car elle n'est pas si jolie que cela, figure défigurée, si l'on ose dire, par les violences, les égoïsmes, les replis sur soi, les génocides, les mépris de toutes sortes. Il ne faut pas souhaiter maintenir trop longtemps ce monde en l'état, car, en l'état, il est diablement - c'est le cas de le dire - marqué par le mal. Or, ce qui doit advenir, c'est un monde enfin débarrassé du mal.
Est-ce à dire qu'il faut se réjouir des bouleversements présents et à venir, qu'il ne faut rien faire pour les contrer, qu'il faut même les accélérer?
Non, telle n'est pas l'attitude prônée par Jésus. Face à l'écroulement inévitable, il implore : "Veillez!' Qu'est-ce à dire, sinon "discernez", faites la part de ce qui peut et doit périr et de ce qui doit demeurer. Soignez votre monde tant que vous le pouvez - c'est votre responsabilité - pour le remettre plus beau aux générations à venir, ôtez de son sein tant que vous le pouvez les scories du mal, apprenez à y vivre dès maintenant dans le respect de toute chose et de toute personne humaine, faites déjà croître ce Royaume nouveau remis entre vos mains. Hâtez ainsi sans crainte le retour de Celui qui vient, qui vient nécessairement, pour accomplir l'œuvre commencée en son premier avènement.
Nous voici, vous l'aurez compris, au cœur de la spiritualité du temps de l'Avent, temps liturgique magnifique qui n'est pas seulement une gentille préparation à Noël, mais une prise de conscience renouvelée et sereine de nos responsabilités les uns envers les autres, et envers notre monde.

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