dimanche 3 mars 2019

"Une fois sorti de l'enfance, il faut beaucoup souffrir pour y rentrer..."

La petite Lucie est morte mercredi dernier, et je vais présider ses funérailles mardi matin à Petit-Enghien. Les parents - admirables de courage - ont choisi, dans l'Evangile de Marc, ce passage où Jésus demande de "laisser venir à lui les enfants, car son Royaume est à ceux qui leur ressemblent."
Choix judicieux.
Je songe aux contrefaçons par lesquelles certains responsables d'Eglise ont perverti cette demande de Jésus, les pédophiles et leurs protecteurs, cachés dans l'ombre nauséabonde de l'Institution et plus soucieux de la protéger que de défendre l'enfance. L'Eglise - c'est vous, c'est moi - en souffre, l'Institution aura de la peine à s'en relever (et tant mieux, qu'elle soit à terre un moment n'est pas pour me déplaire) : quelle leçon d'humilité! J'ai appris à me méfier, toujours, des institutions…
Je prépare ma leçon de demain, à la Faculté de Théologie de Louvain, qui va porter sur la spiritualité dans certains textes de Bernanos. Je parlerai longuement de ce mot, des Dialogues des Carmélites : "Une fois sorti de l'enfance, il faut très longtemps souffrir pour y rentrer…" C'est le vrai commentaire que l'on peut apporter à la demande de Jésus : redevenir enfant, récupérer l'enfance en soi, pour entrer dans le Royaume.
Non pas par naïveté, car l'enfance est exigeante.
Par la curiosité qui est celle de l'enfance, qui ne s'étonne pas de recevoir le monde en cadeau, qui ne trouve pas étrange que tout lui soit dû. Qui trouve que la gratuité est normale, est le mode normal des relations humaines, qu'on peut et qu'on doit vivre dans un monde où l'essentiel n'est pas monnayable, où les réalités les plus vivifiantes ne s'achètent pas et ne se paient pas : le monde de la grâce, que précisément Bernanos a si bien décrit sans ses romans et son théâtre.
J'ai passé mon Week-end chez ces amis du Nord de la France que je connais depuis si longtemps, chez lesquels j'ai marié et baptisé tout le monde, et j'ai assisté, émerveillé, à la multiplication des bébés. Des bébés choyés, bercés, mais bien à leur place (pas rois pour autant, pas centres du monde), qui vont apprendre, dans une pareille tribu de cousins, d'oncles, de tantes et de grands-parents, à bien grandir dans l'amour de la Vie.
Lucie a eu cette même chance, je l'ai bien vu en rencontrant longuement ses parents et ses grands-parents.  D'où elle est, qu'elle bénisse ce monde de l'amour, ce monde de la grâce, qui, si on le veut bien, ne connaît pas de frontières avec le nôtre.

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