jeudi 9 octobre 2025

Panthéonisation, nouveaux évêques belges, chaos politique en France, etc...

 Voilà bien longtemps que je n'ai plus rien posté sur ce blog... Et pourtant, il y a de quoi dire!

Par exemple :

- aujourd'hui, on panthéonise à Paris Robert Badinter : on a raison! Cet "homme juste", sensible aux droits humains fondamentaux, s'est battu toute sa vie en juriste pour l'abolition de la peine de mort en France - combat gagné en 1981, au début du premier mandat présidentiel de François Mitterrand. Combat difficile: les sondages montraient qu'une majorité de Français étaient défavorables à cette mesure. Pour Badinter, juif marqué encore par la Shoah qui avait décimé sa famille, combat nécessaire, urgent. Combat qui reste nécessaire et urgent : des voix populistes voudraient réhabiliter la peine de mort, et c'est bien pour cela qu'on a raison de glorifier Badinter et de le faire entrer dans l'assemblée des "Saints républicains".

- d'autant que la France va mal. Le chaos politique est, non pas comme on le dit trop vite, le fait du Président actuel, mais le fait d'un délitement de la démocratie parlementaire qui, tiraillée par des ambitions personnelles et des populismes étroits et stupides, défaille. C'est une crise de régime, c'est une crise de la démocratie qui oublie ceci : ce régime n'est pas seulement constitué de décisions prises à la majorité, mais d'abord du respect de certaines valeurs communes, comme la vérité, l'égalité, la justice distributive, etc. Malheureusement, ce délitement s'observe dans d'autres grandes nations, qu'on croyait gardiennes de la démocratie : les Etats-Unis d'Amérique, où le mensonge d'Etat tient lieu de vérité politique, l'Italie où le fascisme n'est pas loin de renaître, Israël où l'agression  du voisin palestinien protège un régime de plus en plus totalitaire et militaire, etc. Urgence : protéger les démocraties!

- dans ce contexte international tendu, le Saint-Siège vient de nommer deux nouveaux évêques belges, Mgr Rossignol à Tournai, Mgr Lejeusne à Namur. Tous deux sont de jeunes missionnaires, et le message sous-jacent à leur nomination est clair : la Belgique est "terre de mission", les vieilles recettes cléricales d'autrefois sont obsolètes, passons à une nouvelle étape. Oui, c'est un geste fort. On prie pour eux, pour qu'ils soient soutenus dans leur découverte des paysages diocésains locaux, et suivis dans leurs initiatives pastorales. Ce n'est pas gagné!

- toujours dans contexte, le pape Léon publie sa première Exhortation Apostolique, Dilexi te : il rappelle que le souci des pauvres et des personnes précarisées n'est pas une option accessoire de la vie chrétienne, mais le lieu même - plus que la liturgie, le rite, la bonne doctrine ou la bonne morale, oui, le lieu même de la rencontre de Dieu, du moins pour un disciple du Christ.  A bon entendeur...

samedi 23 août 2025

Une vie réussie : funérailles du P. Hugo

 Je rentre à l'instant des funérailles organisées à la paroisse Saint-Roch pour le Père Hugo Vangeel, missionnaire du Sacré Coeur, qui a été en poste au Congo, au Cameroun et ici à Bruxelles, notamment curé de ladite paroisse. J'y représentais l'archevêque, au milieu de confrères sincèrement émus par le départ de Hugo et d'une communauté très africaine, qui a montré un  visage d'Eglise priant, enthousiaste, chaleureux.

Hugo a été un prêtre simple et joyeux, accueillant la misère dans un coeur grand comme le monde. Dans tous les endroits où il est passé, il a accueilli et recueilli les sans papiers, les sans domicile fixe, les migrants, les paumés, les perdus  -  des perdus pour lesquels il a été un "sauveur" et très certainement l'image concrète du Sauveur.

Le Peuple de Dieu qui se pressait ce matin dans l'église, peuple de gens simples et modestes, a manifesté en priant et en chantant sa reconnaissance pour une vie donnée.

C'est-à-dire, pour une vie réussie. Car on peut bien "réussir" dans la vie, cela c'est une question de chance et tant mieux si cela arrive, même si ce n'est pas toujours gage de bonheur. Mais autre chose est de "réussir sa vie", et pour cela, il n'y a qu'un moyen : la donner, sans rien en retenir.

Hugo a été pour nous, ce matin, le modèle d'une vie réussie.

jeudi 14 août 2025

Corps glorifié ou chair à canon?

 Demain, solennité de l'Assomption. La Vierge Marie, pleinement femme et pleinement "humaine", est présente dans la gloire de Dieu avec un corps incorrompu. Elle figure ainsi notre destinée, le rêve de Dieu sur l'humanité, sur chaque être humain, dont le corps n'est pas seulement un vêtement provisoire qu'on enlèverait au moment de mourir pour le laisser pourrir en terre ou disparaître dans les flammes d'un crématoire. L'être humain, chaque être humain - vous, moi - non pas "a" un corps mais "est" un corps, et ce corps comme le reste de la destinée qu'il porte (âme, esprit, sensibilité, ...) est promis, donc - voilà ce que nous enseigne l'Assomption - à être "assumé" dans la gloire de Dieu.

Ce corps humain transfiguré déjà en Jésus, ressuscité avec lui, nous le considérons pourtant comme quantité négligeable. Oh, nous le nourrissons, bien sûr, trop et mal dans nos pays, et pas assez dans une majorité d'autres. Nous le fardons, l'habillons, quelquefois le bodybuildons, le voulant être l'expression de nos rêves de beauté, de séduction, de puissance. Nous déplorons les faiblesses de son vieillissement, au point de préférer parfois disparaître tout entiers quand il devient trop souffrant ou même trop décevant. Nous considérons trop peu sa fin, pour bien le traiter : sa fin est glorieuse, il est nous, il nous porte et nous constitue, et s'il disparaît à la mort devant nos yeux de chair, il est présent en creux dans nos destinées éternelles. 

Il n'y a pas plus "charnel" que la célébration de l'Assomption, qui donne au corps humain sa véritable consistance, parce qu'elle lui donne sa véritable destinée. Celle d'une femme incorrompue, qui porte encore aujourd'hui, comme une Mère d'humanité nouvelle, cette assomption qu'au fond de nous, au plus intime, nous espérons tous.

mardi 15 juillet 2025

Le bonheur de la conversation

 Aujourd'hui, 15 juillet, mémoire liturgique de Saint Bonaventure. A l'homélie de la messe, j'ai eu l'occasion de rappeler cette disputatio que l'on raconte, et qui, dit-on, opposa les deux grands théologiens latins du XIIIème siècle (morts du reste la même année, en 1274), Thomas d'Aquin et précisément Bonaventure.

Le sujet en était étrange : les anges, entre eux, se parlent-ils? (J'imagine que la question ne vous empêche guère de dormir...)

Réponse de Thomas, tout à sa logique aristotélicienne : Non, les anges sont des créatures parfaites et donc, uno intuitu, "d'un seul regard, d'un seul 'tchak' ", ils voient ce qu'il y a dans l'autre ange, et  n'ont pas besoin de se parler...

"Juste", répond Bonaventure : les anges sont des créatures parfaites et pour cela même n'ont pas besoin de se parler... Mais ils se parlent néanmoins, pour le plaisir de la conversation! Ils se parlent... pour ne rien dire, au fond (un peu comme j'écris ces lignes, tiens!) 

Il y a donc un bonheur de la conversation pour elle-même, un bonheur angélique, qui n'est pas de l'ordre de l'utile, qui est au-delà de l'utile. Un bonheur de l'entretien, voire de l'entre-tien, un bonheur de cette conversation qui nous tient ensemble. Un de mes professeurs parisiens de théologie, le regretté Guy Lafon, disait que Dieu se tenait dans l'entre de l'entre-tien. Prenons soin de nos conversations, Dieu s'y cache et s'y révèle tout ensemble! Et merci, Bonaventure!

vendredi 11 juillet 2025

11 juillet, fête de Saint Benoît, Abbé

 En cette fête pour moi patronale, je m'unis aux frères et soeurs moines et moniales, bénédictins ou cisterciens, que je connais de par le monde, auxquels souvent j'ai eu la joie de prêcher des retraites. Comme ils sont précieux dans l'Eglise, ces fils et filles de Saint Benoît!

Partageons l'hymne du jour, que je voudrais tant faire mienne, comme une charte de vie chrétienne :

Vivre à Dieu seul

Et se tenir en sa présence,

Tout quitter pour atteindre la paix,

Choisir le silence

Pour saisi la Parole,

Pour être ce disciple aux aguets

D'un mot, d'un ordre.


Fuir au désert

Mais rassembler dans la louange,

Consentir à toujours commencer,

Traduire en patience

Le désir du Royaume;

Pouvoir être trahi

Sans cesser de croire aux hommes.


Voir l'Univers

A sa mesure véritable,

L'Univers comme un point lumineux,

Léger grain de sable

Que l'Amour transfigure;

Savoir que toute chose est en Dieu

Précieuse et pure.


Craindre sans peur

Dans l'abandon de tout son être,

N'avoir rien de plus cher que le Christ.

Servir le seul Maître

Dont le joug rende libre :

Ainsi dans la douceur de l'Esprit

Benoît se livre. (CNC)

vendredi 27 juin 2025

"L'amour du coeur de notre Dieu..."

 Chaque matin, à l'Office des Laudes (des "louanges"), la liturgie nous invite à proclamer le Cantique de Zacharie, père de Jean le Baptiste, et à proclamer avec lui que le salut nous vient "grâce à la tendresse, à l'amour de notre Dieu, quand nous visite l'astre d'en-haut!" 

"L'amour de notre Dieu", nous le célébrions aujourd'hui comme chaque année, en ce Vendredi qui suit la solennité du Saint-Sacrement, oui, en célébrant "le Sacré Coeur". Nous célébrons en quelque sorte l'amour de Dieu pour lui-même, contemplé dans son surgissement créateur, accompli à la Croix lorsque, comme un fruit, s'ouvre le Corps supplicié et qu'en jaillissent "le sang et l'eau", figure au dire des Pères des sacrements de l'Eglise, le baptême et l'eucharistie.

La lecture évangélique de ce jour, tirée du chapitre 15 de Luc, ce chapitre qui n'appartient qu'à lui dans les Evangiles et rapporte un triple mouvement de "perdu- retrouvé" (parabole de la brebis perdue et retrouvée, de la pièce de monnaie perdue et retrouvée, du fils perdu et retrouvé), cette lecture donc, nous fait communier à la joie du berger qui a laissé les 99 brebis sages pour se mettre en quête de celle qui était perdue et qui, l'ayant retrouvée, l'a ramenée sur ses solides épaules.

Voilà en effet "l'amour du coeur de notre Dieu". On pourrait penser, si l'on se contentait de la manière humaine de penser et d'aimer, que cette brebis perdue n'a après tout que ce qu'elle mérite : sans doute l'a-t-on prévenue des dangers de s'écarter du bon, du droit chemin; sans doute quelques chiens de garde lui ont-ils mordillé les mollets pour la faire revenir dans le troupeau. Rien à faire : cette brebis avait des humeurs vagabondes, elle voulait flâner, errer, quitte à se perdre, insoucieuse des dangers qu'elle a peut-être bien courus, le loup, les ronces, la perte des repères, tout ce qui plus ou moins vite ne saurait conduire qu'à la mort.

Oui, Dieu, s'il était comme nous, pourrait se dire : "Tant pis pour elle! On le lui avait bien dit!" Pire : il pourrait exploser de colère devant cette petite sotte qui n'a pas écouté sa sagesse - la colère de Dieu dont parle saint Paul dans la Lettre aux Romains dont on lisait aussi, et précisément, un passage dans la messe de ce jour.

Mais le Christ, Fils bien-aimé envoyé par le Père, montre le coeur de l'amour paternel : au risque de se perdre lui-même, il cherche l'égarée et, une fois qu'il l'a retrouvée, nettoyée de ses peurs et de ses blessures, sans un mot de reproche il la cale sur ses solides épaules. Tout là-dedans n'est que joie : il rassemble ses amis et fait la fête avec eux, parce qu'il a retrouvé "celle qui était perdue!"

Au moins une fois par jour, tout être humain, et tout chrétien, est cette brebis qui, précisément parce qu'elle a été recherchée et retrouvée dans son égarement même, sait le prix qui est le sien aux yeux du berger. Elle a pressenti "l'amour du coeur de notre Dieu", l'amour qui n'est pas d'origine humaine, l'amour du Coeur Sacré, du Sacré-Coeur.

Elle en est devenue aussi le porte-parole dans un monde où cet amour-là est non seulement ignoré, mais vilipendé, et même quelquefois détesté - "L'amore non è amato!" s'écriait en pleurant saint François d'Assise, "L'amour n'est pas aimé!" On en voit les conséquences, chaque jour, dans notre monde. Et les chrétiens sont là pour, puisant à la source, témoigner que, si cet amour-là était aimé, l'humanité irait mieux sur la terre qui lui est confiée.

dimanche 22 juin 2025

La prière d'un Iranien

 Comme tous les dimanches, j'étais cet après-midi de service à la Cathédrale pour les confessions. Un homme encore jeune s'est approché pour me demander de prier pour lui, pour les siens, pour son pays : "Je suis Iranien, m'a-t-il dit, et la guerre va nous massacrer. Nous sommes pris en étau entre des chefs despotiques et irresponsables et une armée israëlienne désormais soutenue par les USA. C'est une nouvelle fois la population qui va trinquer. Nous n'avons déjà pas grand chose. Demain, nous n'aurons plus rien..."

Je lui ai demandé s'il était musulman et il m'a dit "Non, je l'ai été, je ne le suis plus. Je suis simplement croyant. Je crois en Dieu. Je crois que Dieu veut la paix..."

J'ai été touché par cette demande, comme si la Cathédrale accueillait vraiment en son sein le cri d'un monde qui ne cesse de souffrir. Les puissants ne veulent pas la paix, ils veulent en découdre, s'affirmer, s'étendre, toujours au mépris des populations qui, la plupart du temps, ne demandent rien d'autre qu'une vie tranquille.

Si vous lisez ce blog, priez vous aussi pour cet homme et pour son peuple!