samedi 16 décembre 2023

"C'est loin, Chicago?"

 Hier soir, allongé dans la salle des urgences de l'Hôpital Universitaire Saint-Luc pour y passer une partie de nuit, suite à une douloureuse infection bactérienne du pied, j'étais le voisin d'une dame âgée et charmante qui, elle, avait échoué là pour des problèmes post-opératoires. L'une de ses filles était gentiment à ses côtés, et donc, mère et fille papotaient. Evidemment, j'ai tendu l'oreille d'une façon très indiscrète.

La maman : "Tu as prévenu Jules?" (j'invente le prénom, le prénom d'un de ses fils)

La fille: Oui, il va essayer de venir.

La maman :"Et Arthur? (Autre invention, évidemment...) Tu as prévenu Arthur? J'aimerais beaucoup qu'il vienne..."

La fille : "Ca m'étonnerait, maman, Arthur habite trop loin!"

La maman : "Trop Loin? Où ça, trop loin?"

La fille : "A Chicago, maman, aux Etats-Unis!"

La maman : "Et c'est loin, ça, Chicago?"


Magnifique amour maternel, qui veut ignorer les distances!

samedi 9 décembre 2023

Le beau témoignage d'Edward

 Hier, les permanents et les bénévoles de BAPO ("Bruxelles-Accueil-Portes-Ouvertes"), notre antenne sociale que j'admire tant pour son dévouement et son professionnalisme, se réunissaient chez moi pour un petit lunch à l'occasion de la Saint-Nicolas. Beau moment, très convivial, très enjoué, autour de quelques sandwiches, et occasion aussi de se partager des choses profondes liées à notre foi. Je retiens le témoignage spontané d'Edward, notre Directeur. Dans sa jeunesse, disait-il, il avait logé chez les Soeurs de Mère Teresa en Albanie, dans la sacristie - et là, outre qu'il devait libérer le lieu pour la messe de sept heures du matin, il ne pouvait guère amonceler des biens! Il a compris pour toujours, expliquait-il, qu'on peut parfaitement vivre sans posséder beaucoup de choses. Et même que cette non-possession est un gage de liberté extérieure et intérieure. Maintenant, marié et père de famille, il est évidemment heureux d'avoir un toit sur la tête et tout ce qu'il faut pour le bien-être des siens. Mais il garde de cette lointaine expérience la certitude de ce que Bernanos (là, c'est moi qui cite) appelait "la liberté imprenable".

Magnifique récit qui nous renvoie tous (et moi en premier) aux liens que nous entretenons si souvent  avec les possessions matérielles et qui  sont autant d'entraves!

dimanche 19 novembre 2023

"Entre dans la joie..."

 Les bons serviteurs qui ont fait fructifier les talents à eux confiés par le Maître qui partait en voyage, dans la parabole évangélique proclamée aujourd'hui (Mt 25, 14-30), sont félicités d'une façon magnifique : "Entre dans la joie de ton Maître". Joie du don, joie d'avoir accueilli la confiance du Maître, joie du travail accompli pour faire croître ce qu'on leur a donné...

On songe au "Mémorial de Pascal" : "Joie, joie, pleurs de joie!"

Ce n'est pas la joie de la consommation avide, encore moins celle de la prédation, ce n'est pas la rigolade. C'est la joie dont parle le Psaume 50 ("Rends-moi la joie d'être sauvé!),  et qu'annonce le prophète Néhémie ("La joie du Seigneur est notre rempart!")

Nous traverserons toute tristesse, car nous sommes faits pour nous retourner vers cette joie!

mercredi 15 novembre 2023

Présence symbolique forte au Te Deum de Bruxelles ce matin

 Faut-il dire ici encore combien les temps que nous traversons sont troublés? Mais quelquefois, certaines images se donnent à voir comme une trouée de lumière dans ce monceau d'ombre. Ainsi ce matin, lors du traditionnel Te Deum chanté à la Cathédrale de Bruxelles pour la Fête du Roi, en présence des anciens souverains, du frère et de la soeur du Roi, le hasard a voulu que soient assis côte à côte, parmi les représentants des Eglises et des Cultes, le Président du Consistoire Juif et la Représentante du Culte Musulman.

Dans une église catholique... Une image forte, oui, et aussi peut-être un appel!

dimanche 12 novembre 2023

Merci, Marie-Thérèse

 Ce matin, dans l'église Notre-Dame immaculée, Place du Jeu de Balles, l'assemblée, comme toujours très populaire, était plus fournie que de coutume. C'est qu'on fêtait Marie-Thérèse, notre animatrice en pastorale, qui prend sa retraite et retourne dans sa bonne ville de Liège après trente années de remarquables services. Tout entière dans la discrétion, Marie-Thérèse a reçu une magnifique gerbe d'hommage : celles et ceux qu'elle a accompagnés et fait grandir dans la foi, par ses catéchèses, les pèlerinages qu'elle a accompagnés, les confidences qu'elle a écoutées avec patience. Et, peut-être surtout, par sa prière pour le Peuple qu'on lui avait confié!

Comme il est réjouissant de voir à nos côtés des baptisés qui s'engagent à animer ainsi, discrètement et avec opiniâtreté, la vie chrétienne de leurs paroisses! Merci, Marie-Thérèse, de tout coeur, de grand coeur, merci!

mardi 7 novembre 2023

L'Eglise fait du bien

 L'Eglise, comme institution et comme toutes les institutions, est coupable de grands maux - les abus, sexuels ou d'autorité, et souvent ces deux types d'abus couplés, en sont la plus affligeante démonstration. Ils crient sinon vengeance (car la vengeance n'est jamais une solution), mais remède, réforme et, s'il est possible, réparation pour les victimes.

Mais l'Eglise, comme institution, fait du bien. Doyen de Bruxelles-Centre, j'ai demandé ce soir à un certain nombre de collaborateurs de lister et de faire circuler les lieux et les modes de ce bien. Voici une première approche:

- par des institutions comme "BAPO, Bruxelles Accueil Portes Ouvertes", l'Eglise de Bruxelles-Centre accueille et accompagne les personnes les plus fragiles qui fréquentent le Centre-Ville : sans papiers, sans domicile, sans ressources. BAPO ne "fait pas la charité", mais oriente, et ouvre les portes de ces personnes sans jamais les lâcher, pour parvenir à leur obtenir un logement, des droits, de la nourriture, une insertion sociale.

Pareillement, le "Point 32" situé à l'église du Finistère, offre chaque jour une bonne centaine de repas gratuits à des personnes démunies. Tout cela est entièrement financé par le Doyenné.

Et encore, "House of Compassion", situé dans l'église du Béguinage, organise des expositions qui sensibilisent à cette nécessaire solidarité avec les plus démunis.

Je suis très fier de ces institutions décanales, qui offrent de l'Eglise un visage de compassion et de solidarité.

- par des institutions comme l'asbl "Culture et Tourisme", la Cathédrale de Bruxelles offre à tous ceux qui le désirent des concerts, des expositions, des conférences de haute tenue et de grande qualité, et contribue ainsi au rayonnement culturel de la Ville. 

- par des institutions comme les "Etablissements du culte" (autrefois "Fabriques d'église"), en lien avec les pouvoirs publics, l'Eglise contribue à la préservation du patrimoine architectural de la Ville, et à l'entretien, en vue du culte et du tourisme, d'églises remarquables comme, évidemment, la Cathédrale, mais aussi ND des Victoires au Sablon ou encore Saint-Nicolas, près de la Grand-Place. Savez-vous que la Cathédrale est le deuxième lieu le plus visité de Bruxelles, après la Grand-Place? Cela mérite bien cet investissement, pour que nous puissions mettre en valeur ces bâtiments exceptionnels!

Service aux fragiles, protection et mise en valeur du patrimoine : deux tâches qui occupent beaucoup de mon temps, comme Doyen, deux manières de rendre service à la société. 

Oui, l'Eglise a fait du mal. Elle en fait, hélas, peut-être encore. Mais il faut aussi souligner qu'elle fait beaucoup de bien. Et je souhaite que cela soit dit et répété, ne serait-ce que pour la simple justice de faire, comme on dit, "bonne mesure".

mercredi 1 novembre 2023

Notre cher Cardinal

 Joie ce matin de revoir à la Cathédrale de Bruxelles notre cher Cardinal De Kesel, qui a présidé la messe de la Toussaint. Fatigué, certes - il revient de Rome, où il passé le mois d'octobre pour participer au Synode. Fatigué, oui,  mais heureux de cette expérience ecclésiale qu'il prendra le temps de raconter le 12 novembre prochain, à la Basilique de Koekelberg, à 15h00, lors d'une célébration où toutes les forces vives de l'archidiocèse le remercieront  pour ce qu'il a fait ici depuis tant d'années, comme évêque auxiliaire d'abord, puis comme archevêque. On sent un homme libéré du poids de la gestion quotidienne - lourde - de ce grand navire, dont le gouvernail est maintenant entre les mains de Mgr Luc Terlinden. On sent un homme heureux de pouvoir souffler et donner encore et encore sa vie, mais autrement, au service de l'Eglise qu'il aime de tout son coeur. Il est reconnaissant au Saint Père de lui avoir permis de vivre cette expérience synodale, où l'on voit l'Eglise bouger peu à peu, lentement mais sûrement  - là aussi, la conversion, ô combien nécessaire, est fatalement lente. Mais on y va!

Merci, cher Cardinal, de veiller encore sur cette Eglise avec toute votre sagesse, toute votre délicatesse et toute votre détermination!

lundi 16 octobre 2023

La colère de Dieu

 "La colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui retiennent la vérité captive de l'injustice..." (Rm 1, 18) Ces propos de saint Paul, au début de sa Lettre aux Romains, je ne cesse d'y repenser depuis huit jours. Oui, la colère de Dieu... On n'aime pas, chez nous, parler de cela, comme si notre Dieu était une espèce de bonasse, un mollasson. Mais non : Dieu aime ses enfants, tous les êtres humains, et il chérit d'un amour particulier les enfants d'Abraham qu'il a choisis entre tous pour être porteurs de son Alliance avec l'humanité.

Les voir se déchirer en d'éternelles querelles fratricides, avec une violence inouïe, les voir s'entretuer, comme cela doit déclencher chez Dieu de la colère, une envie sans doute difficile à maîtriser de leur fiche un bon coup de pied où je pense! Mais cette colère est pédagogique, elle est une étape - comme toujours, dans la Bible, il reviendra de sa colère et fera encore miséricorde, pariant encore et encore sur la bonté de ces créatures "créées à son image et ressemblance", mais libres et partant capables de faire montre d'une abominable crétinerie.

Oh Seigneur Dieu, encore une fois, prends pitié de tes créatures! Convertis leurs coeurs, nos coeurs, à l'amour et à la paix!

jeudi 5 octobre 2023

L'hommage du Président Macron à Hélène Carrère d'Encausse





J'ai trouvé remarquable l'hommage rendu à Hélène Carrère d'Encausse par le Président Emmanuel Macron, mardi dernier, dans la Cour des Invalides. Voici ce discours.




 

lundi 2 octobre 2023

Les deux enfants

 Hier la liturgie nous donnait à entendre l'étrange parabole des deux fils envoyés à la vigne (Mt 21, 28-32) par leur père : le premier dit non, mais il finit par y aller "saisi par le repentir"; le second dit oui, mais n'y va pas.

Nous sommes ces deux enfants, toujours. Sans doute, nous avons dit oui, comme le second fils, ou plutôt d'autres l'ont dit pour nous, alors que nous n'étions pas en état de décider. Mais la fatigue est là, qui s'est installée, et avec elle le doute, les remises en question, la volonté d'être libre, d'aller voir ailleurs : autant de motifs qui nous font passer par un non, par un refus presqu'adolescent, comme celui du premier fils. Un refus sans doute nécessaire, pour que notre foi ne reste pas un acte de conformisme ou de routine. 

Du creux de ce refus montera en nous le ressouvenir du Père. Il est un Père aimant qui nous envoie travailler à sa vigne non comme des ouvriers ou des mercenaires, mais comme des filles et des fils libres et héritiers d'un bien qui nous est commun, à lui et à nous, d'un bien qu'il nous transmet et nous partage, espérant qu'à notre tour nous le fassions fructifier - car rien n'est plus précieux que ce bien. Oui, du creux de ce refus, le premier enfant en nous est "touché, saisi par le repentir" et va dès lors travailler à la vigne comme à son héritage bien-aimé.

Cela, seul le pécheur en nous peut le comprendre - les publicains et les prostituées, pécheurs publics, le savent bien, qui ne peuvent pas compter sur leurs mérites mais seulement sur l'amour miséricordieux de ce Père aimant. C'est pourquoi, dit Jésus, "ils arrivent avant vous dans le Royaume". Qu'ils nous y accueillent!

dimanche 24 septembre 2023

La "magnifique injustice de l'amour"

 Le mot est de ma chère Marie Noël, qui qualifie ainsi la miséricorde de Dieu : "la magnifique injustice de l'amour!" Il trouve une parfaite application dans la parabole proclamée aujourd'hui (dite "des ouvriers de la dernière heure", Mt 20, 1-16) : les ouvrier embauchés à la dernière heure reçoivent le même salaire - le salaire convenu - que ceux qui ont, comme ils le disent eux-mêmes en récriminant, "porté le poids du jour et de la chaleur." Inaudible dans une mentalité rétributive, évidemment. Mais, précisément, la grâce ne relève pas de la rétribution : elle est, comme du reste son nom l'indique, "gratuite". La grâce, c'est immérité, c'est ce qui ne se paie pas, jamais.

Nous n'avons pas - ou peu! - été éduqués à la gratuité de la grâce; on nous a bien davantage inculqué le salut par l'effort, genre "si tu es sage, tu auras une image!" Or l'Evangile proclame "Voici l'image que je te donne sans que tu l'aies mérité; autant que tu le peux, tâche d'y faire correspondre ta vie!" Renversement de tout. Conversion. La seule conversion, sans doute - la conversion à l'amour.

"N'ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien?", rétorque le maître du domaine à l'ouvrier de la première heure qui se plaint de cette apparente injustice. Et encore : "Vas-tu regarder avec un oeil mauvais parce que moi, je suis bon?" 

Oui, toute la question est là...

lundi 18 septembre 2023

La misère s'entasse dans les rues de Bruxelles

 Dans le Centre Ville de Bruxelles, la misère ne cesse de croître. De plus en plus nombreuses sont les personnes (en ce compris des enfants) qui dorment dans la rue ou dans les stations de métro. Il y a là quelque chose d'intolérable - quelle honte de voir ainsi une Ville, une Région, un Pays incapables de mieux accueillir ceux qui sont simplement en quête de dignité humaine. Une Ville, une Région, un Pays : ces divers niveaux de pouvoir, en effet, semblent se renvoyer la balle pour se débarrasser du problème. Mais ce que l'on voit ici à Bruxelles, on le constate aussi aux marges de l'Europe - en Italie, à Lampedusa, le gouvernement italien et les instances européennes peinent à collaborer réellement pour endiguer ce flux migratoire.

Un grand principe guide l'éthique sociale de l'Eglise catholique : la "destination universelle des biens", selon laquelle les biens de la terre sont à l'origine destinés à tous les êtres humains. La propriété privée n'est admissible que si son exercice ne contredit pas ce principe premier. Pour le dire autrement : lorsqu'une manière de posséder privément des biens de première nécessité (biens matériels comme l'eau, la nourriture, le logement, etc. , mais aussi culturels comme l'éducation, la santé, etc.) empêchent ceux qui y ont droit d'y accéder; lorsqu'une petite partie de la population mondiale (nous) entend posséder privément ces biens de sorte qu'une très grande proportion d'êtres humains sont empêchés d'y accéder, oui, alors la migration est légitime. Les migrants viennent chez nous chercher ce dont on les prive, et qui pourtant leur appartient de droit.  Je ne fais ici que formuler la foi catholique dans ce qu'elle a de plus traditionnel, comme le pape lui-même ne cesse de le répéter depuis le début de son pontificat.

Bien sûr, il faut réguler cette migration de masse, et cela prend du temps. Mais c'est la responsabilité première des responsables politiques d'Occident d'organiser cette régulation avec générosité. Il faut aussi, bien entendu, travailler diplomatiquement pour qu'en amont les raisons de migrer diminuent dans les populations fragilisées par la guerre ou, comme en Tunisie, par le tournant dictatorial du Régime en place... Travail de longue haleine, qui consiste à aider par tous les moyens au développement des populations subsahariennes ou proche-orientales, auquel une part de nos richesses devrait être consacrée. En parlera-t-on, dans la prochaine campagne des législatives, chez nous? Espérons. En attendant, la misère de ne cesse de grandir dans les rues de Bruxelles!

lundi 4 septembre 2023

Notre Evêque Luc

 Encore sous le charme de la célébration vécue hier à Malines, l'ordination épiscopale de Luc Terlinden. Un vrai bonheur, un moment de profonde joie évangélique - simplicité dans la grandeur du moment, humilité, fraternité, des mots qui veulent dire quelque chose pour le nouvel archevêque. Oui, comme beaucoup l'ont dit et le disent avec raison, "un coup de jeune pour l'Eglise de Belgique", une Eglise si souvent trop vieille, mais qui a besoin de signaux comme celui-là pour lui rappeler, et l'aider à rappeler à tous, la fraîcheur de l'annonce évangélique.

Luc a été depuis trois ans environ "vicaire dominical" au service de notre Doyenné de Bruxelles-Centre, en plus d'être "Vicaire Général" de l'archidiocèse. Il aimait célébrer la messe, deux fois par mois, dans les églises de ND Immaculée (Jeu de Balles) et du Sablon. ND Immaculée est une église dans laquelle se presse, le dimanche matin, le "petit peuple de Dieu", des personnes très modestes qui ont été - à leur grande surprise - invitées à occuper les premiers rangs dans la Cathédrale de Malines, hier, tandis que les jeunes servants de messe (garçons et filles) de cette même petite église de Bruxelles étaient conviés, pour leur grand bonheur, à servir la messe d'ordination. Voilà qui en dit long sur l'humanité chaleureuse du nouvel archevêque, qui augure bien de ce que nous attendons de l'Eglise tout entière, et que le pape François ne cesse d'appeler de ses voeux - même si certains nostalgiques emploient tous les moyens y compris (et souvent) les plus bas pour rêver tout haut d'une espèce de grandeur restaurée de l'Eglise omnipotente d'autrefois. Grandeur heureusement perdue - heureusement, car cette perte, que l'on espère définitive, nous permet de retrouver la saveur et la sève évangéliques dont nous sommes porteurs!

Bienvenue, Mgr Terlinden. Le 12 septembre prochain, à 19h00, nous vous accueillerons dans votre autre Cathédrale, celle de Bruxelles, et vous installerons donc sur votre autre siège épiscopal. Moi, je ne suis ici que le gardien des lieux. Vous, vous êtes ici chez vous!

dimanche 27 août 2023

Le cri d'amour de saint Augustin

 Aujourd'hui - si nous n'étions pas un dimanche - nous célébrerions la mémoire de sainte Monique, mère d'Augustin, avant, demain, de fêter son fils. Parmi les innombrables écrits de saint Augustin - plusieurs bibliothèques! - Les Confessions reste un texte majeur, écrit vers 399, à l'âge de quarante-cinq ans, à la fois autobiographie spirituelle et méditation sur la foi chrétienne.

Dans la surprenante traduction de Frédéric Boyer, lisons ce cri d'amour glané au Livre XII :

"Vérité. Lumière de mon coeur. Ne laisse pas ma part obscure me parler. Je suis dispersé là-bas. Je suis obscur. Mais là, même là, je t'ai aimé à la folie. Je me suis perdu et je me suis souvenu de toi. J'ai entendu ta voix derrière moi. Reviens. J'ai mal entendu à cause du vacarme d'une impossible paix.

Maintenant, regarde, je reviens vers ta source. En feu. Le souffle coupé. Personne pour m'en empêcher. Je vais la boire. Je vais en vivre. 

Je ne suis pas ma vie. Je vis mal de moi. J'ai été ma mort.

En toi je revis. Parle-moi. Explique-moi. J'ai cru tes livres. Les violents mystères de leur parole."

(SAINT AUGUSTIN, Les Aveux, trad. F. Boyer, Paris, P.O.L., 2007, p. 342)

dimanche 20 août 2023

Quand une païenne "évangélise" Jésus : moment décisif pour la foi chrétienne

 Jésus est d'abord réticent face à l'appel de la Cananéenne (une païenne, non-juive) qui lui demande, dans l'épisode évangélique proclamé aujourd'hui, de guérir sa fille "tourmentée par un démon" (Mt 15, 21-28). Il n'a, lui dit-il, été envoyé "qu'aux brebis perdues d'Israël" et il ajoute, devant l'insistance de la femme, qu'il "n'est pas bon de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens", manière peu flatteuse de comparer juifs et non-juifs. Mais la réponse de cette femme va, si l'on ose ainsi dire, "évangéliser" Jésus, en tous les cas va le pousser à accepter que le message de salut dont il est porteur est destiné à tout le monde. Avec bon sens, la femme a dit que, comme les petits chiens, elle était prête à se contenter des miettes tombées de la table. Cette humilité et cette foi ("Femme, grande est ta foi") emportent l'accord du Maître.

Toute sa vie, Jésus s'est heurté au courant pharisien - dont il était pourtant proche. Un courant qui se méfiait des païens et de leur fréquentation, craignant une espèce de contamination de la foi juive, soucieux au contraire d'en préserver la pureté par l'observance tatillonne, voire obsessionnelle, des rites et préceptes de la Torah. Saint Paul  plus tard, lui-même Pharisien, vivra sa conversion comme un passage de cette obsession à l'ouverture aux païens, devenant l'Apôtre des Nations et substituant la grâce et la foi à l'économie désormais dépassée de la Loi. Jésus avait tracé la voie...

Mais le pharisaïsme nous guette toujours. Nous pouvons aussi, nous chrétiens, vivre notre appartenance au Christ comme un privilège et oublier qu'elle est une mission : notre foi chrétienne, c'est un judaïsme qui s'ouvre perpétuellement à la nouveauté, aux autres, aux différents. L'oublier nous renferme sur nous-mêmes, sur nos identités - identités certes nécessaires, mais qui ne servent à rien et deviennent même dangereuses si elles sont de repli : pour rester vivantes, elles doivent rester à l'écoute. A l'écoute des personnes et des cultures rencontrées, sans cesse diverses. A l'écoute des autres religions ou des autres conceptions de la vie. A l'écoute des aspirations et des revendications, comme des volontés de réalisation de soi. Bref, un échange et un dialogue doivent sans cesse être repris entre les chrétiens et ceux qu'ils croisent. La foi chrétienne n'existe que risquée dans cet exercice. Sinon, elle sera préservée comme dans du formol : intéressante à observer comme un objet archéologique, sans doute. Mais morte...

vendredi 11 août 2023

Deux grandes dames et un poète

 Se sont-elles donné le mot? A quelques jours de distance seulement, deux grandes dames qui furent aussi, pour mon bonheur, deux grandes et fidèles amies, se sont envolées de cette terre. D'abord la Princesse Elisabeth de Chimay, 97 ans, que je connaissais depuis près de quarante ans - que de souvenirs communs, de vacances partagées, de voyages, de rencontres, de traversées d'événements heureux ou dramatiques... Les funérailles, lundi dernier à Chimay, ont rassemblé la ville entière dans une commune émotion. Aux fenêtres de bien des maisons, une photo en berne d'Elisabeth - c'est dire si elle était aimée et si les chimaciens lui sont reconnaissants!

L'autre grande dame, c'est Hélène Carrère d'Encausse, 94 ans, qui me faisait avec son mari Louis la faveur de son amitié, elle aussi. Tout le monde a dit l'érudition, la finesse d'esprit et l'élégance de cette académicienne, qui donna sa dernière conférence publique à mon invitation, ici à la Cathédrale de Bruxelles, le dimanche 12 mars dernier, et avec un brio qui avait ébloui les nombreux participants. Ses funérailles sont célébrées aujourd'hui à Paris, en l'église Saint-Germain-des-Prés que, tout en étant orthodoxe, elle fréquentait souvent.

Deux grandes dames qui ont beaucoup compté pour moi, et je compte encore sur elle - d'où elles sont maintenant, de cette intimité divine qui est désormais la leur, j'attends leur prière!


Mais la liste des défunts n'est pas close : avant-hier on a appris le décès, semble-t-il brusque, de mon ami Lucien Noullez. Ce poète bruxellois d'origine wallonne était connu et reconnu pour la délicatesse de ses vers et la pertinence de son Journal. Il était aussi l'une des chevilles ouvrières des "messes festives" de la Cathédrale, et ses funérailles seront célébrées ce lundi 14 à Anderlecht (Saint-Guidon). De lui aussi, j'espère l'intercession - grande est la prière des poètes!

mercredi 12 juillet 2023

Au bonheur des gens...

 Quelqu'un m'a demandé récemment comment je structurais mes journées. Alors, voici le comment et le pourquoi.

Je me lève tôt, vers 6h00, pour avoir plus de temps à ne rien faire. "Ne rien faire", je veux dire par là : prier. J'ai la chance d'avoir, jouxtant ma chambre, un petit oratoire où je dépose mon moi sorti du sommeil et souvent - toujours - très langoureux. Je reste là, face à Dieu, face à moi, face au vide des deux, et j'appelle cela "prier". Pourtant, de ce creux, tout se noue : la journée à venir reprend visage, et tout ce temps passé (deux heures, souvent), avec toutes les tentations - dont celle, à laquelle quelquefois je cède, de me remettre dans le lit voisin, oui avec toutes ces tentations qui disent ma faiblesse, ma pauvreté, mon incapacité foncière face à la tâche pastorale.

Et puis la journée commence : vers 10h00, je prends connaissance des choses à faire, courrier, demandes, rendez-vous, etc. Et les activités sont terriblement variées : aujourd'hui, par exemple, à 11h00, il y eut une réunion avec les divers services du Protocole du Royaume, pour préparer le Te Deum du 21 juillet prochain. Un certain souci, sans doute bien légitime... Après-midi, à 15h00, un rendez-vous avec la fille d'une défunte dont je célébrerai mardi prochain les funérailles à la Cathédrale. Un incroyable récit de vie de cette femme, qui vient de se retrouver brusquement orpheline, sans famille, sans fratrie, avec seuls quelques amis fidèles autour d'elle. Je n'ai jamais rien vécu de plus précieux que ces "récits" de vie, qui viennent s'échouer devant le pauvre prêtre que je suis dans des moments difficiles et surtout dans les deuils. On les écoute, longuement, on les attrape, on les "boit", en quelque sorte, et ils finissent sans doute par faire la matière première de la prière du lendemain matin.

Et, au milieu de la journée, bien  sûr et heureusement, il y a la messe, la messe quotidienne, avec le petit groupe - et pas toujours si petit que cela - de fidèles de cette messe de 12h30. On s'y met à l'écoute de la Parole de Dieu, on y rompt le pain  eucharistique - on y nourrit sa vie spirituelle, sa vie tout court.

Et soir, petite promenade, petit dîner, et vite au dodo.

Demain, à six heures, hein...

mardi 11 juillet 2023

Eloge du temps monastique... ou bénédictin!

 Aujourd'hui nous fêtons saint Benoît dans l'Eglise, patron de l'Europe (et, accessoirement, "mon" saint patron...), mais surtout, par sa Règle admirable, fondateur du monachisme occidental. 

J'ai beaucoup "tourné" dans les abbayes vivant de la Règle bénédictine, en Belgique, en France, en Suisse, pour prêcher des retraites à des moines ou des moniales auxquels évidemment je n'apprenais rien, mais qui eux, par leur mode de vie, m'apprenaient tout! J'ai en particulier apprécié la vie cistercienne, de la "stricte" ou de la "commune" observance, j'ai aimé vivre à Scourmont, à Orval, au Mont-des-Cats, à Igny, à Blauvac, à Sénanque, à Lérins... 

Un jour, au Mont-des-Cats, alors que j'avais demandé à être (un peu) associé aux travaux monastiques et que, en compagnie d'un frère, je binais des salades au potager, la cloche de Vêpres retentit - et je n'avais plus qu'une salade à biner dans la rangée. Evidemment, j'ai commencé à faire ce travail promptement, pour qu'il soit vite fini. Le frère m'interrompit. Brisant le silence, il me dit, parlant de la salade : "Elle sera encore là demain!" 

Grande leçon! Le temps monastique n'est pas le nôtre et pourtant, nous ferions bien de nous y convertir!

jeudi 22 juin 2023

Mgr Terlinden, nouvel archevêque de Malines-Bruxelles

 Comme beaucoup, j'ai appris ce matin à 11h00 l'élection par le pape François de Mgr Luc Terlinden comme archevêque de Malines-Bruxelles. Ce choix me réjouit profondément : Luc est un prêtre jeune, dynamique, simple, proche des gens. Il est en même temps doué d'une belle intelligence et d'un bon discernement. Je le remercie d'avoir accepté cette charge qui est lourde, délicate, difficile. Nos prières l'accompagnent et je serai personnellement heureux de continuer à l'accueillir, mais cette fois comme évêque, dans "sa" cathédrale de Bruxelles!

dimanche 11 juin 2023

Le monde se réarme!

 D'après les données (fiables) de l'Institut International des Recherches sur la Paix (Stockholm), les dépenses globales en armement dans le monde ont atteint en 2022 la somme record de 2.250 milliards de dollars...  Le monde se réarme, ce qui réjouit évidemment les producteurs, marchands et trafiquants d'armes, mais devrait inquiéter le reste des humains que nous sommes!

On dira : la plupart de ces armes sont dissuasives, elles constituent en quelque sorte le "prix de la paix". Mon oeil : quand on est armé, voire surarmé, la tentation à laquelle on finit presque toujours par céder consiste à faire joujou avec ce que l'on a acheté cher et vilain.

On dira : mais il faut se défendre (voire défendre ses alliés) contre les agressions. Certes, cela est légitime, mais ne pourrait-on pas avant toute escalade essayer par tous les moyens d'éviter les conflits et les agressions? Et si conflit il y a tout de même, tenter de restaurer au plus vite la paix la plus juste possible?

Les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale avaient connu, progressivement, une désescalade dans la course folle aux armements. Mais cette période semble finie et les va-t-en-guerre reprennent partout du poil de la bête. Le pape a beau prêcher sur tous les tons qu'il s'agit là d'une attitude stupide, qui contribue à affamer des populations et à enrichir des bandits, cela ne change rien.

Reste la prière. Aujourd'hui solennité du Saint-Sacrement, fête de l'amour exposé, au moins portons cette intention : que les êtres humains arrêtent de fabriquer, de vendre et d'acheter ce qui a pour but de les détruire.

samedi 3 juin 2023

Sylviane Agacinski, nouveau membre de l'Académie Française

 J'ai appris avec bonheur, jeudi dernier 1er juin, l'élection à l'Académie Française de la philosophe Sylviane Agacinski. Je passe sur ses appartenances - femme "de gauche" mais plutôt "à la droite de la gauche", épouse de l'ancien Premier Ministre Lionel Jospin, elle succède au parolier Jean-Loup Dabadie. Je retiens d'elle, surtout, ce qui je crois fut sa thèse, un bel ouvrage sur Kierkegaard. Et, du coup, me voici replongé dans "Crainte et Tremblement", le maître ouvrage du philosophe danois. Une méditation puissante, formidable, sur les rapports entre la foi et l'éthique, une dissertation sur "le sacrifice d'Isaac" auquel Abraham a consenti. Des pages fulgurantes, qui me resteront toujours comme une flèche dans la raison.

J'en retire cette citation, qui me poursuit depuis quarante ans : "Le contraire du péché, ce n'est pas la vertu, c'est la foi!"

lundi 22 mai 2023

L'Heure de la Croix, l'Heure de l'Esprit

 Dans l'évangile de Jean, ce que Jésus appelle "son Heure" pointe l'attention des lecteurs vers l'événement de la Croix. "Mon Heure n'est pas encore venue", dira-t-il ainsi à sa Mère qui le sollicite pour le premier signe de son oeuvre, le signe de Cana. Et l'insistance de cette Mère va ouvrir la mission de Jésus : la surabondance du vin excellent, jamais dégusté sur la terre des hommes, dira la grandeur de la grâce offerte dans cette nouvelle alliance de Dieu et des hommes.

La Mère de Jésus - on ne la nomme jamais autrement dans le quatrième évangile - ne réapparaît qu'une autre fois : précisément à la Croix, et assume encore sa fonction maternelle dans l'oeuvre du salut. Elle reçoit pour fils le disciple aimé et, à travers lui, tout disciple - chacune et chacun de nous, donc. Sur elle et sur le disciple aimé, Jésus expirant souffle l'Esprit. Il faut ici passer par le grec : si l'évangéliste avait voulu simplement dire que Jésus pousse le dernier soupir, il aurait écrit : exepneusen, ce qui est l'exact terme grec pour cela. Or, on lit paredôken to Pneuma, "il transmit l'Esprit", manière de dire qu'en expirant, Jésus fait à l'Eglise naissante le don de l'Esprit. La chronologie johannique n'est pas la même que celle des synoptiques - en particulier, de Luc qui, lui, inscrit ce don dans le calendrier juif et le situe ainsi cinquante jours après Pâques, comme le fait notre liturgie.

Tout ceci est d'importance pour notre vie spirituelle. A "l'Heure" de la Croix, l'Esprit est soufflé sur l'Eglise par Jésus. Cela vaut pour chaque baptisé, qui reconnaît en toute épreuve traversée la présence de cette Croix à laquelle il s'unit. Cela vaut pour le corps ecclésial tout entier, qui traverse ses contradictions avec la certitude d'un surcroît de ce don à chaque croix rencontrée et embrassée. L'Heure de la Croix, c'est toujours l'Heure de l'Esprit.

dimanche 14 mai 2023

La vie spirituelle

 Autrefois, dans les librairies généralistes, il y avait un rayon "Religions" - et, en effet, on y trouvait des ouvrages sur le christianisme, le judaïsme, l'islam, le bouddhisme, etc. Aujourd'hui, dans bien des cas, l'intitulé de ce genre de rayon a changé, on préfère le terme "Spiritualités" (et au pluriel, donc.) C'est que, si le mot "spiritualité "est à la mode, il recouvre bien des acceptions : une introspection contemplative, pour André Comte-Sponville, ce philosophe athée, par exemple; ou un joyeux éclectisme, mêlant un peu de Jésus, un soupçon de Bouddha, des exercices za-zen et du yoga, pour donner un autre exemple. Pour les chrétiens, la vie spirituelle est une aventure plus précise : il s'agit d'accueillir en soi l'oeuvre du Saint Esprit de Dieu, que Jésus a prié le Père de nous envoyer, comme il le dit dans le passage d'évangile proclamé aujourd'hui.

La "vie spirituelle" chrétienne commence donc dans une attitude de mains ouvertes, d'accueil : laisser vivre en soi un Autre que soi, Dieu lui-même, dont la force est intérieurement transfigurante. C'est l'Esprit qui prie en nous, comme dit saint Paul, car "nous ne savons pas prier comme il faut" (Rm 8). C'est l'Esprit qui est seul capable de nous ajuster à la vie avec Dieu, et ainsi de nous faire porter un juste fruit et un vrai témoignage d'amour fraternel.

Un quart d'heure de silence par jour, hors tout bruit, hors toute lecture. Un quart d'heure de silence par jour pour se rendre attentif à l'oeuvre en nous de l'Esprit de Dieu, à ce qu'il bouleverse, à ce qu'il chamboule, à ce qu'il guérit. Un quart d'heure de ce silence, c'est l'autre nom de la prière.

dimanche 7 mai 2023

Impressions sur "le" couronnement

 Beaucoup de choses m'ont impressionné dans ce que j'ai vu du couronnement du roi Charles III, hier. D'abord, que cela existe... il faut une certaine audace pour maintenir un rituel religieux en lien avec l'inauguration d'un chef d'Etat. J'entends déjà les cris et récriminations de beaucoup, chez nous et ailleurs, qui doivent déplorer la mise à mal de la sacrosainte séparation des Eglises et de l'Etat. Pourtant... qui oserait prétendre que la Grande-Bretagne n'est pas une démocratie (elle est même en quelque sorte la "mère" de nos modernes démocraties)? Comme quoi, il n'y a pas que la forme républicaine pour incarner la démocratie!

Ensuite, que cela fonctionne. Manifestement, le rite et sa reprise traditionnelle sont efficaces pour rassembler symboliquement une nation autour de son principal dirigeant. Les foules enthousiastes dans ce genre d'événement nous rappellent que les rituels sont nécessaires - et donc significatifs.

Et puis, il y a la liturgie elle-même, anglicane de la High Church, certes, et donc sans doute proche de la liturgie catholique, avec des éléments émouvants. Exemple : lorsque le petit garçon venu du Choeur de la Cathédrale accueille le Roi, il le fait "au nom du Roi des Rois", et reçoit comme réponse : "Je suis venu au nom du Roi des Rois non pas pour être servi mais, comme lui, pour servir." C'est tout de même une remarquable et évangélique entrée en matière!

Et puis le dépouillement symbolique du monarque et son isolement au moment de l'Onction : rappel que nos rites relèvent de l'initiation, que ce qui marque le plus puissamment est aussi le plus secret.

Et puis encore, le caractère (pour la première fois) oecuménique et interreligieux de la célébration, certes présidée par l'archevêque anglican, mais ouverte aux autres confessions chrétiennes et aux autres religions.

Je ne suis pas, par tempérament, très "people" - je sais trop l'artifice que peut souvent (mal) dissimuler ce genre de grand messe. Mais là, j'ai cru à la sincérité de ces moments et, oui, j'ai été bluffé par l'événement! 

dimanche 30 avril 2023

Dimanche soir. Un mot plein d'espérance de saint Augustin

 "Il y a encore un peu de lumière dans l'humanité. Qu'elle marche, qu'elle marche, de peur que la nuit ne s'empare d'elle!" (Saint AUGUSTIN, Confessions, X, 33, dans la traduction de F. Boyer, Les Aveux, Paris, P.O.L., 2008, p. 282)

dimanche 23 avril 2023

"Ma vie avec Mauriac"

 J'ai achevé hier la lecture d'un petit livre inattendu, intitulé "Ma vie avec Mauriac". Inattendu, car signé de Bernard Cazeneuve, qui fut un éphémère premier ministre de François Hollande, et qui, surtout, est issu d'une famille et d'un milieu socialistes et anticléricaux. Que peuvent bien avoir à faire ensemble ce Bordelais bourgeois et chrétien, couvert d'honneurs académiques, et ce Monsieur Cazeneuve? Eh bien, beaucoup! L'Auteur de ce petit essai - collection "Ma vie avec", chez Gallimard, oblige - dit bien entendu les différences d'origine et de choix qui l'opposent à Mauriac. Mais il relève aussi, chez lui comme chez son écrivain de prédilection, le goût de l'introspection, de la solitude et, surtout, de la quête intransigeante de vérité qui oblige à renoncer aux jugements péremptoires, aux idées toutes faites et, plus largement encore, aux idéologies de tout bord.

C'est un petit livre chaleureux, qui a ravivé encore mon estime pour Mauriac et m'a fait découvrir un homme politique refusant de s'encombrer de ces fausses appartenances de chapelles qui en coincent tellement d'autres! C'est si rare...


B. CAZENEUVE, Ma vie avec Mauriac, coll. "Ma vie avec", Paris, Gallimard, 2023, 128pp.

vendredi 14 avril 2023

Deuxième dimanche de Pâques : l'expérience de la foi

 Comme chaque année, le deuxième dimanche de Pâques (dimanche in albis pour les néophytes, les nouveaux baptisés, mais aussi dimanche "de la miséricorde") nous donne à lire le célèbre épisode de l'apparition du Ressuscité aux Apôtres et, en particulier, à Thomas.

Thomas, "dont le nom signifie jumeau" comme le rappelle souvent l'évangéliste, manière de dire qu'il est toujours notre jumeau, Thomas le douteur, lui qui veut voir pour croire, voir de ses yeux les plaies du Seigneur, et même mettre la main dans son côté transpercé... Jésus va lui montrer ses plaies de crucifié, et va l'inviter à les toucher - ce que Thomas, semble-t-il, ne va pas jusqu'à faire. Il va croire, et qualifier le Ressuscité de "Seigneur et Dieu". Et Jésus lui fera observer que sont plus heureux encore que lui ceux qui croient "sans avoir vu" (c'est-à-dire sans doute : nous!)

C'est que voir ne suffit pas. Il faut encore le saut de la foi, ce saut de l'ange, ce consentement intérieur et extérieur qui s'exerce par delà les signes ou les preuves. Même si on prouvait la résurrection de Jésus, cela ne conduirait pas d'emblée à la foi! Du reste, nous voyons, nous aussi, les plaies du Christ : ce sont les nôtres, et celles du monde, il a tout embrassé de la souffrance humaine dans sa passion. Mais il restera toujours cet acte qui n'est pas strictement rationnel, tout en étant raisonnable : passer de la vision à la foi, consentir à ce qui ne se voit pas, sinon avec les yeux du coeur, sinon en développant un regard intérieur.

samedi 8 avril 2023

Heureuse et sainte fête de Pâques!

 A tous les lecteurs de ce blog, je souhaite une très belle, très heureuse et très sainte fête de Pâques!

Le Christ est ressuscité. Il est vraiment ressuscité! Alleluia!

dimanche 2 avril 2023

La Grande et Sainte Semaine

 Nous voici entrés, depuis aujourd'hui, dans la Grande et Sainte Semaine de la liturgie chrétienne, "la Semaine Sainte". Nous montons avec Jésus vers Jérusalem, gravissant les marches glorieuses et enthousiastes des Rameaux pour aller avec lui jusqu'au Golgotha, jusqu'à la Croix du Vendredi, jusqu'au silence étourdissant du Grand et Saint Samedi, jusqu'à l'aube du Grand Dimanche, jusqu'à l'annonce de la Pâque, de la résurrection.

Aujourd'hui, déjà, nous entendions le récit matthéen de la Passion, et le cri que l'évangéliste ne veut pas dissimuler, le cri de Jésus crucifié, le cri d'abandon, que Matthieu prend soin de transcrire dans la langue originale avant de le traduire : "Eli, Eli, lama sabactani?" - "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" Certes, c'est le début d'un Psaume, le Ps 21 (dans la numérotation liturgique), et nous savons que la finale de ce psaume est glorieuse : "Tu m'as répondu..." (etc.) Le psalmiste voulait décrire le sentiment d'abandon du peuple exilé, et l'a comme ramassé dans le cri supposé d'un condamné à mort crucifié. Jésus le reprend à son compte, sur la Croix, à l'ultime instant. Y Inclut-il déjà la finale glorieuse? Possible. Mais l'angoisse demeure, entière, ce sentiment d'abandon de Dieu - parce qu'il est Dieu, ainsi le proclame notre foi - par Dieu. Dieu abandonné de Dieu, la plus grande déréliction qui soit.

Il n'y a plus rien, ce cri a tout consommé de l'angoisse humaine. Même plus personne à nier, personne à combattre. Dieu est pour toujours absent. Le ciel est vide, et le pendu du Golgotha  n'est soutenu par rien, par aucun espoir, par aucune foi. Athéisme d'un Dieu crucifié...

On ne mesurera jamais l'ampleur de cette détresse, son gouffre abyssal, l'anéantissement volontaire qui s'en fut jusque là, par amour - le plus grand amour.


dimanche 26 mars 2023

Conflit en Ukraine : le point de vue du Saint Siège

 Troisième et dernière de nos conférences de Carême, ce dimanche à la Cathédrale. S. Exc. Mgr Franco Coppola, Nonce Apostolique près le Roi des Belges et le Grand Duc de Luxembourg, a exprimé, dans une conversation faite de questions-réponses, le point de vue du Saint Siège et, singulièrement, du Pape lui-même.

On ne s'étonnera pas de quelques convictions fortes :

- on comprend l'injustice subie par l'Ukraine agressée, au mépris des lois et traités internationaux

- on doit aussi essayer de comprendre (comme nous avons tenté de le faire, dans ces conférences) le point de vue de l'agresseur, qui s'origine dans les frustrations historiques de divers types

- tant que les uns ou les autres prétendront "gagner" cette guerre, aucune paix ne sera malheureusement possible

- la paix passe par la cessation du conflit armé, et le dialogue diplomatique 

- le Saint Siège fait tout ce qu'il peut dans ces efforts de conciliation - on comprend qu'ici la discrétion reste de mise

-  le dialogue entre le Pape et la Patriarche de Moscou ("qui n'est pas libre") n'est pas rompu et pourrait devenir un élément du dialogue nécessaire

-l'attitude attendue des Chrétiens que nous sommes est la prière d'abord, pour les victimes des deux camps, puis un  effort de conversion intérieure pour apprendre la "non violence" dans notre vie quotidienne, manière efficace de la propager autour de nous et finalement dans le monde.


Merci, Mgr Coppola, pour ces propos d'une grande sagesse où s'entrecroisent diplomatie et force évangélique!

lundi 20 mars 2023

Guerre en Ukraine : le point de vue de Mark Eyskens

 Deuxième de nos trois conférences de Carême, consacrées au conflit en Ukraine, hier à la Cathédrale. Mark Eyskens, ancien Premier Ministre et ancien Ministre des Affaires Etrangères (il était à ce poste lors de la chute du Mur de Berlin) a proposé son analyse de la situation, un point de vue qui recoupe largement celui que Mme Carrère d'Encausse avait développé le dimanche précédent. Ce jeune homme de bientôt 90 ans nous a donné un exposé vif, truffé d'anecdotes et de pointes d'humour, mais aussi grave - la situation pourrait dégénérer! Il a esquissé un certain nombre de pistes pour une résolution rapide et juste du conflit, et envisagé aussi, en finale, la dimension anthropologique et spirituelle de ce qui est en jeu : ces conflits armés, où chacun se défend contre l'autre, sont une trace du "péché originel" qui pourrit si bien l'humanité, et réclame le salut de Dieu.

Un grand homme, un grand moment d'histoire, de géopolitique et de... théologie!

lundi 13 mars 2023

Dix années de pontificat

 Aujourd'hui 13 mars 2023, nous célébrons avec joie et reconnaissance le dixième anniversaire de l'élection du pape François. L'Eglise catholique a ainsi mis à sa tête un pasteur venu du continent latino-américain, soucieux des marges et des pauvretés, souhaitant réformer la discipline, la doctrine et les mentalités. Un travail gigantesque que cet homme déjà âgé poursuit de façon opiniâtre malgré les embûches de toutes sortes.


dimanche 12 mars 2023

Les racines historiques du conflit en Ukraine

 Ce dimanche, nous avions à la Cathédrale la joie et l'honneur de recevoir, pour la première de nos conférences du Carême, Madame Hélène Carrère d'Encausse venue de Paris nous entretenir des "racines historiques" du conflit qui fait rage en Ukraine. Exposé clair, brillant, érudit, qui montre la maîtrise sans faille et la connaissance parfaite du dossier par cette grande Dame, secrétaire perpétuel de l'Académie Française. Pendant plus d'une heure, nous avons découvert les frustrations des deux camps aujourd'hui ennemis, frustrations largement dues à l'impréparation diplomatique et politique qui suivit la chute du Mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS. D'où l'insistante demande de l'oratrice : que, dès la paix revenue (le plus vite et le plus justement possible), les pourparlers s'orientent vers des décisions durables qui éviteront la récidive, sinon inévitable, de pareilles catastrophes.

Prions pour qu'il en soit ainsi, et poursuivons avec cette prière notre itinéraire de Carême.


samedi 4 mars 2023

Tsimtsoum hier soir à la Cathédrale

 Hier soir 4 mars à la Cathédrale, une file très longue (jusqu'en bas des escaliers) impatiente d'assister à la première de Tsimtsoum, la pièce écrite par Jacques Sojcher et qui parle du "retrait de Dieu", mettant en scène Dieu lui-même et Jacob, double de l'auteur mais qui prend aussi l'épaisseur du patriarche biblique et de son combat, tel que rapporté en Genèse 32.

Plus de six cents personnes, donc, pour assister à cette lecture-spectacle poignante, quelquefois drôle, toujours émouvante, qui nous embarque dans bien des questions théologiques : qui est Dieu? Est-il? Est-il présent ou absent, ou présent dans son absence? Intervient-il dans le drame du mal et du malheur de l'homme? Etc., etc. La pièce a été suivie d'un bref échange entre spécialistes des religions juive, chrétienne et musulmane, et l'auteur lui-même.

Beau succès, donc, dont nous nous réjouissons tous - et moi-même, en particulier, suis heureux de voir la Cathédrale ouverte à ce genre d'événement et de réflexion  car c'est, entre autres, son rôle. Mais interrogation, aussi, qui surgit de l'étonnement : on nous claironne de partout que la question de Dieu est réglée une fois pour toutes dans notre monde sécularisé, que Dieu a disparu de l'horizon même de la pensée. Or, voilà que lorsqu'on pose, au travers d'une pièce, la question théologique première (au sens étymologique du mot : la théologie parle... de Dieu!), une foule accourt.

Cherchons le ou les motifs, non?

vendredi 24 février 2023

La guerre en Ukraine, les vers d'Aragon

 Premier et douloureux anniversaire de la guerre en Ukraine. Insomnie, cette nuit, et pensée qui dérive vers ce chaos voulu par l'arrogance, la barbarie et la bêtise des hommes - d'un homme, en particulier. Comme si l'humanité n'avait rien compris des siècles sanglants qui jalonnent sa pauvre existence terrestre. Resongé aux vers d'Aragon, dans Le Fou d'Elsa :

Quoi toujours ce serait la guerre la querelle

Des manières de rois et des fronts prosternés

Et l'enfant de la femme inutilement né

Les blés déchiquetés toujours des sauterelles


Quoi le bagne toujours et la chair sous la roue

Le massacre toujours justifié d'idoles

Aux cadavres jeté ce manteau de paroles

Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou


Et, malgré l'horreur toujours recommencée, cette espérance du poète (communiste!) :

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange

Un jour de palme un jour de feuillages au front

Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront

Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche


Prions pour ce jour ne tarde pas!

mercredi 22 février 2023

Homélie pour le mercredi des cendres

 Voici l'homélie prononcée aujourd'hui lors de la Messe des Cendres, à la Cathédrale.

"Le Carême, temps d'ultime préparation au baptême pour les catéchumènes, est pour tous les baptisés un temps de retour, de conversion à la vie nouvelle que le baptême a inaugurée en eux. Nous savons - et venons de l'entendre proclamer dans l'Evangile - qu'il recommande trois attitudes : jeûner, faire l'aumône, prier. Ce sont trois rapports qui sont ici concernés : au monde, à l'autre, à Dieu. Jeûner, en effet, c'est renoncer à la mainmise sur le monde, à une attitude prédatrice, d'excessive consommation (de nourriture, d'images, de tout ce qu'on veut...) Faire l'aumône, c'est s'engager à prendre soin de l'autre, à réveiller notre curiosité pour l'autre, et surtout pour le faible, le petit, qui est à côté de nous et que si souvent nous ignorons. Prier, c'est reprendre encore et encore la conversation sans cesse interrompue avec ce Dieu qui ne cesse de venir nous parler, mais que nous écoutons peu.

"L'Evangile nous rappelle surtout le lieu de cette triple conversion : notre intériorité, "dans le secret" de notre coeur. En recevant les cendres sur nos fronts, laissons-les aller jusqu'au plus secret de nous-mêmes, pour que nos coeurs deviennent grâce à elles des coeurs blessés, capables d'aimer."

dimanche 19 février 2023

Notre rapport à la Torah

 Les chrétiens ont un rapport particulier à la Torah, don merveilleux de Dieu fait au Peuple libéré, pour qu'il reste libre.

Nous lisions, la semaine dernière et ce dimanche encore, des passages du chapitre cinquième de l'Evangile de Matthieu. Jésus y est présenté comme le nouveau Moïse, assis "sur la montagne" - on ne dit pas le nom de cette montagne, mais l'Evangile de Matthieu s'adresse à un lectorat juif, et quand à des oreilles juives on évoque "la montagne", elles entendent, naturellement, "la" Montagne, le Sinaï.

Il va d'abord donner à la Torah un horizon nouveau, de bonheur : ce sont les huit "béatitudes". Huit fois, l'être humain est dit par lui appelé au bonheur, grâce à son accomplissement de la Torah, qui lie pauvreté du coeur et souci de justice, volonté de faire la paix et même persécution accueillie dans l'amour.

Et puis, avec une autorité exceptionnelle qui tranche avec celle, toute relative, des rabbis de son temps, Jésus, Maître incontesté de la Loi ("Moi, je vous dis..."), revisite divers versets. Ainsi, entendu aujourd'hui, celui du Talion, que nous connaissons bien mais interprétons mal, "Oeil pour oeil, dent pour dent..." quand nous pensons ces propos comme incitation à la vengeance, alors qu'ils sont une demande de limitation de la vengeance ("Pour un oeil, seulement un oeil; pour une dent, seulement une dent - et pas le ratelier tout entier!") Jésus va à la racine du précepte : sa logique profonde, dit-il, consiste à ne pas se venger du tout, mais même à "aimer ses ennemis", à "prier pour ses persécuteurs"...

Utopie? Oh oui, ou plutôt, horizon "eschatologique", comme disent de façon compliquée les théologiens : dans le Royaume enfin advenu, il en sera ainsi, à la fin  du temps et de l'espace. En attendant, cette perspective est remise entre nos mains pour que nous y convertissions chaque jour nos coeur.

Quel programme!

dimanche 5 février 2023

Marquis et marquisats

 Depuis que je suis à Bruxelles, je suis étonné par le nombre et l'arrogance des ces territoires prétendument extra-territoriaux de l'Eglise, que j'aime à appeler des "marquisats". C'est qu'y règnent de petits marquis, persuadés de leur importance et de leur compétence à dire, toujours et en tout moment, le bien de l'Eglise. Pour eux, évidemment, l'autorité de l'évêque n'existe pas - fiers insoumis, ils le méprisent, retirés qu'ils sont sur leurs terres comme les nobliaux français du XVIIème siècle. Ils défendent leur fief, leur point de vue, leur clocher - peu importe le territoire idéologique - avec un mépris des autres qui serait risible s'il ne devait être supporté en Eglise. Devant la réforme actuelle des Fabriques d'Eglise, qui demande évidemment une solidarité inédite entre établissements, j'entends dire par exemple : "Oh mais dans un premier temps, on jouera la carte de la solidarité, pour mieux protéger ses propres espaces, ensuite." Et quand je m'étonne - avec un certain agacement que je confesse volontiers- en demandant si cette attitude est après tout simplement évangélique, on semble surpris que je vienne mettre l'Evangile dans tout cela. Tout cela, qui relèverait simplement de prétendues compétences d' "hommes d'affaire", évidemment, c'est-à-dire d'hommes et de femmes qui s'y connaissent, contrairement aux hurluberlus du Vicariat, qui sont de doux rêveurs et qui, s'ils plaident pour leurs rêves deviennent des dictateurs. Tout le monde sait mieux que tout le monde l'opportunité d'une heure de messe, et quand - après consultation, tout de même - on change là-dedans quelque chose, on vous oppose la "démarche synodale" en cours, comme si celle-ci consistait à sauver, pour chacun, son bout de gras, sans avoir à considérer le bien de tous. "Moi d'abord", voilà la devise qui semble prévaloir.

Eh bien non. Tant que je serai ici et responsable pastoral, et même si ma tension artérielle doit quelquefois en pâtir, je m'opposerai, pour le bien de l'Eglise, à ces petits marquis et à leur prétendu marquisat!

mercredi 1 février 2023

La mort de Soeur Marcelle

 J'ai appris hier le décès, survenu la veille, de Soeur Marcelle, qui fut à plusieurs reprises la Mère Prieure du Carmel de Floreffe, près de Namur. Depuis près de vingt-cinq ans, j'ai connu cette Soeur et sa magnifique communauté. Magnifique, parce que vraiment évangélique : discrète, sans aucune volonté de "la ramener", joyeuse, attentive à la vie fraternelle (première ascèse, quand il s'agit de se supporter, dans la double acception du terme, "se soutenir", et "se tolérer"...), fidèle à la vie liturgique, généreuse pour tous ceux qui venaient frapper à sa porte, curieuse de formation et de vie intellectuelle (combien de philosophes, de théologiens, d'exégètes, de journalistes - parmi lesquels, souvent, mon ami Michel Cool) n'ont-elles pas invités! Femmes remarquables, dont Marcelle a si souvent été l'âme et le réconfort, la guide et le bon-sens.

Vies cachées de l'Evangile, enfouies dans nos terroirs, quel trésor que votre présence! La communauté, aujourd'hui âgée, se retire dans un lieu de repos mieux adapté à son âge moyen, la monastère va être vendu. Puisse  ce lieu rester une mémoire vive de la foi qui longtemps encore suintera de ses murs. 

Quant à Soeur Marcelle, qu'elle veille avec son bon sourire sur celles et ceux qui ont eu la chance de croiser sa vie toute donnée...

lundi 30 janvier 2023

La victoire, ou la paix?

 Revenons un instant sur le douloureux conflit ukrainien. Et posons-nous la question : voulons-nous la victoire (la nôtre, évidemment) ou la paix? Si c'est la victoire d'un camp sur l'autre, que nous voulons, alors il faut continuer cette course armée, destructrice et dangereuse pour tout le monde, avec des risques d'extension du conflit voire de sa mondialisation. On comprend les arguments qui veulent aller en ce sens : la Russie s'est rendue gravement coupable d'une invasion contraire au droit international. C'est vrai, et elle devra d'une façon ou d'une autre rendre compte de cette offensive, et en payer les dégâts. Mais... tant que l'une et l'autre des parties en conflit se disent que "nous allons gagner", alors la paix sera impossible et la guerre risque de durer, avec ses conséquences épouvantables. Ce qui était parti pour être une opération militaire rapide va devenir une catastrophe mondiale, un peu, sans doute, comme en 1914.

Alternative : vouloir la paix, c'est-à-dire demander un cessez-le-feu aussi rapide que possible, et mettre autour d'une table les parties en conflit. Les faire discuter sur les causes proches et lointaines de cette agression, sur les humiliations supposées et subies, sur les craintes réelles ou fantasmées. Négocier ensuite une paix réparatrice et durable. C'est la voie du bon sens, que les chrétiens devraient encourager, eux qui, catholiques ou orthodoxes, se trouvent des deux côtés de cette guerre insane.

Voulons-nous la victoire, ou la paix?


De cela, les Conférences du Carême 2023 à la Cathédrale de Bruxelles feront leur sujet : le dimanche 12 mars à 16h00, Hélène Carrère d'Encausse; le dimanche 19 à 16h00, Mark Eyskens; le dimanche 26 à 16h00, Mgr Coppola, Nonce Apostolique. Bienvenue...

dimanche 22 janvier 2023

Capharnaüm

 Les versets de l'évangile de Matthieu lus ce dimanche nous relatent le tout début de la prédication de Jésus. Et nous précisent, d'emblée, que pour commencer son ministère public, Jésus s'est rendu en Galilée, "carrefour des nations" et plus précisément encore dans la ville principale de la Galilée, Capharnaüm... A la ville sainte de Jérusalem, à son Temple et à son clergé, il a donc préféré cette ville cosmopolite, à la frontière du pays sacré, à ses marges - notre pape François dirait : à sa périphérie.

Capharnaüm! Le nom est resté pour signifier, en français, un lieu ou une situation... mettons, pour faire sobre, "encombrés", en bruxellois on dirait "un fameux bazar"! C'est dans ce carrefour de convictions diverses, de cultures et de pensées disparates, que Jésus a voulu commencer à annoncer la Bonne Nouvelle. Quelle leçon pour nous, qui serions si souvent tentés de maintenir ou de promouvoir une "chrétienté" s'imposant  à tous, avec une manière, et une seule, de penser, de voir et de sentir l'existence. Non, d'emblée la parole évangélique se risque dans un dialogue incessant, infini, non seulement sans craindre ce dialogue, mais en le souhaitant. Il fait partie de l'annonce de la foi, il lui est consubstantiel. 

L'Evangile est une parole risquée, sans cesse mise et remise en jeu, jamais installée. Quel bonheur!

dimanche 15 janvier 2023

Eloge du temps ordinaire

 La liturgie chrétienne, catholique en particulier, possède son rythme et ses respirations. Le début de l'année liturgique est marqué par le temps de l'Avent qui prépare celui de la Nativité - nous en sortons. Puis, et le voici revenu, c'est le temps dit "ordinaire", entendez un temps qui ne comporte pas de grandes solennités. Les évêques, prêtres et diacres s'y vêtent de vert, couleur de l'espérance. J'aime ce temps, ce quotidien ordinaire où l'on répète tous les jours les mêmes gestes, où l'on se repose dans le recommencement, certains diront dans la routine. La répétition du même, la scansion des offices, tout cela exalte en quelque sorte le quotidien, mais comme à bas bruit. 

Il faut du bas bruit.

Nous crevons d'entendre crier, partout, nos écrans sont remplis de débats houleux dans lesquels on ne s'écoute pas, où chacun ne pense qu'à s'entendre parler... Bienheureux temps ordinaire, qui nous fait vaquer à des tâches répétées mais nécessaires, et irrigue ainsi, peu à peu, notre banalité. Il y a quelques années déjà, Colette Nys avait écrit un joli petit livre, là-dessus, intitulé Célébration du quotidien. Oui, célébrons le quotidien, avec non seulement sur le dos mais dans le coeur, le vert de l'espérance!