mercredi 21 septembre 2022

Miserando atque eligendo

 Miserando atque eligendo, telle est la devise épiscopale du pape François. Elle est tirée d'une homélie de saint Bède le vénérable, moine anglo-saxon des VIIe et VIIIe siècles, homélie qui commente l'évangile de Matthieu et, en particulier, l'épisode de l'appel du publicain Matthieu (Mt 9, 9-13), épisode proclamé aujourd'hui dans la liturgie de la fête de l'évangéliste. Le texte de Bède commente ainsi l'épisode : Vidit publicanum et, quia miserando atque eligendo vidit, ait illi : Sequere me (Hom. 21, CCL, 122, 149). On peut traduire comme ceci : "Il (Jésus) vit le publicain et, parce qu'il le vit en faisant miséricorde et même en le choisissant, il lui dit :Suis-moi."

Le Caravage a merveilleusement peint cette scène dans un tableau célèbre qui se trouve en l'église Saint-Louis-des-Français, à Rome : par le jeu subtil du clair-obscur, il montre comment Jésus atteint le coeur de Matthieu, jusque là tout affairé à son trafic de publicain (collecteur d'impôts au service de l'occupant, et donc grave pécheur public!) Matthieu pose, tout surpris, son index sur sa poitrine, éberlué de ce qu'un pécheur comme lui puisse être appelé à devenir disciple et même apôtre. Pourtant, c'est en même temps la dynamique de l'appel et le contenu de la prédication qui sont ainsi désignés et soulignés par Bède : c'est en lui manifestant sa miséricorde que Jésus le choisit et l'invite à témoigner de ce que nous sommes tous choisis par miséricorde, qui suppose la reconnaissance de notre péché, certes, mais surtout son dépassement. Matthieu comme disciple et apôtre n'aura rien d'autre à annoncer que ce qu'il vient d'expérimenter dans l'appel qu'il a reçu : tous les êtres humains sont appelés à partir non pas de leurs qualités ou de leurs vertus, mais à partir de leurs manques, de leur petitesse, du gouffre de leur péché.




dimanche 11 septembre 2022

Hector et la triple parabole de Luc

 Aujourd'hui nous lisions en saint Luc l'intégralité du chapitre quinze, un chapitre qui n'a pas de parallèle dans les autres évangiles et qui a certainement contribué à l'appellation d' "évangéliste de la miséricorde" que l'on octroie volontiers à Luc. Triple parabole : de la brebis perdue et retrouvée; de la pièce de monnaie perdue et retrouvée; du fils perdu et retrouvé.

J'ai relu dans la Correspondance croisée que nous avons publiée il y a longtemps, ce commentaire que le regretté Hector Bianciotti fait à ces versets, dans une lettre qu'il m'adresse datée du 6 septembre 1992 - il y a déjà trente ans! Voici :

"J'ai relu Luc - dont je me méfiais parce que trop 'artiste'..., la triple parabole. Si celle de la drachme ne me paraît pas claire - mise là pour satisfaire au rythme du récit -, celle du fils prodigue est merveilleuse : c'est bien là la charité paradoxale du Christ! Celle de la brebis... Au moins une fois par jour, je crois, tout homme se sent une brebis perdue; et j'aime à croire que, ne serait-ce qu'une fois dans sa vie, chacun est, aussi, celui qui en retrouve une et qui, réjoui, la prend sur ses épaules." (H. BIANCIOTTI de l'Académie française - B. LOBET, Lettres à un ami prêtre 1989-1994, Paris, Gallimard, 2006, pp. 100-101.)

dimanche 4 septembre 2022

Maud et Anatole

 Ce week-end, cap sur la Picardie où j'étais convié à bénir le mariage de Maud et Anatole. Maud! Momo! Quel bonheur, toi que j'ai connue gamine, de te voir épanouie dans la voie conjugale. Il aura fallu traverser des épreuves - dont la mort, devenue si féconde, de ton grand frère Simon. Mais avec quel sérieux les surfeurs que vous êtes ont préparé cet événement! On aurait pu croire que, surfeurs justement, vous vous contentiez de glisser sur les préparatifs spirituels du mariage. Mais non : vous avez plongé dans les profondeurs!

Je ne laisserai jamais dire que la jeunesse est indifférente. Elle peut l'être, bien sûr, mais elle est aussi tellement avide d'engagement. Ce matin, après une courte (!) nuit, dans la prairie, messe du dimanche, et réponse à l'invitation de Jésus de "prendre sa croix pour le suivre." Oh nous n'avons pas déchanté : la fête d'hier ne nous enthousiasmait pas au point de nous faire oublier la route quotidienne, qu'il faut emprunter en effet en embrassant sa croix - ce n'est jamais une croix glorieuse, c'est la fatigue un peu honteuse des jours, c'est la contradiction de la vie. Qu'il ne faut jamais nier, mais, précisément, embrasser.

Alors, on repart!