jeudi 26 septembre 2013

Tournants en douceur, mais décisifs, du pape François

Mine de rien, le pape change tout dans l'Eglise, et dans le bon sens.
Mine de rien, bien sûr, car l'Eglise institutionnelle est une grande dame âgée qui ne supporterait pas les remises en question trop brutales, mais qui, au cours des siècles, a toujours consenti aux changements "en douceur", de ces changements en apparence ténus, mais essentiels.
Des exemples?
- dire aux évêques que l'épiscopat ne doit pas se nourrir  d'ambition, qu'ils seraient adultères s'ils voulaient comme dans une carrière diplomatique "gravir des échelons" en lorgnant vers un autre évêché que le leur, un plus grand ou un plus confortable, par exemple,  qu'ils arrêtent de circuler partout dans le monde (finis, les "évêques d'aéroports", dit-il joliment), qu'ils doivent se consacrer avant tout à leur peuple et à leurs prêtres : tout le monde le sait, bien sûr. Mais c'est dit d'une façon qui, sans changer radicalement et du jour au lendemain le cours des choses, reconduira certains pasteurs à leur premier devoir.
- dire que les femmes doivent occuper des postes significatifs dans l'Eglise, en conformité avec la place éminente qui est la leur : sans bouger en rien à la doctrine actuelle des ministères, c'est ouvrir la porte à des changements qui, j'en suis sûr, vont surprendre. Pourquoi pas, en effet, des femmes responsables de dicastères ou de congrégations (il ne faut pas être prêtre ou évêque pour cela)?
- faire rappeler par le nouveau Secrétaire d'Etat que le célibat des prêtres est une question de discipline, non de doctrine : c'est faire rappeler une chose que tout le monde sait, mais qu'un accord tacite des autorités épiscopales vaticanes ou diocésaines se complaisait à taire.
- dire que les personnes homosexuelles ne doivent absolument pas être jugées, c'est là aussi rappeler un avis du pape Paul VI déjà (dans Persona humana), mais un avis très peu suivi d'effets concrets - au contraire. Le pape actuel entend bien aller jusqu'au bout des conséquences de cet avis : cesser tout soutien à ce qui, d'une façon ou d'une autre, contribue à faire que les personnes homosexuelles se sentent jugées dans la société. Cela  n'a l'air de rien. C'est énorme!

     Et ainsi de suite.
     Je suis de ceux (nombreux) qui attendaient depuis longtemps ces - mettons - infléchissements : ils  s'avéreront sous peu être de vrais et durables changements.
     En même temps, je prie (comme tous les Catholiques j'espère) pour ce pape, car il va souffrir, comme tous ceux qui essaient de faire bouger les choses. Les rivalités, les jalousies, et finalement toutes les manœuvres du Diable ne sont pas loin pour le faire chanceler, ça, je n'en doute pas. Mais c'est un jésuite... et vis-à-vis des jésuites, même les ruses du Démon doivent, elles aussi,  être redoublées...

Les enfants des écoles d'Enghien et de Silly nous montrent le chemin

Belle journée d'animation pastorale pour quelque trois cents enfants des écoles paroissiales de Silly, Enghien et Petit-Enghien (les classes de 4e et 5e) : le matin, au Parc, ateliers de découvertes et de partage autour de l'Evangile, de la nature et du silence. Puis, à 14h00, réunion magnifique à l'église, pour parler de la parabole retenue (Mt 20, 1-16 : les ouvriers "de la dernière heure". Ah! Difficile à comprendre, cette magnifique injustice de l'amour du Père, qui "veut donner aux derniers venus autant qu'aux premiers", parce qu'il est "libre de faire ce qu'il veut de son bien" et que "lui, il est bon"...) Et puis des questions préparées par les enfants, depuis "Qu'est-ce qu'un doyen?" (Réponse : "Un super-curé avec des super-pouvoirs, genre Goldorak"), jusqu'à : "Est-ce que Jésus est vraiment ressuscité?" Et beaucoup d'autres, auxquelles je n'ai pas pu répondre en direct, mais promis, je le ferai par e-mail.  Et des chants, appris et répétés dans les ateliers, connus et interprétés avec un enthousiasme à faire vaciller les murs de la vieille église!
Merci à toute l'équipe qui a préparé, coordonné tout cela. Quelle merveille!
Ah! Y a de la vie, à Enghien!

mercredi 25 septembre 2013

Difficile vie communautaire

Retour d'une visite dans une Abbaye très aimée - des moniales, dont certaines que j'accompagne.
L'Abbesse me fait comprendre que la vie communautaire est un combat sans cesse recommencé : tous les jours neuve, en effet, le souhait d'écouter le plus loin possible le désir de chaque sœur, d'en voir même ou d'en surprendre les motivations, et tous les jours neuf, surtout, le talent d'accorder tout cela avec le désir des autres sœurs...
Il en va de même dans toute vie communautaire : prenez une paroisse, ou un ensemble de paroisses - bon, vous connaissez là-dessus mes joies, certes, mais aussi mes désappointements, quand chacun veut imposer son point de vue, son orientation, son idée.
C'est normal : une communauté se construit dans la fatigue, dans l'écoute, le plus loin qu'il est possible, des différences d'origine, d'appréciation, de sens de l'Eglise, et ainsi de suite, et dans la volonté maintenue coûte que coûte de faire vivre ces personnes ensemble, les jeunes et les vieux, les blasés et les enthousiastes, les ritualistes et les sociaux, les gens de gauche et ceux de droite - et ceux du centre, aussi.
Avons-nous tort, cette Abbesse, et moi, et tant d'autres, d'user là-dessus nos énergies, alors que tant de démons nous crient (mais ce sont des démons...) que c'est une entreprise utopique et dérisoire, d'avance vouée à l'échec?
Non seulement nous n'avons pas tort, mais nous assumons notre tâche. Nous pourrions laisser chacun faire ce qu'il veut dans son coin - ce serait de la lâcheté par rapport à notre mission. Nous pourrions, pour avoir la paix, imposer une ligne - la nôtre propre - et laisser ceux qui n'y sont pas sensibles s'en aller à pas feutrés ou revendicatifs. Autre lâcheté. Nous pourrions aussi ne rien faire, et laisser s'installer le "bazar" (troisième lâcheté).
Puisqu'on nous a mis là, assumons. Nous devons donner au monde le signe de l'Eglise, qui est le Christ, le Christ en sa miséricorde, en sa compassion, en sa complexité, en sa beauté, en sa grandeur et en sa petitesse, signe modeste et éloquent. Et cela passe par la reprise quotidienne, à travers tant et tant d'activités, de la vie communautaire dans nos paroisses, nos Abbayes ou autres.
La fragilité même, la fragilité interne et externe, de ces communautés d'Eglise, est un signe de leur authenticité.
Le Christ est fragile.

lundi 23 septembre 2013

Quoi? L'éternité...

Avec mes collègues de la Faculté de Théologie de l'UCL, nous mettons la dernière main à la préparation et à la présentation d'un Colloque (le XIIème des "Colloques Gesché", en mémoire du Professeur du même nom), qui se tiendra à Louvain-La-Neuve les 28 et 29 octobre prochains. Le thème : Intempestive éternité.
Je sais que tout le monde là-dessus a son point de vue : notre temps suffit, diront d'aucuns, point besoin d'au-delà. Mais, sans cet au-delà, ou cet autrement, du temps, quel accomplissement de l'humain?, rétorqueront les autres. Et l'éternité se confond-elle avec l'au-delà? Et n'est-elle pas le piège d'une aliénation? Etc., etc.
Ne vaut-il pas la peine de s'interroger une fois, une bonne fois, en pèlerins que nous sommes encore sur cette terre (bon, après, hein, on verra bien et si j'ose ainsi dire, il sera trop tard!) sur l'éternité, sur sa possibilité et ses pièges dans la pensée, sur ce qu'elle propose comme horizon à l'anthropologie, au déploiement de l'être humain? Notre monde a-t-il bien fait de la congédier un peu vite, comme aliénante?
Philosophes, artistes, théologiens sont convoqués : ceux qui le connaissent ici à Enghien retrouveront mon beau-frère Michel Dupuis, le 28 octobre ("La tentation de l'éternité"), mais on y parlera aussi de l'éternité au cinéma (car au cinéma, l'instant peut être éternel, eh oui, avec Sébastien  Fevry) ou dans le bouddhisme (Philippe Cornu, théologien de l'UCL), ou encore, le 29, de l'éternité chez saint Augustin (venez les anciens du Collège d'Enghien, c'est avec Isabelle Bochet de l'Institut Catholique de Paris) ou de la belle lecture qu'en fait Christian Belin, de l'Université de Montpellier (que j'aurai, dans la dernière après-midi du Colloque, le bonheur de présenter : son livre exigeant, récemment paru, Le Corps pensant. Essai sur la méditation chrétienne, Seuil, 2012, me passionne, et j'ai envie de rencontrer cet enseignant que je n'ai jamais vu, mais qui a sans aucun doute beaucoup à nous apprendre. Je me réjouis de présider la dernière partie du Colloque, durant laquelle il interviendra avec Paul Scolas, que tout le monde connaît dans notre Diocèse).

Bon. Beau programme, non, pour se préparer à la Toussaint? Les paroissiens trouveront affiches et folders dans les églises pour s'inscrire, s'ils le veulent, à ces deux journées de méditations et de débats, pas si loin de chez nous, après tout... Belle occasion d'ouverture à la foi chrétienne, nous qui sommes tellement en demande de formation!

Et dirons-nous comme Rimbaud : "Elle est retrouvée. Quoi? L'éternité..."?

Lieu : auditoires Montesquieu 10 à LLN. Suivre le fléchage "Colloque Gesché". Paf : 25 euros. Informations au secrétariat de la Faculté de Théologie : secretaire-teco@uclouvain.be ou 010 473604.

samedi 21 septembre 2013

Quand les bonnes nouvelles (ou "la Bonne Nouvelle"?) viennent de Rome...

Dans Civiltà Cattolica, revue jésuite italienne, le pape publie ces jours-ci une interview appelée à faire du bruit, beaucoup de bruit. Il y dit que le souci premier de l'Eglise ne consiste pas à se focaliser sur les questions éthiques récurrentes (il cite : homosexualité, mariage des homos, avortement...), parce que cette focalisation même finirait pas détruire la morale qu'elle entend défendre. On oublierait que ces recommandations catholiques n'ont de sens qu'à partir de l'annonce joyeuse et miséricordieuse de l'Evangile, qui est tout autre chose.
Si l'on ajoute à cette interview le discours tenu ces jours-ci aux quelque cent-vingt  évêques récemment élus (dont notre cher Monseigneur Delville, évêque de Liège), on lira : que les évêques ne sauraient être des princes dans leurs modes de vie et leurs comportements, qu'ils doivent être d'abord soucieux de leurs prêtres (et, par exemple, si l'un de ceux-ci les appelle, le recevoir immédiatement, toutes affaires cessantes, comme on reçoit quelqu'un de la famille proche); qu'ils ne sauraient passer leur vie dans les aéroports, car ils sont en quelque sorte "mariés" à leur diocèse, et que leur devoir de résidence a des fondements théologiques; qu'ils ne sauraient, évidemment, être ambitieux, souhaiter un poste plus prestigieux, sans se comporter comme des adultères, puisqu'ils sont mariés à leur peuple diocésain.
Oufti! Comme on dit à Liège!
Voilà qui, à tous égards, me réjouit profondément.
Quand les bonnes nouvelles viennent de Rome...

mardi 17 septembre 2013

Sainte Hildegarde...

Aujourd'hui 17 septembre, nous célébrons dans l'Eglise la mémoire de sainte Hildegarde de Bingen, docteur de l'Eglise - et vous savez, amis lecteurs de ce blog, l'amitié qui me lie à cette moniale bénédictine du XIIème siècle dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'avait pas froid aux yeux. Rendons grâce pour ses multiples talents, de visionnaire, d'herboriste, de compositrice, de conférencière, de thaumaturge, d'abbesse, bref de... maitresse-femme!

dimanche 15 septembre 2013

Retraite...

J'ai toujours des scrupules à quitter le doyenné... Et pourtant, je viens de passer quelques jours bienfaisants de retraite au Mont-des-Cats (depuis mercredi midi jusqu'à cet après-midi), une retraite complétée  par deux conférences données dans cette même Abbaye à un groupe remarquable de "journalistes et écrivains" français et belges.
Retraite, temps de désert, mais franchement pas de désertion - certes, je sais que des choses importantes ont été vécues ici ce week-end : une rencontre des jeunes "plus treize", la rentrée de certains mouvements de jeunesse, la messe des couples jubilaires.  Mais chaque week-end, il y a quelque chose, et si l'on voulait toujours rester, on ne se  "recueillerait" plus.
Car il s'agit de cela : se recueillir,  c'est-à-dire, au sens étymologique, se rassembler. La vie nous disperse (en tous les cas, me disperse) en des tâches et obligations multiples, quelquefois contradictoires, avec des sphères de préoccupation très éloignées les unes des autres : rencontrer des personnes et leurs soucis, gérer des questions administratives, accueillir des demandes sacramentelles, veiller au patrimoine et aux bâtiments de l'Eglise, coordonner l'activité pastorale et celle des confrères, préparer et célébrer les liturgies, lire et écrire des homélies, des cours et des conférences, etc. J'aime chacune de ces activités en particulier, et même la somme de "travail" (si l'on peut parler ainsi) que représente leur ensemble, mais quelquefois, l'unité de tout cela a besoin d'être refaite par l'intérieur, depuis l'intériorité à laquelle on accepte de consacrer tout le temps disponible d'une journée. C'est-à-dire : ne rien faire d'autre, pendant quelques heures, qu'être là, assis ou agenouillé dans un oratoire, dans un face à face sans paroles, balbutiant, avec l'Autre, qui nous révèle à nous-mêmes ce que nous ignorons de nous-mêmes... Le corps participe à cet exercice, et enfin se détend. Et puis, les moines, ces frères indispensables! Quel bonheur de les revoir, de vivre avec eux!
La session avec les journalistes et écrivains était également porteuse de sens : rencontrer ces gens speedés par l'actualité qui acceptent et assument le silence d'une Abbaye pendant quarante-huit heures, et qui souhaitent s'interroger sur la pertinence de la foi chrétienne dans nos sociétés, c'est tout de même suggestif - il y en avait du Figaro, de La Croix, de France 2, de ces personnes  hyper-au-courant de tout, mais qui précisément à cause de cela pensent indispensable de s'arrêter un peu, de se poser dans le climat d'oraison d'une abbaye. C'est Michel Cool,  mon vieil ami journaliste et écrivain, qui a eu l'initiative de cette session, et je reconnais bien là sa lucidité : nous avons besoin de cela, comme de pain.
Bon, et demain, vive l'aventure quotidienne!

jeudi 5 septembre 2013

Indécence

L'indécence ne consiste pas à se foutre à poil, mais à exposer ses histoires les plus intimes dans la vulgarité des médias.
Quels que soient les motifs qui les y poussent, leurs auteurs, probablement malheureux (ou malheureuses) ne sont guère les témoins de la grandeur qu'ils veulent par ailleurs revendiquer, au nom de ce qu'ils (ou elles) nomment "la vérité".

mercredi 4 septembre 2013

Urgence de prier pour la paix

La situation internationale est une nouvelle fois très tendue. Les Etats-Unis et la France, sans l'aval de l'ONU, menacent la Syrie de représailles après l'utilisation (prouvée) d'armes chimiques, peut-être (cela, en revanche,  n'est pas formellement prouvé) par le Gouvernement syrien lui-même contre son propre peuple.
Cette situation pose une nouvelle fois des questions théoriques et pratiques : de quel droit des puissances qui n'ont pas reçu d'aval international décident-elles de "punir" un pays indépendant? Avec quelles idées en tête pour l'avenir et quelle idée présente de l'ordre du monde? Si elles  le font, qu'en sera-t-il de la proportionnalité de la prétendue punition, dont on sait par expérience qu'elle n'est jamais sans dommage collatéral pour les populations, souvent ainsi meurtries deux fois? Qu'en sera-t-il des conséquences, de l'éventuel réarmement par la Russie du Gouvernement syrien, et de l'embrasement probable d'un Proche-Orient déjà extrêmement fragile? J'imagine que les stratèges américains et français évaluent ces questions, bien entendu, mais nous pouvons tous espérer qu'ils renoncent à des comportements de "va-t-en-guerre"...
Le pape, depuis quelques jours, exprime sa vive inquiétude face à cette menace. Il invite à jeûner et à prier pour la paix samedi prochain 7 septembre... Il me semble qu'il faut entendre cet appel, et y répondre.