dimanche 23 septembre 2018

"Placer un enfant au milieu"

Ce matin, à Enghien, c'est dans une assemblée de couples jubilaires qu'ont  retenti ce geste évangélique et la parole qui l'accompagne : "Prenant alors un enfant, Jésus le plaça au milieu d'eux, l'embrassa et dit : Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille. Et celui qui m'accueille ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé." (Mc 9, 36-37)
Jésus, et à travers lui Dieu lui-même, veulent être accueillis comme on accueille un enfant : pour des couples célébrant un important anniversaire de mariage, cela veut dire beaucoup. On sait combien l'enfant attendu, désiré, lorsqu'il arrive, bouleverse tout, inquiète la tranquillité du ménage, l'oblige à s'ouvrir à l'autre.
Sortir de l'amour fusionnel, voilà ce à quoi convie la survenue de l'enfant dans un couple, et sans doute est-ce l'un des éléments qui rendent solide une union conjugale.
Mais plus largement, que Jésus, et à travers lui, "Celui qui l'envoie", c'est-à-dire Dieu, s'assimile ainsi à l'enfant… cela en dit long sur la place de Dieu. Celui que Jésus met ainsi au centre de nos conversations, de nos ambitions - les ambitions déclarées, répétées, malvenues de ses apôtres, aussi bien que les nôtres -, c'est donc un "enfant". Et même, si l'on en croit le grec, un "tout petit enfant", ce que le latin traduit bien par "infans", c'est-à-dire "celui qui ne sait pas parler", soit qu'il n'ait pas encore appris, soit qu'il n'en ait pas le droit. Celui, donc, qui n'a rien à dire. Celui qu'on aurait tendance, plus à l'époque de Jésus qu'à la nôtre où l'enfant est souvent "l'enfant-roi", à ne pas regarder, à ne pas considérer. Celui, dès lors, qui est fragile, voire gênant, dont la vie même ne tient qu'à un fil.
Qu'est-ce donc, "mettre un enfant au milieu de nous"? Dans nos raisonnements et dans nos pratiques, mettre au centre celui que d'habitude on néglige, celui qu'on tient pour rien, qui ne compte pas.
Dans les sordides affaires de pédophilie, précisément mettre l'enfant au milieu, avant la protection des institutions et des adultes.
Dans les affaires de migration, précisément mettre les migrants au milieu, avant la protection des nantis que nous sommes par rapport à eux.
Dans les affaires d'élections, précisément mettre au milieu les plus fragiles des électeurs et des citoyens, avant tout le reste.
Dans les affaires d'enseignement, précisément mettre au milieu les élèves les plus difficiles, pour que l'ensemble des classes soit stimulé en leur faveur.
Et chacun complètera la liste…
Mais si l'on essaie de procéder ainsi, on est certain, nous dit Jésus, de ne pas se tromper d'ambition : "Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier et le serviteur de tous." (Mc 9,35)

dimanche 16 septembre 2018

Pierre et Satan

"Passe derrière moi, Satan!" (Mc 8, 33) La réprimande vigoureuse de Jésus à l'encontre de Pierre, dans l'évangile proclamé aujourd'hui, marque un tournant dans la foi chrétienne. Pierre a très justement proclamé que Jésus est le Messie, le Christ, mais il se fait de lui une idée trop humaine : un Messie de gloriole et de prestige, en aucun cas compatible à ses yeux avec ce que Jésus lui-même annonce quand il parle ouvertement de la Croix inévitable, et de souffrances endurées de la part des dignitaires religieux de son temps. Pourtant, telle est la pensée de Dieu sur le salut des hommes : il doit passer par la contradiction assumée, par le fait que chacun prenne "sa" croix pour suivre Celui qui va être crucifié. Pas d'autre moyen d'être chrétien : prendre sa croix, c'est accepter le réel et renoncer "à soi-même", c'est-à-dire à ses fantasmes, à ses rêveries, à son cinéma intérieur. Accepter sa propre faiblesse et son indignité : la croix n'est pas d'emblée glorieuse. Refuser que l'Institution, si habile pourtant à dissimuler, ne cache les failles pour mieux imposer ses velléités de domination. Refuser ce que le pape appelle à juste titre le "cléricalisme" - c'est cela, le cléricalisme, cette volonté des gens d'Institution de maintenir coûte que coûte les apparences, même au prix des pires mensonges.
La crise qui affecte l'Eglise catholique aura, espérons-le, au moins ceci de bon : ramener chacun à la réalité. Refuser, par exemple, une morale sexuelle sublimée mais complètement fantasmée, idéologique et destructrice parce que poussant les personnes à la dissimulation, à la fraude, et finalement à la perversion - un comble, déjà compris par les théologiens scolastiques et leur formule Corruptio optimi pessima, "la pire perversion est celle du meilleur."
Nous avons besoin d'une conversion au réel, si nous ne voulons pas nous faire nous aussi traiter de "Satan"...

dimanche 2 septembre 2018

L'intérieur et l'extérieur...

L'évangile de ce dimanche m'a fait songer à la Grande Thérèse d'Avila. Cette Espagnole aimait à dire, comparant notre vie spirituelle à une architecture, à une maison, que nous vivons d'habitude "en terrasse", à l'extérieur de nous-mêmes : nous paradons, nous jouons notre personnage, nous voulons être pris pour ce que nous disons être, etc. Nous purifions l'extérieur de la coupe et du plat… Mais nous nous risquons peu dans les caves, dans l'intériorité : là, il fait sombre, sans doute ces lieux inexplorés sont-ils remplis de toiles d'araignées et sans doute avons-nous peur de nous y aventurer. Pourtant, c'est là que le Christ nous rejoint en son incarnation, dans les recoins obscurs de nous-mêmes, dans les non-dits oubliés, refoulés, de nos petites enfances, là où s'originent nos rancunes, ce que Jésus appelle nos "perversités".
C'est là qu'il faut descendre…
C'est là que nous sommes attendus pour y être purifiés et guéris par "le vrai Médecin des âmes et des corps."
Et pour devenir, peu à peu,   de vrais vivants… plus facilement vivables aussi pour ceux qui nous entourent!