jeudi 25 août 2022

La vie humaine est-elle sacrée?

 Etrangement, fortuitement, de plusieurs côtés me revient la question de la "moralité" de l'euthanasie demandée par des patients en fin de vie. Je ne voudrais pas trop vite juger de cette "moralité", à coup de principes par exemple.

Mais la question fait réfléchir à un état de notre société, que l'on pourrait qualifier de "post-chrétien", et qui la reconduit à du "pré-chrétien". A la question de l'euthanasie s'ajoute celle, connexe, de la possibilité revendiquée par certains aujourd'hui de solliciter un "suicide assisté", lorsque la vie humaine, devenue trop longue ou trop ennuyeuse, sans même qu'il y ait de maladie invalidante, n'a plus guère de sens. On pourrait aussi ajouter l'émergence d'un "droit à l'avortement" que nos sociétés jusque là ignoraient, mais qui semble s'imposer - alors que dans les législations, on parle "seulement" d'une dépénalisation de l'avortement, selon certaines conditions. L'acte serait tout entier un droit des femmes, comme serait un droit celui de "mourir dans la dignité", étant entendu que cette dignité consiste à jouir de toutes ses facultés physiques, psychiques et intellectuelles.

Retour, donc, à du "pré-chrétien" car, lorsqu'on retire la couverture culturelle chrétienne de nos civilisations, ce n'est pas de l'athéisme que l'on trouve, mais du paganisme, avec sa multiplicité de dieux, de cultes, de religions, et de courants philosophiques - parmi lesquels le stoïcisme, qui a donné de grands exemples de suicides personnels ou en couple, exactement pour les motifs invoqués aujourd'hui.

Fascination de la mort? Non, rendons au stoïcisme et à l'épicurisme cette justice : goût de la vie pleinement vécue en tous ses instants, et abandonnée quand on juge qu'elle ne vaut plus la peine, ou qu'elle ne vaut pas, ou qu'elle n'a jamais voulu, la peine. C'est subordonner l'acte de vivre à un jugement personnel et parfaitement subjectif, mais tout à fait honorable.

Le christianisme, évidemment, avait tranché là-dedans par d'autres points de vue, hérités d'autres raisons et d'une Révélation qui lui faisaient dire que la vie est sacrée, toujours, de ses plus petits balbutiements à ses derniers moments, que tout a du prix, même quand plus rien ne semble en avoir, que tout est précieux, même les instants méconnus et fourbus de l'agonie ou de l'ennui. C'était là - cela reste? - une vision bien noble de l'être humain, de sa grandeur en tous les instants de sa vie, même lorsque cette vie est handicapée par la souffrance ou la solitude, expériences qui peuvent aussi, dans la perspective de la foi chrétienne, trouver du sens et en donner.

Je ne veux pas ici juger. J'essaie de comprendre les mutations que nous vivons, sous nos yeux, et je me demande comment nous ferons pour rester chrétiens dans une société qui traverse pareils bouleversements. Il y faudra beaucoup d'écoute, d'empathie, de sympathie. Et beaucoup d'amour...

lundi 15 août 2022

Marie, ou la gloire des humbles

 Au coeur du mois d'août, la liturgie nous offre l'une de ses plus belles solennités : celle de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie. En elle, la mort s'est transfigurée en sommeil (nos frères d'Orient parlent de la "Dormition" de la Vierge), en elle la mort n'a été qu'un doux passage vers la gloire de Dieu. En elle, Dieu restaurait la destinée première promise à l'humanité, sa destinée d'avant la chute d'Adam  ( entendons cet "avant" non du point de vue chronologique, mais ontologique.) En elle, point de péché - elle ne sait pas ce que c'est que le péché!

Si Dieu a restauré ainsi en Marie la gloire promise à l'humanité, c'est qu'il a regardé l'humilité de sa servante. Ce qu'il a vu en Marie, c'est le coeur et les mains vides, disponibles à l'accueil de la grâce. En elle, pas de volonté de puissance, pas de confiance mise dans les richesses éphémères, mais seulement la faim de Dieu. Marie elle-même le chante dans son Cantique, lu aujourd'hui : "Il renverse les puissants de leurs trônes, il élèves les humbles, il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides..."

Pour partager la gloire de Dieu avec Marie, il faut donc demander l'humilité, la pauvreté du coeur, le consentement à la faiblesse. Il faut être désencombré de tout, et d'abord de soi. Travail d'une vie entière!