dimanche 28 juin 2015

Princière procession...

Une nouvelle fois, le Comité de la Procession d'Enghien a fait merveille : avec persévérance, avec enthousiasme, ses membres ont réussi l'organisation d'un événement qui fait vibrer la Cité tout entière. Du reste, une nouvelle "statue", fort sympathique, était de sortie : celle du "Titje" qui dit un peu l'esprit d'Enghien, sa joie de vivre, sa bonhommie, son grand cœur, aussi.
Le temps était de la partie et, comme toujours, les gens d'Enghien, sur le seuil de leur maison, accueillaient le Saint Sacrement avec une certaine gravité. C'est l'une des "récompenses" de mon ministère, ici, comme doyen, de voir comment les citoyens sont accueillants, même s'ils ne sont pas particulièrement croyants, à la visite chez eux du Christ lui-même dans l'Hostie exposée.
Cette année, aussi, la famille princière de Chimay était présente et a été impressionnée par la simplicité, l'authenticité et le caractère rassembleur, citoyen, de cette Procession. Je suis un vieil ami de la Princesse Elisabeth - 89 ans! - qui était là avec son fils, le Prince Philippe de Chimay et sa belle-fille la Princesse Françoise. J'ai dit dans mon petit mot de remerciement combien ces grandes familles de notre pays n'éveillent pas seulement en nous la reconnaissance de la mémoire, mais l'urgence de protéger des valeurs dont elles continuent d'être porteuses. D'avoir ce matin à nos côtés les Princes de Chimay était une vraie joie, et une chance. Qu'ils soient encore une fois profondément remerciés.
Et vive Enghien!

dimanche 21 juin 2015

La joie de Jehanne

Elle se tenait toute droite, ce matin à l'église, dans sa jolie robe blanche, aux côtés de ses parents et de ses proches. Jehanne - onze ans - avait demandé à pouvoir communier pour la première fois au Corps du Christ, et elle l'a fait simplement, entourée d'amitié et de prière. Elle a illuminé sans rien dire, par son sérieux, par  une certaine gravité qui trahissait sa joie profonde, notre célébration  festive (les arbalétriers - parmi lesquels le grand-père de Jehanne - tenaient pendant la messe leur serment), et chantante, marquée toutefois par l'annonce du décès, hier, de Nicolas, ce grand jeune de vingt-neuf ans mort du cancer contre lequel il a lutté jusqu'au bout en nous "bluffant" tous. Il y avait, comme souvent dans l'église d'Enghien, de la tristesse et de la joie mélangées, il y avait la vie d'une communauté qui trouve là son lieu de rassemblement, de recueillement, d'épanchement.
Jehanne, là-dedans, à la troisième rangée, était lumineuse, elle ensoleillait l'ensemble...
Je suis le témoin de tout cela, et j'ai ce soir un cœur rempli de gratitude pour ce qu'il m'est donné de vivre, d'entendre comme confidences, de partager comme douleur, de souligner comme joie, comme victoire - j'ai été ce soir, dans la prière, presque jeté à genoux dans la reconnaissance pour la vie, pour cet extraordinaire débordement de vie, de Vie, qui est palpable ici dans la communauté des chrétiens et, bien au-delà, des citoyens, d'Enghien et de Silly.
Derrière chaque porte (j'en connais beaucoup maintenant, après six ans), je sais la misère cachée, mais je sais aussi la joie secrète, et l'espérance inébranlable.
Et le mystère des petites filles un peu graves qui, de tout leur cœur, veulent faire de Jésus un plus intime compagnon en communiant à son Corps, avec le sérieux de leur âge et la délicate beauté de leur geste, et qui brillent comme des étoiles dans nos églises...

mardi 16 juin 2015

Un égoïsme qui confine à la bêtise...

Un nouveau groupe parlementaire vient d'être créé au sein de l'Union Européenne. Il rassemble des députés de sept pays représentant des partis de la "droite extrême" et semble présidé par Madame Le Pen. Qui, l'inaugurant, a déclaré, à propos des migrants bousculés aux portes de l'Europe : "Qu'ils le sachent : nous n'avons rien à leur offrir, ni soins de santé, ni éducation, rien."
Ce même soir, les journaux télévisés, donc, diffusent des images honteuses de ces pauvres gens refoulés et presque battus dès qu'ils essaient de progresser sur le sol européen.
Parmi eux, des enfants, des femmes, des jeunes - des jeunes de l'âge de ceux de chez nous qui sont en train de passer des examens scolaires, tiens, et qu'à juste titre nous entourons de tous nos soins. Des jeunes pareils, exactement, avec les mêmes rêves, les mêmes droits, les mêmes intelligences, les mêmes ambitions légitimes, avec au cœur la même envie de bonheur. Et s'ils ne restent pas chez eux, c'est que, chez eux - et souvent par la faute des puissances occidentales, par notre faute - il n'est plus possible de vivre, ni même de survivre : famine et  guerres (à coup d'armes fabriquées dans nos pays, par exemple) empêchent toute civilisation et tout exercice de la dignité humaine.
L'Europe regarde, les bras (à peu près) croisés sur sa poitrine de grosse dame bourrelée, débordante de gras, emperlouzée, ces encombrants voisins du sud qui viennent mettre un pied sur un bout de terre plus clément, et les repousse à l'eau d'un air arrogant et dédaigneux.
Et il faut continuer à enseigner les Droits de l'Homme à nos élèves et à nos étudiants? Et dire que nous en sommes les patries?
Il ne m'étonnerait pas qu'un jour, un sale jour, on nous fasse croire qu'il est normal de tirer sur eux, de tirer à vue, comme sur des bandits ou sur des animaux nuisibles. C'est la logique des propos de Madame Le Pen.
Elle a beau se brouiller avec son père sur certaines formules peu honorables, le contenu reste pareil, toujours : mépris de l'autre et douloureux rappels de pages historiques que l'on croyait tournées. Brr, même si c'est bientôt l'été, que cela fait froid dans le dos!
Les chrétiens, eux, seront toujours du bon côté - je veux dire du côté de la bonté : du côté de ceux qui coulent. Ils plongeront avec eux. Ils ouvrirons leurs cœurs et leurs portes. La seule logique est celle de l'accueil - et que l'organisation suive, certes, mais d'abord, oui, d'abord, si nous voulons pouvoir nous regarder encore dans les miroirs de nos vies, ouvrir généreusement les bras.

jeudi 11 juin 2015

Le "Sacré Coeur de Jésus"

Après la Trinité, après le Saint-Sacrement, ces fêtes qui sont comme des espèces de rebonds du temps pascal après le temps pascal et la Pentecôte, voici, pour conclure, la solennité du Sacré-Coeur de Jésus que l'Eglise célèbre demain vendredi. La désignation semble surannée, le mot fait vieillot. Que cache-t-il?
C'est "l'amour du cœur de notre Dieu".
Le cœur de Jésus, c'est le cœur de Dieu, c'est le lieu d'où sourd son amour.
Un amour pour tous les hommes, absolument tous.
Un amour qui pardonne à tous, une miséricorde absolue, définitive.
Un amour qui donne tout - qui donne la vie et aussi la Vie par-delà la mort.
Un amour qui réconcilie, qui ne se lasse jamais d'aller chercher, rechercher, la brebis perdue, non pour la "remettre dans le droit chemin", mais pour lui dire combien elle est attendue, désirée.
Un amour jamais lassé d'espérer en ceux qu'il aime.
L'amour du cœur de Dieu, c'est la source de toute la foi chrétienne - hors cet amour, la foi ne serait que doctrine ou morale ou discipline, quelque chose de sec, de mortifère.
C'est par cet amour et pour le montrer que Jésus est né dans le monde, qu'il y a grandi, y a vécu, y a prêché; c'est pour montrer cet amour qu'il y a guéri les malades et ressuscité les morts; qu'il a consenti à donner sa vie; qu'il a traversé la mort en vainqueur et pour vaincre encore; qu'il a promis l'Esprit du Père et nous l'a envoyé; qu'il a choisi les Douze et appelé l'Eglise.
C'est pour cet amour-là que nous sommes chrétiens, et pour rien d'autre.

vendredi 5 juin 2015

L'Eucharistie, un sacrifice?

Ce dimanche, nous célébrons le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, qu'on appelait autrefois la "Fête-Dieu", fête de l'Eucharistie.
... "le sacrifice pur et saint, le sacrifice parfait, pain de la vie éternelle et coupe du salut", comme le proclame le Canon Romain (la Première Prière Eucharistique), où l'on entend "le" un peu dans le sens de l'anglais "the", "l'unique sacrifice, le sacrifice par excellence".
Dans nos mentalités, le mot a du mal à passer, aujourd'hui...
Alors, revenons-y.
Le Premier Testament nous habitue à des rituels de sacrifices d'animaux, comme en rapporte la première lecture tirée de l'Exode, où le sang ainsi répandu est censé jouer un rôle de conciliation avec Dieu. Par rapport à des pratiques antérieures ou concomitantes dans d'autres religions, les animaux étaient une substitution  : pour les Juifs pieux, il n'était pas concevable de sacrifier des êtres humains. Mais la vie (le sang) ainsi offerte était épandue pour rapprocher l'offrant et son Dieu, source de toute vie. L'idée centrale du sacrifice ("faire du sacré") est en effet de diviniser la vie humaine, de lui conférer sa plus haute dignité. C'est-à-dire, d'abord, de la purifier : ainsi Moïse, dans le passage déjà évoqué, asperge-t-il le Peuple avec ce "sang de l'alliance", pour qu'il soit purifié de ses péchés, et se rapproche de Dieu.
A l'époque de Jésus, la même conviction sous-tend les sacrifices offerts au Temple par les prêtres : le sang des animaux est abondamment répandu pour rapprocher Dieu et le Peuple, et sanctifier ce dernier. L'idée que la mort de Jésus puisse être "sacrificielle" ne pourrait  absolument pas germer dans cette conception : son exécution est considérée, très certainement, par les prêtres et les religieux Juifs,  comme l'aboutissement d'un double procès et l'extirpation d'un faux prophète, d'un mauvais sujet.
C'est dans la foi à la résurrection que la mort de Jésus va être ré-interprétée, comme le fait la Lettre aux Hébreux (deuxième lecture de ce dimanche) : l'offrande que Jésus fait est définitive, le sang qu'il verse lui-même fait de lui le prêtre définitif et la victime définitive. Désormais, et pour toujours, Dieu et l'homme se sont rapprochés, la Vie a rejoint la vie et la féconde souterrainement, le Peuple est purifié, les péchés sont pardonnés. Le sacrifice est accompli, une fois pour toutes.
La parole du prophète Osée, surtout, est réalisée : "Je veux, avait dit Dieu par sa bouche, la fidélité et non le sacrifice, la connaissance de Dieu plus que les holocaustes." (Os 6, 6) En l'offrande de Jésus, cette mort vécue par lui comme un don volontaire et aimant, nous savons qui est Dieu : miséricorde et pardon, jusqu'au bout. Et quiconque s'approche de cette connaissance apprend la miséricorde et le pardon.
Dans la Pâque juive, le pain azyme (non levé) signifiait certes l'urgence des préparatifs pour l'exode, mais aussi la purification du cœur (le levain, le fermenté, ce n'est pas pur.) Les chrétiens d'Occident ont gardé la coutume de célébrer l'Eucharistie, perpétuation toujours et partout de l'unique sacrifice de Jésus, avec du pain azyme - nos "hosties" : manière de dire aujourd'hui encore ce qu'est ce sacrifice. Non pas un acte sanglant, mais une manière de faire entrer Dieu dans nos vies d'hommes, et donc l'appel à nous purifier de nous-mêmes pour lui laisser la place.
Ainsi lisons-nous mieux peut-être le texte de la Lettre aux Hébreux, proclamé lors de cette fête  : "Le Christ, poussé par l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant." (He 9)

mercredi 3 juin 2015

La sécularisation de la société

En cette période d'études (bravo aux étudiants, donc, qui "bloquent"...) j'aimerais partager avec les lecteurs de ce blog quelques impressions sur ce que l'on appelle parfois la "sécularisation" de la société, ou aussi sa "laïcisation".
- De quoi s'agit-il? D'une volonté de la société civile et du monde religieux (des religions) d'être autonomes les uns par rapport aux autres. La sécularisation remonte à loin : dès l'empereur Constantin (IVème siècle), les Eglises chrétiennes, toutes reconnues qu'elles fussent, demandèrent à ce que le pouvoir civil n'interférât point dans les dispositions de leur discipline, de leur liturgie ou de leur doctrine : se souvient-on qu'en 325, c'est l'Empereur (Constantin, donc) qui avait convoqué le Concile de Nicée pour trancher la question de la divinité de Jésus, aux fins de stabiliser  un Empire qu'il voulait uni d'abord religieusement (le religieux, en l'occurrence, servant le politique)?  Durant tout le Moyen-Âge occidental, la question des rapports entre le religieux et le civil fut posée, juridiquement, canoniquement, politiquement (voir la fameuse "querelle des investitures"). Au XVIIème siècle, c'est l'Eglise de Rome qui demandait au pouvoir politique (français, par exemple celui de Louis XIV) de ne pas interférer dans la nominations des évêques... ceci, pour rappel. La Révolution Française coupa brusquement tout lien entre Eglise(s) et Etat, avec confiscation et nationalisation des biens du clergé - mais volonté de garder une mainmise sur la nomination des évêques, ce que Rome contesta. Napoléon s'en tira par la signature du Concordat signé avec Pie VII, et qui dessine encore la trame des rapports, chez nous, entre religion(s) et Etat de droit. La France de 1905 voulut rompre ce  Concordat et proclamer une République "laïque", "qui ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte", espérant par là se débarrasser du problème religieux - mais on voit bien que ce n'est pas le cas aujourd'hui et que cela ne risque pas de le devenir demain.
- En soi, cette volonté d'autonomie réciproque est bonne. Elle suppose que le pouvoir civil ne va pas chercher ses ordres dans la sphère du religieux. Cela signifie-t-il pour autant que le religieux doive disparaître de la sphère publique et devenir du "privé"? Je l'ai déjà maintes fois répété ici : quelle que soit la velléité qu'on en ait, ce n'est pas sociologiquement possible : le religieux, c'est du "public" autant que du "privé" et l'Etat et les religions devront toujours s'accorder. Les Etats qui ont tenté de faire disparaître complètement le religieux de la sphère publique (pensons à l'URSS stalinienne) ont aujourd'hui des héritiers qui renouent fastueusement avec lui (Monsieur Poutine ne s'en prive pas) et tous les sociologues estiment que la relégation du religieux dans le privé occasionne des résurgences violentes  (comme des tsunami) dans les décennies qui suivent. Certains pensent  ainsi que la privatisation voulue et forcée du luthéranisme allemand à la fin du XIXème siècle est l'un des facteurs qui conduisirent à l'idéologie nazie : la doctrine de la prédestination des élus et de la damnation des réprouvés, quittant sa sphère religieuse et inconsciemment transposée dans la sphère publique, donnant le champ à l'idéologie de l'élection d'une race supérieure et à l'élimination d'une race inférieure prédestinée à l'enfer des camps. On pourrait multiplier les exemples : toute laïcisation "forcée" provoque des réactions sociales terrifiantes. "Derrière toute politique, disait déjà Proudhon - le grand socialiste peu enclin à des révérences cléricales  - il y a une théologie."
- Devant cet état de fait, qui est scientifique (pour autant que la sociologie, et, en particulier, la sociologie des religions, soit une science) ne devrait-on pas, à chaque époque, évaluer les rapports Eglises(s) ou religion(s) - Etat en se gardant volontairement de toute velléité prosélyte (de la part des religions) comme de toute velléité idéologique (de la part des Etats)? Un débat philosophique ample, ouvert, respectueux, alliant l'évocation des aspects historiques et des enjeux actuels, ne devrait-il pas se substituer aux coups de force et aux coups de gueule déplorables si souvent constatés aujourd'hui çà et là dans notre propre démocratie? Qu'il s'agisse du financement des cultes, des fabriques d'église, des cours de religion, de la visibilité des signes religieux, et ainsi de suite, tout le monde ne gagnerait-il pas à l'instauration d'un débat permanent et serein, dans une espèce de "Grand Conseil National des Religions et de la Laïcité", un peu comme il y a un "Comité National Consultatif de Bioéthique"?
- J'aimerais entendre là-dessus les politiques. Il est temps...