dimanche 31 octobre 2021

Deux commandements, trois amours

 Dans la réponse que, d'après l'évangile de Marc proclamé ce dimanche, Jésus fait au scribe qui lui demande quel est dans la Torah "le plus grand commandement", Jésus conjoint deux préceptes : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ta force, de tout ton esprit" et "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." 

Il y a donc deux commandements qui surplombent toute la Torah - et, notons-le, ce sont des commandements qui ne nous demandent pas de croire, mais "d'aimer". Et il y a trois amours : il faut aimer Dieu, il faut aimer son prochain, et... il faut s'aimer soi-même! Ces trois amours, en quelque sorte, font système. Ils s'équilibrent l'un l'autre : impossible d'aimer Dieu sans aimer son prochain - on serait menteur. Mais impossible aussi d'aimer Dieu sans s'aimer soi-même : car Dieu nous aime, chacune et chacun de nous, d'une façon particulière, personnelle et définitive, et comment aurions-nous du mépris pour ce que Dieu aime? Mais retournons encore les trois amours : impossible d'aimer le prochain sans aimer Dieu, au moins dans une perspective spirituelle, et sans s'aimer soi-même (les personnes qui prétendent "s'oublier" pour se mettre au service de leurs frères et soeurs... la bonne vieille nature humaine se rappelle vite à elles, par exemple en fabriquant une petite et sournoise maladie qui les oblige à prendre soin d'elles-mêmes!) Impossible, évidemment aussi, de s'aimer soi-même sans aimer les autres et sans aimer Dieu - on serait alors dans du narcissisme primaire, ou dans du pur et simple égoïsme.

Bref, il y a deux commandements et il y a trois amours. Et de l'équilibre de ces trois amours dépend l'équilibre de notre vie spirituelle!

jeudi 28 octobre 2021

Visite allemande à la Cathédrale

 Ce matin du 28 octobre, j'ai reçu, à sa demande, le Président du Bundesrat de la République allemande, le Docteur Reiner Haseloff - en visite officielle en Belgique. Il voulait commencer sa journée par les grands lieux de culte de la Ville, et, après la Synagogue, c'est à la Cathédrale qu'il a fait l'honneur de sa présence. Je l'ai accueilli au pied de la statue du Cardinal Mercier, obligé de lui dire, à sa descente de voiture, que cet archevêque avait été pendant la Première Guerre mondiale... un redoutable opposant au Reich de l'époque et à la guerre. Ce qui me valut la réponse "Es war richtig!" ("C'était juste!")

Pendant près d'une heure, nous avons ensemble, avec le très charmant Ambassadeur d'Allemagne près le Royaume de Belgique, visité cette église dont j'ai maintenant la charge - "Vraiment, l'une des plus belles d'Europe", m'a dit et je crois sans mentir Mr Haseloff. Il a été très heureux de voir, sur la Chaire de Vérité, la statue en bois de la "Femme de l'Apocalypse" couronnée d'étoiles - les douze étoiles du Drapeau européen, a-t-il insisté, avant d'ajouter : "Il faut faire voir cette Chaire à tous les dirigeants européens qui passent par Bruxelles, pour qu'ils n'oublient pas d'où vient l'idée même d'Union Européenne!"

Bref un beau moment, avec un échange de cadeaux : le superbe album édité par "Racines" sur la Cathédrale, pour lui et, pour moi, un stylo aux armes du Bundesrat. 

C'est qu'il y en a encore, des choses à écrire...

dimanche 17 octobre 2021

Mont-des-Cats et Chemin synodal... Heureux week-end

 Week-end chargé!

D'abord, de vendredi soir à dimanche midi, récollection à l'Abbaye du Mont-des-Cats, dans le Nord de la France, avec un groupe de paroissiens d'Enghien et Silly - récollection promise depuis longtemps, et sans cesse reportée pour cause de Covid, enfin honorée. Le thème : "L'itinéraire spirituel de Marie Noël", ce qui m'a permis, à moi aussi, de me replonger dans les textes de cette grande Dame qui compte tant pour moi. Au fond, on ne peut transmettre que ses propres enthousiasmes!

Dès dimanche midi, retour ici au Doyenné pour accueillir notre Cardinal De Kesel, qui après un an et demi revenait dans "sa " Cathédrale présider les Vêpres inaugurant dans le diocèse le Chemin Synodal souhaité par le pape pour l'Eglise universelle. Belle célébration, grande et juste homélie de notre archevêque, simplicité et fraternité : heureux moments, ponctués dans mon bureau par une entrevue amicale avec le Cardinal. Quel homme, quelle générosité, quelle lucidité! Quelle chance nous avons de l'avoir comme archevêque, ici, à Bruxelles!


Bref, fatigue sans doute, mais heureux de ces heures de rencontre!

dimanche 10 octobre 2021

L'homme riche qui s'en va tout triste...

 De quoi est-il riche, cet homme qui aimerait entrer dans le Royaume de Dieu? Le texte nous l'indique d'emblée : il est riche de ses observances, "tout cela, dit-il, en répondant à Jésus qui lui énumérait les grands commandements de la Torah, tout cela, je l'ai observé depuis ma jeunesse!" Et il demande une espèce d'assurance-vie éternelle : quelle pratique peut-il ajouter encore pour être sûr d'entrer dans le Royaume?

C'est la question d'un propriétaire, ou du moins de quelqu'un qui voudrait devenir propriétaire du Royaume, qui voudrait l'acheter à coup de mérites accumulés. Jésus lui répond de deux manières : d'abord, en le regardant (Marc est le seul des deux évangélistes qui rapportent l'épisode à noter ce fait) d'un regard d'amour, d'infinie bienveillance - un regard qui, si l'homme l'avait capté, eût suffi à le désentraver, à l'ouvrir au Règne que Jésus apporte et incarne. Mais ce regard, il semble bien qu'il ne l'ait pas perçu... L'autre réponse, verbale celle-là, est claire : "Arrête, semble lui dire Jésus, arrête d'accumuler des observances comme autant de richesses ou de titres de propriété, ce n'est pas ainsi qu'on entre dans un Royaume qu'on ne mérite jamais, qui est pur don, pure grâce, pure gratuité..."

Impossible conversion pour cet homme, qui ne peut que retourner à sa tristesse... Tous ses efforts n'auront servi à rien, et pourtant il s'arc-boute encore sur eux.

"Qui peut être sauvé?" Légitime question des Apôtres : si un pareil observant de la Torah n'entre pas dans le Salut, alors qui? L'épisode qui précède immédiatement - l'accueil par Jésus des enfants - est une première réponse : les enfants seuls seront sauvés, et ceux qui leur redeviennent semblables, qui ne s'étonnent pas de tout recevoir. Car pour les hommes - autre réponse - la conquête du salut est rigoureusement impossible. Le Royaume est un don de Dieu - à Dieu, à lui seul, tout est possible, car "lui seul est bon."

Laissons tomber nos rêves de conquêtes. On ne paie pas l'amour offert, on ne le mérite jamais!


(Méditation sur Mc 10, 19-31, évangile proclamé dans l'Eglise Catholique en ce 28ème dimanche du temps ordinaire.)

dimanche 3 octobre 2021

Bernanos, "la colère et la grâce"

 Retour de l'hôpital où j'ai subi une petite intervention chirurgicale, je prends ici au Doyenné quelques jours de convalescence et de repos, ce qui me donne de dévorer la biographie que l'excellent François Angelier vient de consacrer à Georges Bernanos (Georges Bernanos : La colère et la grâce, Paris, Seuil). Un texte remarquable, et remarquablement écrit, reprenant les grandes étapes de la vie et de l'oeuvre de Bernanos, avec une grande documentation et le souci du contexte.

Bernanos! Quel exemple! Si je cherche un homme libre au XXème siècle, c'est à lui que je pense, inévitablement. Catholique jusqu'au tréfonds de son coeur, il ne fut jamais un homme partisan ou d'institution, n'hésitant pas à critiquer, par exemple, les évêques espagnols qui en 1936 avaient un peu vite béni les massacres franquistes - c'est le départ de l'un de ses plus formidables essais, Les Grands Cimetières sous la Lune, paru en 1938. Mais il est aussi l'auteur du Journal d'un Curé de Campagne, le chef-d'oeuvre absolu de 1936, où il manifeste qu'il a vu, de l'intérieur, ce qu'est la foi chrétienne : une histoire de pauvreté et de grâce.

Bernanos est mort jeune, à soixante ans - mais laissant  derrière lui une Oeuvre qui comptera longtemps, et dont Angelier dit l'actualité,  sinon l'urgence.