samedi 9 avril 2022

La passion de Dieu

 Ce dimanche, Dimanche "des rameaux et de la Passion", et vendredi prochain, Vendredi Saint, nous lirons le récit de la Passion de Jésus, en saint Luc et en saint Jean. 

Passion... Terme qui, en français, revêt plusieurs significations : un intérêt exclusif et presqu'obsessionnel pour un art, un métier, un hobby, un sport - on dira ainsi de quelqu'un qu'il ou elle a "la passion du cinéma", "la passion des vieux livres", etc. Mais c'est aussi un mot du vocabulaire amoureux : les amoureux vivent leur passion jusqu'à une certaine folie, jusqu'à ne plus voir le monde et la vie que par et pour l'être aimé "passionnément".

Enfin, il y a la connotation religieuse liée au terme de "Passion" appliqué au Christ : la Passion du Christ, c'est sa souffrance, le procès bâclé et le jugement inique, les moqueries et les tortures, la sentence et son exécution sordide un jour d'avril, à Jérusalem, il y a environ deux mille ans - ce qui  resterait un fait hélas banal de l'histoire humaine, si d'aucuns n'avaient cru et témoigné que cette Passion fut suivie par la Résurrection du même Jésus, devenu pour eux Christ et Seigneur.

Ces significations se cumulent dans ce que les chrétiens sont appelés, cette semaine, à contempler : à travers l'histoire dramatique de Jésus, ils pensent que c'est Dieu qui est présent. C'est Dieu qui subit un procès inique et bâclé, injuste et injustifié. C'est Dieu qui est mis en croix. C'est Dieu, le Dieu immortel qui - ô paradoxe - est atteint par la mort humaine. Et volontairement : il aurait pu rencontrer autrement l'humanité, d'une façon plus magique ou plus éclatante, mais il a voulu être atteint par les barbaries humaines, par la condition humaine en ce qu'elle a de plus misérable. C'est parce qu'il aime l'humanité, qu'il est en "passionné", qu'il a voulu librement cette crucifixion de tout lui-même. C'est parce qu'il n'a rien d'autre en tête que l'humanité même des êtres humains...

Et voilà qui en dit long sur l'identité du Dieu des chrétiens : ni super-puissance genre Goldorak ou assimilé, ni Juge extérieur et impitoyable. Mais puissant, oui, par l'amour qui le fait ainsi embrasser l'humanité et en devenir le seul Juge désormais possible.

La Semaine Sainte et la méditation de la Passion qu'elle propose constituent probablement le moment le plus dramatique et le plus véritable de la rencontre avec celui que nous osons appeler "Dieu". Car toutes les images spontanées que nous formons de lui - autant d'idoles - se brisent, ne peuvent que se briser, au pied de la Croix!