dimanche 30 janvier 2022

Jésus, le prophète que les siens rejettent...

Tout avait pourtant bien commencé... Revenu à Nazareth, son village d'enfance, alors qu'il commence sa prédication publique, Jésus est un jeune rabbi précédé par sa réputation. Dans la synagogue, le jour du sabbat, on l'invite à lire et à commenter l'Ecriture, ce qu'il fait en s'appliquant l'accomplissement de quelques versets du prophète Isaïe qui annoncent libération, guérison et année de bienfait : "Aujourd'hui, a-t-il l'audace de dire, cette prophétie est accomplie!"  On s'étonne d'abord, rapporte l'évangéliste Luc (Lc 4),  de "ce message de grâce qui sort de sa bouche" mais assez vite, semble-t-il, cet étonnement se mue en hostilité : "Pour qui se prend-il, ce fils de Joseph?" Et lorsque Jésus en rajoute une couche, affirmant qu'aucun prophète n'est reçu dans son pays, mais doit se tourner vers les étrangers pour y accomplir l'oeuvre de Dieu - voyez Elie, voyez Elisée, l'hostilité devient désir de meurtre : on veut le jeter en bas  d'un escarpement de la ville. Déjà, on veut l'éliminer, et ceux qui auraient dû en premier accueillir sa Parole deviennent ses primo-assassins!

Cela ne devrait pas nous surprendre : il y a là un réflexe de protection devant la nouveauté sans cesse récurrente de la Parole prophétique, cette nouveauté qui, précisément, dérange. On discrédite le prophète : pour qui se prend-il, cet énergumène que l'on connaît, dont on connaît la famille, les attaches, les antécédents? Manière facile de ne pas entendre, de se boucher les oreilles devant la perpétuelle jeunesse de Dieu!

Et, dans nos communautés, cela va quelquefois jusqu'à la mise à mort symbolique : voyez l'outrance et la violence avec lesquelles, sur les réseaux sociaux, certains catho-tradis veulent discréditer la parole de notre pape, parce qu'elle les trouble par sa nouveauté, parce qu'elle les dérange! On n'est pas loin de l'assassinat!

Ah! Se laisser déranger par la Parole, par ses prophètes! 

lundi 24 janvier 2022

Vie et mort de Michel

 Aujourd'hui était inhumé à Loppiano, en Italie, un grand ami, Michel Vandeleene, qui était décédé subitement mercredi dernier à Rocca di Papa, à côté de Rome. Michel était un focolarino consacré, et nous avions vécu plusieurs années en communauté pendant nos études louvanistes - lui en psychologie, moi en philosophie et lettres - dans une maison de Heverlee, près de Leuven. Il a ensuite consacré sa vie à l'étude de la théologie spirituelle, en approfondissant le charisme de Chiara Lubich, la fondatrice des Focolari, et il a enseigné dans divers lieux de formation de ce Mouvement spirituel (notamment à Loppiano). 

Il était une figure rayonnante, magnifique, enthousiaste, d'une exemplaire droiture. Et, à cause de maladresses de l'Institution à laquelle il s'était pourtant voué corps et âme, il a beaucoup souffert dans les dernières années de sa vie.

Il préparait avec Michel Pochet, artiste peintre qui réside et vit également à Rocca di Papa, une sélection d'oeuvres qui seront exposées, pendant le Carême, dans le déambulatoire de la Cathédrale de Bruxelles. C'est dans l'atelier de Michel Pochet qu'il est "tombé mort", comme on dit, victime d'une crise cardiaque. Nous avions le même âge ("Vous ne savez ni le jour, ni l'heure...")

Au revoir, Michel, et même "A Dieu". En Dieu, continue à nous aider!

dimanche 16 janvier 2022

600 litres!

 Le récit des Noces de Cana, en saint Jean, a quelque chose d'extraordinairement théologique, au sens étymologique de ce terme : il raconte quelque chose de Dieu. Il parle d'un Dieu dont l'amour est effusif et même excessif, cet amour qui va être manifesté en Jésus et décrit tout au long du quatrième évangile. Ainsi, la quantité incroyable de vin nouveau et délicieux : six cents litres! Six jarres d'eau remplies à ras bord, chacune contenant cent litres - alors que l'on a déjà éclusé le vieux vin! Quel excès, quelle générosité! Vraiment Dieu ne mégote pas lorsqu'il s'agit pour lui de répandre sa joie sur l'humanité, cette joie du vin, cette joie des noces qu'il scelle en son Fils avec tous les êtres humains.

Un amour qui éclatera encore à la Croix, à cette "heure" qui commence à Cana avec l'injonction de sa Mère aux servants ("Faites tout ce qu'il vous dira"), une Mère que l'on retrouvera au pied de la Croix, enfantant là encore l'humanité nouvelle et régénérée ("Voici ton Fils", lui dira Jésus en lui donnant pour fils désormais le disciple aimé, tout disciple donc, pour toujours.) Le vin de Cana, vin de joie et de liesse, préfigurait aussi le vin eucharistique, sang versé pour le salut du monde.

Enivrons-nous de ce vin-là, accueillons l'excès du don!






samedi 15 janvier 2022

400ème anniversaire...

 Aujourd'hui, 15 janvier 2022, nous célébrons le 400ème anniversaire de la naissance de Jean-Baptiste Poquelin, autrement dit... de Molière! Ce génie du théâtre, de la comédie de moeurs et, tout simplement, de la langue française (ne parle-t-on pas de "la langue de Molière" pour évoquer le français?) continuera longtemps encore à nous divertir et à nous instruire!

Allons au théâtre!

jeudi 13 janvier 2022

Quelques lectures...

 Des lectures qui se recoupent : de notre Cardinal De Kesel Foi et religion dans une société moderne, paru l'an dernier chez Salvator; de la philosophe française Chantal Delsol La fin de la chrétienté, paru l'an dernier également, mais au Cerf. Dans ces deux textes lumineux, un constat identique : la place de la religion dans notre société a changé, en quelques décennies, du tout au tout. Elle n'est plus un référent culturel ou politique - en ce sens, Chantal Delsol parle de "chrétienté". Elle reste un mouvement spirituel fort mais modeste du point de vue sociologique : la fin de la chrétienté, ce n'est pas du tout la fin du christianisme.

Cette double lecture me donne, je pense, une clé pour déchiffrer des comportements et des discours contemporains. Certains rêvent d'une restauration de la chrétienté, mais sans être nécessairement chrétiens : Zemmour, par exemple, qui est plutôt juif, revendique une identité chrétienne forte (une "chrétienté") pour la France et s'est fendu d'un message en ce sens  à la gloire des manifestations traditionnelles de Noël. Onfray, qui est un athée sans cesse auto-proclamé, reproche régulièrement au pape François de n'être pas assez restaurateur de cette chrétienté dont il a lui aussi la nostalgie. La chrétienté, donc : un mélange de nationalisme, d'ordre, de règles morales qui s'imposent à tous, de refoulement des migrants et des étrangers, etc., etc. On pourrait ainsi revendiquer pareille appartenance en oubliant... l'Evangile (et par exemple, ce critère du Jugement Dernier en Mt 25, "J'étais un étranger et vous m'avez accueilli"!) - étrange contradiction interne, que la France a déjà connue avec Maurras au début du XXème siècle.

L'Eglise catholique doit apprendre à ne plus être une force institutionnelle dominante. Elle doit apprendre les vertus de la petitesse, mais aussi de l'authenticité évangélique que, sans doute, la petitesse honore mieux que le grandeur sociale. C'est, et ce sera, un apprentissage difficile. Mais c'est très certainement la conversion aujourd'hui exigée d'elle!

dimanche 9 janvier 2022

Un dimanche après-midi à la Cathédrale de Bruxelles

Comme souvent le dimanche, j'ai aujourd'hui passé plusieurs heures cet après-midi, en aube et étole (pour être reconnaissable...) dans la Cathédrale, ce qui me permet d'accueillir et quelquefois de guider les touristes et les visiteurs. Ce sont toujours des rencontres riches, même si elles sont brèves, de belles occasions de croiser des personnes fort diverses par leurs âges, leurs goûts, leurs origines.

Surprise, donc, tout à l'heure, de voir venir vers moi une dame qui s'apprêtait à sortir et qui me dit : "C'est certainement le plus bel endroit de Bruxelles. Tout est beau ici : l'architecture, la musique, le silence, on peut se recueillir, admirer des oeuvres d'art, s'arrêter enfin... Heureusement que vous existez!" Et elle croit bon d'ajouter : "Et c'est une athée qui vous le dit! Je ne suis pas croyante, mais j'aime de tout coeur ce lieu de Bruxelles, pour moi le plus précieux!"

J'ai chaleureusement remercié la dame, et me suis dit que sa remarque était une belle reconnaissance. On ne perd vraiment pas son temps quand on se mêle ainsi aux personnes qui entrent et sortent...


(La musique en question, c'est de la polyphonie flamande du XVème siècle, des oeuvres de Guillaume Dufay, Gilles Binchois, Arnold de Lantins, Johannes Brassart, Josquin Desprez, Pierre de La Rue, etc..., une musique très en phase avec l'architecture de la Cathédrale!) 

samedi 1 janvier 2022

Voeux et fête de Marie "Theotokos"

 A tous les lecteurs de ce blog, je présente mes voeux de belle et sainte année 2022! Aujourd'hui 1er janvier, la liturgie nous place sous la protection de "Marie, Mère de Dieu" (en grec : Theotokos). Cette titulature mariale ne va pas de soi : comment ose-t-on dire, en effet, qu'une créature est mère du Créateur? Ce fut l'occasion de vifs débats lors du Concile d'Ephèse en 431 et - passons les détails - la titulature fut maintenue, comme on le voit dans la seconde partie de la prière populaire "Je vous salue, Marie" ("Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous...")

A quoi bon, direz-vous, revenir sur ces subtilités théologiques d'un autre âge? Eh bien, c'est que la vérité même de notre salut est en jeu. Dieu a voulu naître homme, et désormais on ne saurait le chercher et le trouver en-dehors de l'Incarnation, en-dehors de l'humanité même de l'homme. C'est à travers la qualité sans cesse réclamée de nos relations humaines, à travers nos efforts vers la paix, à travers nos volontés de fraternité et d'égalité, que Dieu se donne à voir. Pour le chercher, il ne convient donc pas de s'échapper de notre condition, il faut au contraire s'y enfoncer, comme lui-même l'a véritablement fait en devenant un fils humain d'une de ses créatures.

Alors, pour cette année nouvelle, "au charbon", si j'ose ainsi dire, au charbon et au boulot, retroussons nos manches!