dimanche 22 décembre 2019

Un dimanche à 105 ans...

Capté sur YouTube cette video incroyable :une (arrière)-grand-mère canadienne nous fait partager son dimanche, un dimanche vécu à 105 ans, dans la simplicité, la foi, le sourire, le bonheur de vivre.
Requinquerait le moral de mille dames déprimées parce qu'un peu âgées, tiens!
C'est comme ça qu'elles me plaisent, les vieilles!

mardi 10 décembre 2019

Progressiste? Conservateur?

Je suis de plus en plus agacé par les catégorisations (émanant souvent du monde politique) qui classent les personnes en "progressistes" ou "conservateurs". Parmi les premiers, cataloguez ceux et celles qui veulent, en vrac, une facilitation plus grande de l'avortement et de l'euthanasie, une accentuation de la laïcité "dure" de l'Etat, la féminisation des noms de fonction et, naturellement, l'écriture inclusive, la fin à moyen terme de l'école libre subventionnée, la privatisation complète du religieux et des religions, etc., etc. Tout cela, ce serait donc "le progrès". A la question de savoir pourquoi ce serait "le progrès", les réponses se font évasives… Il me semble être partiellement "progressiste", pour des raisons précises, mais avec des limites : l'avortement et l'euthanasie doivent, sans aucun doute, être encadrés par des lois - mais avec beaucoup de contraintes, car dans les deux cas il s'agit tout de même du respect de la vie humaine. Je suis partisan de la laïcité de l'Etat, évidemment, mais non pas si cette laïcité veut s'imposer comme la seule religion publique, car je crois au rôle social, et non seulement privé, des religions, dans leur diversité et dans le respect de l'Etat de droit. Je suis partisan d'une complète égalité de traitement, de salaire, de considération entre les femmes et les hommes, mais jamais au prix de massacrer la langue française avec des formules prétendument inclusives qui n'incluent rien du tout et sont du reste imprononçables.
Je suis aussi "conservateur", oui, sans aucun doute, et j'aime assez ça : car il me semble que certaines choses doivent être conservées. Je tiens par dessus tout aux formes extérieures de la politesse et du savoir-vivre qui, je crois, disent un degré de civilisation. Il me semble que certaines fonctions - les magistrats publics, gouverneurs, bourgmestres, échevins, doivent être honorés de leur titres, car cela correspond au respect que nous devons à leur charge et à leur responsabilité; et si l'on prend l'habitude de traiter ainsi les personnes publiques, on s'habituera à traiter avec la même considération les personnes privées, quelle que soit leur prétendue "position" sociale. Il faut pareillement respecter les enseignants et les médecins, les infirmiers et tous ceux qui, dans la société, nous offrent de nous faire grandir en intelligence et en santé, et de nous soigner quand les choses vont moins bien. Je crois aux vertus d'une école libre, car si l'Etat doit veiller à une certaine égalité de traitement entre tous les élèves et les étudiants, ce n'est pas à lui - sauf à devenir totalitaire - à s'arroger l'exclusivité de l'organisation des savoirs, des savoir-être et des savoir-faire : laissons, comme le dit la Déclaration  Universelle des Droits de l'Homme de 1948, les parents choisir ce qui leur semble être le meilleur réseau d'enseignement pour leurs enfants. C'est leur droit, et l'Etat ne doit pas le leur ôter…
Bref, je ne me reconnaîtrai jamais dans ces catégories idéologiques et bêtasses qui tiennent à certains lieu de pensée : "progressiste" ou "conservateur", ça ne veut rien dire. Ou pas grand chose...

dimanche 1 décembre 2019

Les chrétiens, des "collapsologues"?

La mode est à la "collapsologie", entendez : il faut redouter, et attendre néanmoins, le "collapsus", c'est-à-dire l'écroulement de ce monde, puisqu'on n'est pas parvenu à faire reculer les causes des changements climatiques et de leurs suites redoutables, faute de bonne volonté. Il est trop tard : tout va périr, et en premier, l'humanité qui l'aura bien cherché en se voilant la face.
Ces prévisions alarmistes, les chrétiens les partagent-ils? Eh bien, quitte à surprendre, je dirais qu'en partie oui. Nous aussi, chrétiens, nous attendons la fin des temps, ou plus précisément la fin du temps et de l'espace, la fin de tous les Univers connus et inconnus. Car "elle passe, la figure de ce monde". De même que doit périr chaque individu, marqué sur cette terre par un espace et un temps finis, de même l'Univers entier doit disparaître.
De cette finitude, nous percevons déjà les signes avant-coureurs et, en effet, les bouleversements climatiques et leurs suites (disparition de certaines espèces animales et végétales, accentuation des migrations, etc.) sont à ranger parmi ces signes, qu'ils soient du reste provisoires ou non. L'événement biblique, sans doute largement mythologique mais peut-être basé sur un fait réel, du déluge - ainsi nous le rappelait ce matin l'évangile de Matthieu - était aussi l'un de ces signes, qui permit toutefois grâce à Noé, préfiguration du Sauveur lui-même, le renouveau du monde.
Une différence - de taille - avec les "collapsologues" est sans doute que, si les chrétiens attendent ainsi la fin des temps, ils ne la redoutent pas. Pour eux, elle correspond à l'avènement (l'avent) définitif du Christ et de son Règne de paix, de justice et de fraternité enfin victorieux de tout mal. Isaïe déjà, comme tout  le peuple juif, attendait avec confiance ce monde à venir où les épées seraient transformées en socs de charrue et les lances en faucilles, ce monde où "on n'apprendrait plus la guerre". Oui, heureusement qu'elle passe, "la figure de ce monde", car elle n'est pas si jolie que cela, figure défigurée, si l'on ose dire, par les violences, les égoïsmes, les replis sur soi, les génocides, les mépris de toutes sortes. Il ne faut pas souhaiter maintenir trop longtemps ce monde en l'état, car, en l'état, il est diablement - c'est le cas de le dire - marqué par le mal. Or, ce qui doit advenir, c'est un monde enfin débarrassé du mal.
Est-ce à dire qu'il faut se réjouir des bouleversements présents et à venir, qu'il ne faut rien faire pour les contrer, qu'il faut même les accélérer?
Non, telle n'est pas l'attitude prônée par Jésus. Face à l'écroulement inévitable, il implore : "Veillez!' Qu'est-ce à dire, sinon "discernez", faites la part de ce qui peut et doit périr et de ce qui doit demeurer. Soignez votre monde tant que vous le pouvez - c'est votre responsabilité - pour le remettre plus beau aux générations à venir, ôtez de son sein tant que vous le pouvez les scories du mal, apprenez à y vivre dès maintenant dans le respect de toute chose et de toute personne humaine, faites déjà croître ce Royaume nouveau remis entre vos mains. Hâtez ainsi sans crainte le retour de Celui qui vient, qui vient nécessairement, pour accomplir l'œuvre commencée en son premier avènement.
Nous voici, vous l'aurez compris, au cœur de la spiritualité du temps de l'Avent, temps liturgique magnifique qui n'est pas seulement une gentille préparation à Noël, mais une prise de conscience renouvelée et sereine de nos responsabilités les uns envers les autres, et envers notre monde.

dimanche 27 octobre 2019

Psaume de fin du jour

Des poèmes en prose de Patrice de la Tour du Pin, pour finir dans la louange ce dimanche d'automne :


"La fin de ce jour est-elle très triste pour toi, - mon Dieu qui es amoureux de tes hommes?
Fais-nous ce don, ô Père, d'avoir dégoût du mal, - pour que nos sens aident l'esprit à s'élever.
Ô Père, de prendre goût aux choses divines plus qu'aux autres, - pour que nous ne soyons pas trop divisés dans notre besoin de bonheur.
Ô Père, de sacrifier les plaisirs moindres que les joies, - de nous complaire en Toi dans les autres.
Fais-nous ce don, ô Père de laisser libre - le lit de notre gorge pour que ton amour puisse y passer.
Ô Père, de ne pas nous laisser nous tromper de bonheur, - de ne pas être triste pour de mauvais regrets.
Ô Père, d'alléger les choses trop lourdes, - ô Père, de nous endormir sans épouvante dans ton sourire."


P. de LA TOUR DU PIN, Une somme de poésie. I. Le jeu de l'homme en lui-même, Paris, Gallimard, 1981, pp. 422-423.

dimanche 20 octobre 2019

Retraite paroissiale au Mont-des-Cats

Tout conspire à nous faire croire que la vie, la vraie vie, la vie véritable, la vie réelle, la vie impliquée dans le monde - appelez cela comme vous voudrez, la vie, quoi! - que la vie, donc, est ailleurs. Ailleurs, dans l'engagement social de soi, dans le travail, dans les investissements que l'on fait de sa personne en famille ou autrement. Et c'est vrai que la vie est là, aussi...
Mais n'est-elle pas d'abord dans le recueillement de soi, là où se trouve la source précisément vitale?
Et ne vaut-il pas la peine de revenir, une fois ou l'autre, à cette source, à ce cœur battant et méconnu?
Mystère de ces moines qui donnent à cela toute leur vie - et s'en trouvent eux-mêmes heureux, faisant aussi le bonheur de beaucoup d'autres, qui les rencontrent et partagent un peu de leur quotidien.
Mystère de la Parole de Dieu, certes portée par les Saintes Ecritures bibliques, mais tellement au-delà des textes, et qui, pourtant grâce aux textes, s'ouvrent comme un fruit livre peu à peu son parfum et sa saveur.
Mystère du silence que nous goûtons si peu d'habitude, et qui néanmoins nous garde au plus intime de nous - "Ce n'est pas nous qui gardons le silence, c'est le silence qui nous garde" (Bernanos).
Mystère de la liturgie, qui n'explique rien, que l'on ne "comprend" guère, mais qui nous porte, nous transporte et même, petit à petit, nous transfigure.
Mystère de communion à l'Invisible, une communion qui soude une communauté paroissiale en la frottant à une communauté monastique.
Comme nous revenons riches d'avoir vécu tout cela de vendredi dernier à dimanche soir, chez nos frères cisterciens du Mont-des-Cats, dans cette magnifique Abbaye qui domine la plaine de la Flandre française.
Plus riches des vraies richesses, celles du cœur, nous revenons aussi plus soudés, mieux disposés à œuvrer à l'unité de notre ensemble paroissial, mieux accueillants, mieux miséricordieux, mieux bienveillants pour ceux et celles qui nous entourent.
Cela aussi, cela surtout, c'est la vraie vie - celle qui innerve l'autre, sans laquelle l'autre, la quotidienne, la non-pensée, la non-reprise, n'aurait pas le goût du sel, et ne porterait en elle aucune lumière. Or, nos communautés, si modestes soient-elles, si pauvres et si désolées quelquefois, sont  sel de la terre, et lumière pour le monde - c'est bien la vocation que Jésus leur assigne, et que le pape vient de nous rappeler en ce mois d'octobre, mois "de la mission"...

dimanche 6 octobre 2019

La foi...

Je n'aime pas, je n'aimerai jamais les distinctions trop commodes héritées au fond du XVIIIème siècle en Occident entre "croyants", "agnostiques", "incroyants". Tout croyant est aussi athée : athée de représentations perverses de Dieu. Il est aussi "agnostique" : il doute, car la foi privée de doute est dangereuse. Tout agnostique, j'imagine, est aussi croyant, à ses heures et à ses moments de trouble. Et tout athée est aussi douteur, j'espère, sauf à être enfermé dans son dogme d'athéisme. Bref, ces catégories ne sont pas valables, elles relèvent d'un intellectualisme stupide qui saisit bien mal la question de Dieu, autrement plus complexe.
Aujourd'hui, l'Evangile de Luc (Lc 17, 6) nous donnait à entendre une étrange demande que les disciples font à Jésus : "Augmente en nous la foi!" Jésus répond à côté, comme souvent : du reste, la foi est-elle quelque chose qui peut croître comme un capital en banque? "La foi, dit-il, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez à l'arbre que voici : Déracine-toi et va te planter dans la mer, et il vous obéirait!"
Quelle est donc cette foi qui peut déraciner les arbres et les planter dans la mer?
Ce n'est pas une liste de dogmes, un catalogue de doctrines auxquels il faudrait simplement dire "Amen" en abdiquant son intelligence ou sa raison…
C'est une attitude globale vis-à-vis de la vie, que l'on pourrait aussi bien nommer "confiance" : je dis que je crois en Dieu comme je suis capable de dire que "je crois en quelqu'un", que je lui fais confiance, et que cette confiance peut aller jusqu'à remettre ma vie entière entre ses mains.
Est-ce que j'ai la foi? Je me pose la question tous les jours. C'est pourtant le sens que j'ai voulu donner à mon célibat, à la consécration de ma vie entière : toute ma confiance est en Dieu, je n'ai que lui. J'admire ceux et celles qui vivent cette consécration à travers des médiations humaines (un mari, une épouse, des enfants, etc.) et les difficultés spécifiques qu'engendre la vie de famille. Mais moi je me suis senti appelé à témoigner que l'on pouvait mettre en Dieu seul, que l'on ne voit pas, mais que l'on peut entendre dans le secret de son cœur, oui, en Dieu seul, toute sa confiance.
Toute sa confiance - chaque matin, je me redis cela, alors que j'ai peur comme tout le monde de la vie, alors que je voudrais des protections et des assurances, alors que je vieillis et que la perspective de la dernière étape approche - "quelle que soit l'étendue du sursis, écrivait mon vieil ami Hector l'écrivain, quand il avait mon âge, l'échéance est pour demain."  Chaque matin, l'échéance se rapproche, qui m'obligera,  sans aucune possibilité de feinte ou de fuite, à oser encore un nouvel acte de confiance, un nouvel acte de foi. A m'élancer dans des bras inconnus.
Le ferai-je?
C'est pourtant ça, la foi…
Ai-je la foi?
Avons-nous la foi?
Si nous en avions gros comme un fifrelin, la vie serait toute bouleversée, toute joyeuse.
Nous n'aurions plus peur...

jeudi 3 octobre 2019

Saint François

Je me suis réjouis lorsque le pape actuel, au soir de son élection, annonça qu'il avait choisi "François" comme prénom pontifical. Je l'avais espéré - certains témoins auxquels je l'avais confié le confirmeront - et je trouvais qu'il était grand temps qu'un pape choisît de marcher dans les pas du Poverello.
Le Poverello d'Assise, le saint, dit-on, qui aura le plus et le mieux ressemblé au Christ dans sa vie terrestre - jusque dans son corps, jusqu'aux stigmates -,  embrassant "Dame Pauvreté", quittant une carrière de mondanités luxueuses, et surtout vivant dans la joie de son "être-au-monde", de sa solidarité avec la terre, sa mère-patrie, louant "frère Soleil et sœur Lune", aimant les jours de l'ici-bas mais aussi "notre sœur la mort corporelle" qui nous ouvre enfin à la plénitude de l'au-delà, désirant voir son corps jeune et malade déposé sur le sol nourricier, rendant grâce à Dieu pour toutes choses…. Voilà qui est aimer la vie, la Vie, vraiment, sans calcul, sans volonté de profit, pour l'amour de l'amour. C'est à lui que l'on doit cette formule si terrible et si juste, si désolée aussi  : "L'amore non è amato!", "L'amour n'est pas aimé"!
Oh oui, comme j'ai été heureux d'apprendre que le Cardinal Bergoglio, devenant pape, commençait à dire ce qu'il voulait faire de son pontificat en endossant ce prénom magnifique de notre histoire ecclésiale!
Et, franchement, ce bonheur dure : ce Jésuite paré du prénom franciscain va de l'avant, déjouant les pièges conservateurs et hypocrites de ceux qui voudraient le voir chuter, ouvrant son cœur et les bras de l'Eglise aux personnes autrefois dites en "situation irrégulière" (divorcés et remariés, homosexuels et transgenres, douteurs et athées, adeptes d'autres cultes et d'autres religions, migrants et personnes en situation précaire, etc.) Sans rien renier de la foi chrétienne, il annonce l'Evangile tel qu'il doit l'être aujourd'hui, indifférent aux attaques des lobbys conservateurs (surtout américains, qui misent sur un pape, comme d'autres dans des actions en bourse,  avec l'espoir d'un retour financier sur investissement), relayés à Rome par un "quarteron de cardinaux en retraite", pour paraphraser De Gaulle parlant de quelques généraux égarés au moment du Putsch d'Alger… Oh, comme j'admire cet homme qui va, tranquille, son chemin de pape, et remplit, fidèle, la mission qu'il s'est donnée en choisissant saint François comme Patron de son pontificat!


Et bonne fête aux François, Françoise, Francis, etc...

samedi 21 septembre 2019

Julien Green

Julien Green aura été l'un des plus grands écrivains français du XXème siècle (1900-1998). D'origine américaine et protestante, il s'était converti au catholicisme à la mort de sa mère, et son Journal, ses Romans, ses essais (notamment sur François d'Assise) lui ont donné la réputation d'être l'un des  écrivains catholiques contemporains les plus importants.
Il était homosexuel, ne s'en cachait pas, et a fini sa vie avec son fils adoptif Eric Jourdan (devenu donc Eric Green), qui était son dernier (?) amant en date. J'ai rencontré (en tout bien tout honneur, hein…) le père et le fils chez … le Saint Esprit, notre ami commun Yannick Guillou, avec Gérard Dubuisson et peut-être d'autres convives (sans doute la délicieuse Françoise Lengellé, admirable claveciniste, je ne sais plus si elle était là pour nous enchanter de son talent…) en 1989, rue de Solférino. Soirée délicieuse, où il fut question de musique (Yannick - et donc j'imagine aussi Françoise - avaient joué pour nous des pièces de Couperin), de liturgie, de foi catholique, de littérature - j'avais dit au Maître (il était Académicien Français) combien j'avais été bouleversé par son roman de 1960, Chaque homme dans sa nuit, dont le titre m'a inspiré celui d'un tout petit essai de spiritualité que j'ai écrit bien plus tard : Un homme, la nuit.  Il ne pensait pas, m'a dit alors sa voix fluette, que ce livre fût encore lu par un jeune homme (prêtre de surcroît), de mon âge. Peut-être me draguait-il un peu…
Peut-être. Car on vient de publier l'intégralité de son Journal, qui était jusque là en Pléiade privé de pages censurées, et l'intégralité donne à voir une personnalité qui drague et qui baise… évidemment, nous sommes dans les années trente, et le jeune d'homme d'alors a donc une trentaine d'années, mais c'est tous les jours, et avec un luxe de détails pornographiques à faire rougir les plus blasés. Et quand je dis "tous les jours", c'est tous les jours avec des mecs différents, des rencontres de passage ou des locations de service. Avec, en prime, ce qui est balancé sur les petits copains écrivains et cathos qui ne seraient pas plus vertueux (Mauriac, au passage…)
Evidemment, le landernau catholique s'indigne sur les réseaux sociaux (et encore, les meilleurs, ceux qui savent que Julien Green a existé) : pourquoi a-t-on publié cela? La réponse est simple : il le souhaitait lui-même, comme il souhaitait que ce ne le fût pas de son vivant.
Eh bien il y a là quelque chose qui me le fait estimer davantage : il voulait que l'on fût au courant du drame qu'a été l'homosexualité honteuse tout au long du XXème siècle, ce qu'elle a pu produire comme dissimulation et comme hypocrisie, ce que des gens en ont souffert! Il voulait, je pense, donner le témoignage cru (et cru, ça l'est) mais littéraire,  de ce tourment-là, vécu par un homme   profondément chrétien.  Il y a quelques années, à la suite d'un colloque, j'avais donné à une revue de Philologie Romane de l'Université Catholique de Louvain, à laquelle j'appartiens, un article sur ce sujet, intitulé je crois  "Julien Green, la foi obscure  de l'homme dans sa nuit".
Ce que j'apprends de la publication désormais intégrale de son Journal me conforte dans les hypothèses que je faisais alors : étrangement, paradoxalement, le tourment de Green aura été le moteur de son écriture, et plus encore, de son  salut.
Il serait bon de ne pas l'oublier lorsqu'on s'interroge, dans l'Eglise catholique, sur l'accueil à réserver aux personnes homosexuelles.

jeudi 19 septembre 2019

"L'humilité, autrement dit la Philosophie morale"

Dans le calme du soir, je me réconforte en lisant la très subtile, très fine traduction que l'ami René de Ceccatty vient de faire du Banquet de Dante (Seuil, 2018, 320pp.), cette merveille d'humanisme. P. 197, j'y trouve : "Il faut savoir que les mœurs sont la beauté de l'âme, avant tout les vertus qui, parfois, par vanité ou orgueil, apparaissent comme moins belles et moins plaisantes (…). C'est pourquoi je dis que, pour l'éviter (l'orgueil), on doit la regarder (la Sagesse), c'est-à-dire prêter attention à ce en quoi elle est un modèle d'humilité, autrement dit à ce qui s'appelle Philosophie morale. Et j'ajoute que, en visant cette part, à savoir la Sagesse, tout être vicieux redeviendra juste et bon."
Eh bien vers le terme d'une semaine agitée par toutes sortes de procédés peu ragoûtants, décevants et médiocres, mais hélas fréquents dans tous les milieux,  je me confie à la savoureuse prédiction du poète...

mercredi 11 septembre 2019

Le pape ne craint pas le schisme

Retour de Madagascar, dans l'avion, le pape François s'est livré à l'une de ces interviews qu'il semble apprécier.
Après plusieurs considérations sur les situations locales qu'il avait rencontrées, on lui a (re)posé la question d'un ou de possibles schismes venus des Etats-Unis ou même de la Curie romaine, pour contrer l'ouverture spirituelle et doctrinale dont il veut faire preuve.
- "Je ne crains pas les schismes", a-t-il répondu en substance, "ils ont toujours suivi les grands Conciles et leur mise en œuvre Je prie pour qu'ils n'arrivent pas, mais s'ils arrivent, ils ne me font pas peur."
Ainsi voyons-nous que le sens de l'unité de l'Eglise - qui est son premier devoir, et il le sait - ne se laisse pas impressionner par les déclarations précipitées, tonitruantes, exagérées et donc passablement stupides de ce que De Gaulle eût appelé "un quarteron de cardinaux", quelques sbires décalés et frustrés qui veulent se faire mousser et surtout sont des pourvoyeurs de fonds américains à la solde des Républicains de leur pays pour influencer, mais oui, à coup de dollars, l'élection d'un nouveau pape davantage en phase avec leurs idées et options capitalistes.
Résiste, François, bravo, résiste, on te porte!

A quoi sommes-nous prêts?

En ce qui concerne le climat et ses changements et ses turbulences, et l'incidence que l'espèce humaine a dans tout cela : je suis convaincu.
La question est : à quoi sommes-nous prêts pour inverser, un tant soit peu, et s'il n'est pas trop tard, la tendance?
Je suis de ceux qui pensent qu'il faut poser clairement la question, et arrêter de culpabiliser les consommateurs qui torturent leur conscience quand ils souhaitent s'offrir un steak.
A quoi sommes-nous prêts?
Par exemple, et si nous voulons avoir une petite chance de changement :


- sommes-nous prêts à supprimer les fermes d'élevage bovin, ovin, porcin, les abattoirs et les boucheries industrielles et artisanales? Avec les conséquences suivantes : redonner un autre travail aux personnes ainsi désemployées?


- sommes-nous prêts à fermer les grands aéroports internationaux, à limoger leur personnel, à interdire les grands déplacements en avion, à persuader les jeunes générations qu'il va leur devenir très difficile de visiter le monde comme leurs prédécesseurs l'ont fait, à leur dire qu'ils doivent se contenter de visiter les pays que les trains leur permettent de rejoindre sans trop de délais?


- sommes-nous prêts à interdire les croisières et les compagnies qui les gèrent,  la fabrication, la maintenance et l'accompagnement des grands paquebots, en envisageant la fin d'un certain tourisme et la mise au chômage que cela va entraîner - surtout dans les pays les plus modestes, qui vivent pour l'essentiel de ce tourisme?


- sommes-nous prêts à  ne plus acheter de voiture, diesel, essence ou électrique, sachant que chacun de ces modes de propulsion pollue plus ou moins de façon équivalente? Sommes-nous prêts dès lors à accepter la construction de réseaux ferroviaires suffisamment denses pour acheminer chacun de son lieu d'habitat vers son lieu de travail?


- sommes-nous prêts à réduire de 90 % notre usage de l'ordinateur, spécialement les courriers électroniques, dont on connaît l'impact sur l'environnement? Par "ordinateur", entendons évidemment non seulement les pc, mais les iPhone, iPad, etc. ? Sommes-nous prêts à revenir à du courrier postal, dûment estampillé par les timbres et distribué par de valeureux facteurs, rémunérés comment?


- Etc.


J'ai listé ici quelques-unes - quelques-unes seulement - des questions qu'il faut poser, et dont on voit bien que la résolution ne vient pas de décisions individuelles (qu'on arrête donc de culpabiliser chaque jour ceux qui n'ont d'autre moyen que de se couler dans le système existant). La décision revient au monde politique, non seulement belgo-belge  bien sûr (à quelque niveau que ce soit), mais européen pour le moins, et même mondial. Car si l'Europe seule prenait des décisions de ce type, de façon drastique et même étalées sur vingt ans, elle se ferait évidemment bouffer par les autres puissances économiques qui n'en feraient pas autant.


Je crois qu'il est urgent d'agir, oui, mais au niveau politique mondial. Que chacun fasse tout ce qu'il peut et tout ce qui lui semble juste dans son domaine, bravo. Mais il faut un plan mondial sur vingt ans, sinon - pas de résultat. J'entends peu de voix qui le disent, et moins encore qui le font. La Commission européenne va se mettre en place : premier niveau significatif d'un changement. Une fois passées les nominations politiques (ou politiciennes), qu'entendrons-nous comme décision commune et d'importance, contraignante, et réellement porteuse de changement?


Wait and see...



samedi 24 août 2019

Une nouvelle religion?

Assistons-nous à la naissance et à la propagation d'une nouvelle religion? La religion de la décroissance et de l'anti-réchauffement, avec ses dogmes, ses prophètes, ses pèlerinages, ses liturgies, ses athées, aussi, et ses hérétiques?
Sans doute y a-t-il de cela, quand on regarde d'un œil lassé les réseaux sociaux…
Du reste, cette religion est plutôt attirante : sa doctrine est probablement fondée, ses prophètes, souvent sympathiques, ses rassemblements et ses liturgies, utiles. Comme toute religion, évidemment, elle connaît aussi ses intégristes : interdit de voyager en avion (il faudrait alors dire aussi : interdit de surfer sur le net, aussi polluant, paraît-il, que l'avion… ), interdit de rouler en voiture, interdit de manger de la viande rouge (et pour les extrémistes des extrémistes, de la viande tout court), interdit de faire encore des enfants (si, si, car leur empreinte carbone sera destructrice - au passage, qu'on m'explique comment on va sauver l'humanité en ne procréant plus…), interdit de se laver trop souvent (car on vient de redécouvrir que c'était mauvais pour la peau, ah la belle excuse pour dire qu'il faut épargner l'eau, j'en connais qui vont être ravis de leurs odeurs), interdit, interdit, interdit… Et, ajoute-t-on parfois, si les gouvernants n'arrivent pas à prendre assez de mesures qui vont dans le bon sens, on fera la révolution, on imposera ces mesures par la force. C'est la Terreur révolutionnaire qui pointe déjà le bout de son nez!
Toutefois, si l'on écarte ces rigorismes et ces excès, la nouvelle religion a beaucoup à nous apprendre, sur le respect dû au monde et à ceux qui le peuplent. Nous l'écouterons donc… non sans la passer au crible de l'autre religion, la chrétienne, comme le fait le pape François dans la remarquable encyclique Laudato si'.
Un point, par exemple, que j'aimerais voir mis en débat : cette nouvelle religion n'a guère d'eschatologie - du point de vue théologique, c'est une grande faiblesse. Elle ne considère pas les fins dernières de l'humanité et de ce monde, ses perspectives sont purement dans l'ici-bas, et même (on nous en rebat les oreilles) dans l'urgence de l'ici et du maintenant. La foi chrétienne, elle, ne s'inquiète pas de voir le monde et l'humanité tels que nous les connaissons finir et disparaître, elle en fait même la condition d'un engagement renouvelé dans le monde,  - puisque c'est l'annonce  d'une résurrection inaugurée en Christ et promise à tous, vers laquelle nous marchons.
A méditer, non?

mercredi 7 août 2019

On ne croira jamais Cassandre...

Ceux qui se sont un peu frottés à la mythologie grecque connaissent Cassandre : fille de Priam et d'Hécube, roi et reine  de Troie, sœur d'Hector le fier guerrier, Cassandre avait hérité des dieux - comme une punition - le triste rôle de prédire l'avenir, un avenir toujours dramatique, et de n'être jamais écoutée ou crue.
J'ai quelquefois l'impression, dans le grand tapage médiatique autour du climat, que les prophètes qui prédisent le pire à notre Planète ou à l'humanité, sont de modernes Cassandre. On veut bien les croire sur papier, mais quant à changer vraiment le système, quant à réformer ses vies, etc. : cours toujours! Je serais curieux de savoir quelle est la proportion de jeunes adolescents présents dans la rue au dernier printemps qui, d'une façon parfaitement contraire à leurs propres principes proclamés, ont pris l'avion cet été, ou vont le faire, pour partir en vacances.
On constate le même phénomène avec d'autres drames humains, dont on veut bien croire qu'ils sont réels, mais pour le remède desquels on ne prend pas de vraies mesures, que seul d'ailleurs un gouvernement "mondial" comme l'ONU serait capable de prendre : famines endémiques en Afrique et en Asie, manque d'accès à l'eau potable, aux soins de santé, à l'éducation, dans ces mêmes continents. L'Eglise Catholique, sur ces situations gravissimes, ne cesse de tirer la sonnette d'alarme, depuis des décennies - en vain. On donne trois sous (quand tout va bien), on tranquillise ainsi sa conscience, et basta. Evidemment, les problèmes demeurent, et leurs conséquences : disparités incroyables et honteuses dans la situation des êtres humains qui sont nos contemporains sur cette terre, flux migratoires accrus pour des personnes qui n'ont d'autre issue que de partir de chez elles, guerres et terrorismes qui toujours se nourrissent non seulement d'idéologie mais de pauvreté, etc.
Mais voilà. On ne croira jamais Cassandre.
Pourtant, tout ce qu'elle avait prédit est arrivé...

jeudi 1 août 2019

"Ce moustique est en fait une dame qui risque sa vie pour ses enfants en devenir..."

Il n'y a semble-t-il pas de limite à la bêtise. L'antispécisme vient d'atteindre des sommets dans les propos délirants d'Aymeric Caron, propos  qui prennent la défense des moustiques. Oui, répète-t-il (mais on le savait), seules les moustiques femelles viennent vous tourner autour, vous piquer et vous sucer le sang pour pourvoir leur future progéniture en protéines. D'où la culpabilisation rampante que vous imaginez - non  dite, elle est encore plus terrible, mais je la formule quand même : quand vous écrabouillez un moustique qui vous emmerde, "ce moustique - et là, je cite - est en fait une dame qui risque sa vie pour ses enfants en devenir." Qu'on laisse crever dans la mer quantité de migrants n'est rien à côté, bien entendu : vous oubliez que les moustiques qui vous piquent (et je dois avoir quelque chose qui les attire particulièrement, car je suis toujours leur cible), qui vous transmettent au passage des maladies effrayantes comme le paludisme ou le chikungunya, que ces moustiques, dis-je, " sont des dames". La prochaine fois, ouvrez grandes vos fenêtres, laissez-les vous piquer et offrez-leur le thé (si elles le supportent) en leur étant mille fois reconnaissants d'une visite dont vous n'êtes manifestement pas digne…
Au fou!

lundi 29 juillet 2019

Et donc aussi Vergnies 2019...

Belle rencontre, donc, ce matin à Vergnies dans le sud du Hainaut avec les Filles du Patro d'Enghien. La magnifique et minuscule  église de ce village qui vit naître le compositeur révolutionnaire Gossec était remplie de petites et jeunes filles qui avaient parcouru les deux kilomètres séparant cet endroit de l'endroit de leur camp. Et deux paroissiennes s'étaient jointes à nous…
Les filles m'ont non seulement raconté les réflexions qu'elles avaient eues ensemble sur le climat, sur la protection nécessaire de notre environnement, mais elles ont chanté les strophes composées par elles qui mettent tout cela en musique!
Et c'est avec du pain confectionné par elles aussi que nous avons célébré l'eucharistie.
Aujourd'hui encore, je suis émerveillé par la qualité du suivi, de l'accompagnement, de la prise en charge de ces enfants! Ils et elles  en ont, de la chance!

dimanche 28 juillet 2019

Magnifique Patro des Garçons...

Retour de Malmédy, où j'ai eu la joie de rencontrer en fin de matinée le Patro des Garçons (Enghien) qui est tout à son camp, et qui avait fait réfléchir les plus jeunes d'entre eux sur la problématique de l'environnement et de son respect. (On m'a remis une pile de beaux dessins, qui seront un moment exposés à l'église).  Sous tente - et légèrement douchés - nous avons aussi célébré la messe du dimanche, en méditant ensemble sur le "Notre Père" que Jésus nous a laissé comme prière. Sa prière de Fils, devenue la nôtre, et qui nous fait frères les uns des autres - les jeux, exercices, vie commune, difficultés surmontées d'un camp, tout cela sert-il à autre chose qu'à nous ouvrir à cette vie fraternelle dont le monde a tant besoin, et qui est la seule capable de nous épanouir complètement? Une nouvelle fois, j'ai été émerveillé par la qualité de ce camp, de son organisation, et surtout par la disponibilité des dirigeants. Nous avons vraiment de la chance, à Enghien et à Silly, d'avoir des jeunes gens de cette dimension humaine et spirituelle pour encadrer ces gamins…
Demain, même exercice pour le Patro des filles - je sais qu'elles s'y préparent aussi avec soin et enthousiasme!

dimanche 30 juin 2019

Droits de l'Homme foulés aux pieds

Les réseaux sociaux se déchaînent, souvent hostiles, contre la commandante du bateau de réfugiés qui a fini par acoster, bravant les autorités italiennes, à Lampedusa. La situation des quarante-six réfugiés qui étaient à son bord devenait, en effet, scandaleusement impossible à vivre - on les menaçait, tout simplement, de les renvoyer en Lybie, d'où ils venaient et où probablement ils auraient été réduits en esclavage ou massacrés à leur retour.
Ce n'est pas l'Italie et son ministre de l'intérieur, un pauvre populiste qui surfe sur les vagues d'élections faciles, qu'il faut blâmer. C'est l'Europe qui devrait d'urgence se mettre d'accord pour accueillir ces personnes, globalement peu nombreuses, au fond, dans un Continent comme le nôtre, et qui, par égoïsme et par lâcheté ne parvient pas à le faire. Elle contrevient ainsi à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, en particulier à son article 13/2 qui garantit à chaque être humain la liberté d'aller et de venir dans notre monde, et d'être accueilli partout où il lui  semble bon de vivre.
Alors, on va dire, si j'entends bien le vocabulaire utilisé sur Facebook par exemple, que je suis un bisounours qui ronchonne des cucuteries.
Eh bien j'assume. Je veux être cela, plutôt qu'un salaud.
Je pars demain me reposer quelques jours en Grèce, cette pointe d'Europe à laquelle nous devons tant, et qui est, elle aussi, particulièrement sur l'île de Lesbos dans le Dodécanèse, fragilisée par le jemenfoutisme des autres pays de l'Union : elle accueille en grand nombre des réfugiés, elle, l'un des pays les plus pauvres de l'UE, et on l'empêche de les répartir ailleurs, par simple égoïsme. C'est toujours comme cela : les plus pauvres sont les plus généreux, les riches - que nous sommes - crèveront asphyxiés dans leurs richesses.
La Grèce est le berceau d'une humanité qui raisonne, qui pense, qui est généreuse, et qui a le droit vraiment de tenir en respect le reste du monde. Autrefois, il n'y a pas si longtemps, dans ma jeunesse, elle était le berceau de ce que l'on appelait même "les humanités", une manière de cycle d'études qui passait pour conduire à la sagesse.
Est-ce que tout cela est fini? Est-ce que ce que j'ai eu la chance de connaître et de vivre comme épanouissement intellectuel et spirituel est fini? Est-ce que cela va périr avec ma génération? Je ne veux pas le croire - et je compte sur les excellents  établissements scolaires que sont  le Collège ou l'Athénée d'Enghien pour renverser la tendance.
Mais franchement, il est temps, grand temps. Ici, il ne s'agit pas que de climat ou de solidarité sociale, mais d'une chose beaucoup plus englobante, plus déterminante, plus urgente encore - ça s'appelle la culture. Cela s'enracine dans le souci de l'autre, qui passe, qui doit toujours passer, avant le souci de soi. Sinon, plus d'humanité : Platon, Aristote, Eschyle, Sophocle, Euripide et les autres sont là pour nous le rappeler.

mardi 18 juin 2019

Brillants étudiants...

Je rentre de Louvain-La-Neuve où j'ai passé l'après-midi à interroger des étudiants. Que de brillantes prestations!
Mon cours, cette année, portait sur la lecture de textes d'auteurs spirituels catholiques contemporains, depuis Thérèse de Lisieux jusqu'à André Louf, en passant par Marie Noël, Edith Stein, Chiara Lubich, Maurice Zundel, Jean Lafrance, etc... J'ai été, en particulier et une nouvelle fois, ébloui par la prestation de mes étudiants musulmans. Une dame, par exemple, m'a offert un exposé remarquable sur… Edith Stein, philosophe juive convertie au christianisme catholique, devenue carmélite et finalement déportée et gazée en 1943, canonisée par Jean-Paul II sous son nom religieux de "Thérèse-Bénédicte de la Croix". Qu'une musulmane soit parvenue à capter avec une telle finesse la modernité d'Edith Stein, la vigueur spirituelle de sa pensée, la pertinence contemporaine de son parcours, la leçon que tout cela devrait nous donner à tous aujourd'hui, j'avoue que j'en suis… baba! Et reconnaissant!
Quelquefois, on se demande si l'on fait bien d'enseigner encore, si cela vaut la peine d'investir dans des leçons, de suivre des travaux académiques, etc. Eh bien, voilà un élément de réponse!

lundi 17 juin 2019

Souvenirs, souvenirs...

La nuit s'avance… Et je relis le "Journal" que je tenais dans les dernières années de mon Séminaire, à Tournai, juste avant l'ordination sacerdotale qui eut lieu le 24 juin 1984 - il y aura bientôt trente-cinq ans!
Puis-je citer une page? Je la signerais encore, elle date de la retraite préparatoire à l'ordination, et précisément du vendredi 22 juin 1984 - l'avant-veille de ce jour-là, donc, une avant-veille dont je me souviens vaguement qu'elle était troublée, assaillie de doutes. On ne se décide pas à passer toute sa vie dans le célibat consacré, au service d'une Eglise diocésaine, "comme ça", sans quelques soubresauts intérieurs. Bon, en tous les cas, voilà ce texte:


                              
                                                      Vendredi 22 juin 1984


     Vivre dans ma chair ce que je célébrerai : le mystère de Jésus Abandonné. J'avais oublié qu'il est mon seul époux. Je n'ai que lui sur la terre. Alors, tout devient possible et l'unité, notre Idéal, me fera choisir jour après jour de vivre pour Dieu. "Quand l'ombre de la Croix paraît, je me recueille. Une douleur, quelle qu'elle soit, est toujours comme le tintement de la cloche qui appelle à la prière" (Chiara Lubich). J'ai cru comprendre qu'il me veut faible, "pour que je n'aille pas m'enorgueillir" (2Co 12, 7).
     Voici que se termine cette retraite. Je crois y avoir fait une expérience fondamentale : que seule ma faiblesse, mon péché, l'écharde dans ma chair, me permettront de prier vraiment, de crier, toujours, pour demander l'humilité. Cela fait extrêmement mal : on voudrait que tout fût propre et net, qu'il n'y eût aucune bavure et, par une économie mystérieuse, le Seigneur enfonce dans notre chair une écharde de faiblesse et l'y maintient fermement, comme lui-même fut fermement maintenu à la Croix par les clous.
     Accepter de démissionner de la volonté d'être net, pour crier vraiment qu'on n'en sort pas seul, et accéder à la prière du Nom de Jésus. Ne jamais oublier cela. Jamais. Au risque, sinon, de se perdre pour de bon.
     "Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang" : après-demain, si Dieu me prête vie, je serai devenu avec sa grâce et la force de son Esprit une chair prêtée pour être transformée en la sienne. Quelle mystérieuse alchimie! J'ai renouvelé aujourd'hui ma consécration à Jésus Abandonné, pour que tout péché soit vécu en lui comme déjà pardonné, toute faiblesse comme déjà secourue, toute souffrance comme déjà soufferte. Toute lutte, comme déjà victorieuse. Ô Dieu, qu'il en soit ainsi, je t'en supplie!  "Jésus, Fils de Dieu, Sauveur, prends pitié de moi, pécheur!"

mercredi 5 juin 2019

Election de Mgr Warin au siège épiscopal de Namur

On apprend aujourd'hui l'élection par le pape François, au siège épiscopal de Namur, de Mgr Pierre Warin, qui en était jusqu'ici l'évêque auxiliaire depuis 2004. Je me réjouis profondément de cette nomination, conforme en tous points au profil des évêques que le pape souhaite promouvoir : humilité, discrétion, service pastoral avant tout, et bien entendu, en même temps, intelligence et sagesse de la foi.
On dira : il est déjà âgé… c'est en effet un épiscopat, en principe, pour cinq années. Mais quel bien peut-on faire en cinq ans! Les présidents français de la République ne se contentent-ils pas d'un quinquennat, lorsqu'ils sont élus?
Bravo, cher Monseigneur, et merci d'avoir accepté cette tâche! Nous vous accompagnons par notre prière!

lundi 27 mai 2019

Démocratie : pas seulement des "majorités"

L'électeur a donc parlé, et, dans une démocratie, il convient évidemment de tenir compte, sinon de "la" majorité (qui n'existe pas chez nous, vu la répartition proportionnelle des sièges), au moins "des" majorités possibles - c'est ce qui attend nos hommes et femmes politiques dans les longues négociations à venir, pour former des gouvernements stables, fédéral, régionaux, communautaires.
Mais il ne faut pas oublier, me semble-t-il, que la démocratie ce n'est pas que l'addition possible de sièges acquis pour former des majorités. C'est aussi le respect d'un certain nombre de valeurs hors lesquelles il n'y a pas de… démocratie : le refus de l'exclusion, la tolérance religieuse, le refus de toutes les xénophobies et de tous les racismes, l'accueil des étrangers, une certaine ouverture des frontières, la liberté de l'enseignement, etc., etc. Ces valeurs sont codifiées dans des chartes internationales issues de la dernière guerre (la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Convention Européenne des Droits de l'Homme, par exemple); elles remontent, finalement, à travers des relais comme la Révolution Française,  aux préceptes dits du "Droit naturel" - égalité entre eux de tous les êtres humains, interdiction du meurtre, du mensonge, etc.-, préceptes communs à la philosophie grecque (pensons, par exemple, à ce que véhiculent les grandes tragédies d'Eschyle, de Sophocle, d'Euripide) et au Décalogue judéo-chrétien. Très certainement faut-il leur adjoindre aujourd'hui l'impérieuse nécessité de respecter l'environnement, de protéger la terre et la diversité des espèces qui y évoluent, de sauvegarder autant que faire se peut un climat convenable pour tous les êtres, humains, animaux et végétaux, qui y vivent.  Cela, c'est le bien.
Et même si une majorité de citoyens voulait le mal (ce qui, j'en suis sûr, est loin d'être le cas),  le mal resterait le mal et il ne serait jamais acceptable. J'espère que tous les négociateurs du pays vont s'en souvenir...

lundi 20 mai 2019

Viatique

Revu Jacques ce midi. Jacques, qui a passé toute sa vie au service des autres, est en train de mourir, finalement vaincu par le cancer qu'il aura combattu durant des années. Comme les autres fois, Jacques avait demandé la communion eucharistique, et c'est le seul aliment qu'il puisse encore absorber. L'eucharistie, en viatique - littéralement, "pour le voyage", pour le grand et au fond seul voyage de nos vies.
Je suis ému aux larmes à la pensée de cette foi si droite, si simple, si juste : pour le voyage, donne-moi le Corps de Jésus. C'est la foi d'un… premier communiant!
Je songeais aux vers de Marie Noël, dans ses Chants d'arrière-saison (Œuvre poétique, p. 514-515), au poème précisément intitulé "Viatique" :


"O vous qui me donnez à boire,
Il est trop tard. Je ne bois plus.
Pain et vin sont en la mémoire
De ma chair à jamais perdus.
(…)
Que faites-vous, toutes mains vaines,
Au bord blême de ce proscrit?
Que tentez-vous, ô toutes peines?...
Allez me chercher Jésus-Christ!
Allez dans le Pain qu'Il habite
Me chercher Jésus-Christ. Allez!
Dans mon flanc qui s'épuise, vite,
Jetez-le comme un grain de blé.
(…)
Chair avec chair anéantie
Dans la fosse aux ventres errants,
Jetez ce soir, jetez l'Hostie
Aux ordures en ce mourant.
(…)
Jetez, engloutie en ma perte,
Dans la béante obscurité
De ma dernière bouche ouverte,
La semence d'éternité."



lundi 6 mai 2019

Plaidoyer pour une étudiante...

L'une de mes étudiantes est musulmane. Elle est mariée à un Palestinien arabe et musulman, professeur à Jérusalem dans l'enseignement spécialisé. Elle n'a eu jusqu'ici que des visas provisoires et renouvelables pour aller vivre avec son mari, situation d'autant plus difficile qu'elle va bientôt accoucher et qu'on lui refuse un visa définitif - elle avait pensé que tout cela serait réglé à la fin de l'année académique mais ces tracasseries administratives traduisent dans le concret les difficultés que l'Etat d'Israël fait de plus en plus pour certaines situations qu'il juge inacceptables  sur son sol…
Cette jeune femme est une étudiante brillante, qui se perfectionne en hébreu (biblique et actuel) et en arabe. Née en Belgique d'une famille "indifférente à la religion", comme elle le dit, elle a trouvé sa place dans le monde musulman le plus érudit, cultivé, raffiné, même -  et j'en suis vraiment heureux pour elle. Elle est passionnée de spiritualité et approfondit (notamment à travers mes quelques leçons) la spiritualité catholique occidentale. Elle est heureuse, dit-elle, de pouvoir vivre à Jérusalem, à côté de la vieille Ville, dans un endroit où elle entend en même temps sonner les cloches et retentir l'appel du muezzin…
Nous devons vraiment nous désencombrer des images pitoyables qui peuplent notre imaginaire lorsque nous réfléchissons à l'Islam, et au dialogue que nous pouvons avoir avec lui, comme chrétiens. Je plaide intimement et publiquement pour elle, pour que son enfant puisse naître en toute quiétude à Jérusalem, et qu'elle puisse vivre là-bas en paix avec lui et son mari… en continuant à mettre son intelligence au service de ce dialogue indispensable!

dimanche 5 mai 2019

Eloge d'une pauvreté inattendue

Tout à la joie d'un avant-midi festif, où j'ai présidé à Bassilly et à Enghien de remarquables célébrations (de premières communions, de baptêmes - dont l'un suivi d'une confirmation), etc., et à la joie vraiment quand je constate le sérieux avec lequel ces célébrations ont été préparées, aussi bien du point de vue catéchétique que liturgique, je me suis remis cet après-midi à préparer ma leçon de demain à Louvain. Elle va porter sur Dom André Louf, l'ancien Abbé du Mont-des-Cats, mort en 2010 et dont j'ai relu, pour l'occasion - je n'avais fait jusqu'ici que le parcourir - le troisième tome des "Méditations à Sainte Lioba" publiées par Salvator, l'an dernier, sous le beau titre : "La Liturgie du Cœur". Beaucoup, beaucoup de choses dans ces pages qui font mieux connaître le grand spirituel que fut André Louf - je veux dire, qui font aller au cœur de sa spiritualité, tout entière de la grâce.
Ainsi, cette méditation sur la pauvreté : elle n'est pas toujours, comme attitude du cœur, ce que nous en pensons spontanément. Même quand on a essayé, et essayé vraiment, par exemple dans la vie monastique, de se détacher de tout, de n'avoir rien à soi, on peut, dit-il, encore louper la pauvreté, c'est-à-dire, "en être riche", la revendiquer, surtout si elle a été, donc, une pauvreté volontaire, la revendiquer comme un pouvoir.
"Peut-être, écrit-il avec sous sa plume des accents bernanosiens - on est en 2004 - est-ce là notre première pauvreté : constater que nous ne le sommes pas autant que nous l'aurions voulu, et que d'autres que nous ont davantage le droit de porter le beau nom de 'pauvres'. (…) Au moins, et c'est là quand même une chance, ne risquons-nous pas de nous glorifier de notre pauvreté. Car on pourrait aussi être propriétaire de sa pauvreté, riche de sa misère, sans le savoir. Une pauvreté qu'on aurait construite par soi-même, consciencieusement programmée, et parfois discrètement mais subtilement exposée aux regards des autres; une pauvreté qui se ferait même accusatrice et juge de tous les riches radicalement mauvais…" (La Liturgie du Cœur, p. 222)
Bien sûr, Dom Louf était pauvre, comme tous les moines, n'ayant rien à lui, et plus encore dans cette dernière partie de sa vie durant laquelle il était ermite et retiré de tout. Mais la question, on l'aura compris, n'est pas économique; elle est spirituelle : de quoi sommes-nous "propriétaires" - de nos fonctions, de nos titres, de nos rangs, de nos pouvoirs, de nos exemplarités, des codes de bonne conduite que nous prétendons donner, de nos leçons de morale, de… nous-mêmes, finalement? Etre détaché de tout, c'est être détaché de soi. En nous, c'est vraiment, c'est uniquement, l'œuvre de Dieu, le travail de l'Esprit Saint.

vendredi 3 mai 2019

Fatigue pastorale, retour aux classiques...

Quand je suis fatigué, je reprends mes classiques.
Aujourd'hui, j'avais des raisons d'être fatigué, percevant la mauvaise volonté de certains groupes qui croient (surtout en matière de finances) détenir sur tout la vérité révélée et le fin mot du bien commun. Or mon rôle n'est pas d'imposer telle ou telle solution, mais de mettre tout le monde d'accord, parce qu'il  consiste à veiller sans cesse, et dans tous les domaines (y compris, peut-être surtout) matériels,  à la communion ecclésiale. Je pense souvent que, quand on est d'accord sur les finances et leurs attributions dans une paroisse, on est d'accord sur tout, et même sur toute la doctrine - mais là, j'exagère peut-être!
Or donc, agacé - c'est le moins -  par ces sempiternelles et prétendues querelles d'intérêt particuliers et partisans, je relisais Aristote. En particulier ai-je rouvert la Constitution d'Athènes, où le grand philosophe rapporte les étapes et les soubresauts de ce qui fit de la Capitale grecque, au VIème siècle avant notre ère, le berceau de la démocratie.
Et voici ce qu'il dit de l'œuvre et de l'attitude de Solon, qui finit par foutre le camp :


"Quand Solon eut réglé la Constitution ainsi que je l'ai dit, comme on le tourmentait en venant soit le critiquer soit l'interroger sur ses lois et qu'il ne voulait ni les changer ni rester pour se faire détester, il fit un voyage en Egypte, à la fois pour affaires et par curiosité, en disant qu'il ne reviendrait pas avant dix ans; ce qui était juste, à son avis, ce n'était pas qu'il restât pour interpréter ses lois, mais que chacun fît ce qui était écrit. En même temps il arrivait que beaucoup de nobles lui étaient devenus hostiles à cause de l'abolition des dettes et que les deux partis avaient changé d'opinion à son égard, parce que l'Etat institué par lui était contraire à leur attente. En effet le parti démocratique avait cru qu'il procéderait à un nouveau partage général, et les nobles qu'il laisserait subsister la même organisation ou la changerait peu. Mais lui s'était opposé aux deux partis et, alors qu'il pouvait devenir chef en s'alliant à celui qu'il voudrait, il préféra se faire détester de tous deux en sauvant sa patrie et en lui donnant les lois les meilleures." (ARISTOTE, Constitution d'Athènes, XI, 1-2, trad. G. Mathieu et B. Haussoulier, Belles Lettres, 1972, p. 10)


Qu'il s'agisse de mes petits différends pastoraux ou de la survenue prochaine d'échéances électorales, le cher vieil Aristote, quand il relate les aléas des tentatives démocratiques, n'a pas pris une ride…

mardi 30 avril 2019

Perdre la raison

Nous vivons sous le règne des "fake news" et autres mensonges médiatiques, appuyés et relayés par les démagogues et populistes de toutes tendances.
Ce soir, par exemple, à Schaerbeek, un constat de la Magistrature, qu'on imagine tout de même bien informée dans une démocratie comme la nôtre, et entourée de médecins compétents et sans complaisance,  invite à ne pas croire au viol d'une petite fille, mais conclut à des lésions infectieuses. Or, cela ne semble pas suffire : on crie au viol caché, à une justice trompée ou trompeuse, au racisme ou au déni de la différence religieuse; on sait, on dit, on repère que ces propos  sont là ceux d'agitateurs, mais malgré tout l'école doit fermer ses portes pour éviter dans les jours qui viennent des dérives de toutes sortes.
Je suis très inquiet en voyant ces manipulations, qui ne conduisent qu'à l'éclatement d'une société de plus en plus fragile. La grande tâche des élus à venir, quels qu'ils soient, après les prochains scrutins du mois de mai, devrait être de restaurer la confiance en l'Etat de droit. Un Etat impartial qui assure à tous, sans distinction, la justice et la promesse de la vérité.
La vérité a partie liée à la raison - je le signalais dans mon post précédent, je reprends ici la réflexion, à l'envers en quelque sorte : pour les catholiques, il n'y a pas de foi qui ne soit raisonnable. Je ne dis pas rationnelle, non - je l'ai écrit : la foi n'est pas au bout d'un scalpel ou d'une démonstration mathématique. Mais la foi est "raisonnable", on peut en "rendre raison". Et lorsque, sous prétexte de la foi, une société ou un groupe social prétendent passer outre la raison, ils deviennent fous. Et dangereux.
Beaucoup de questions sociétales, aujourd'hui, risquent d'être traitées ainsi, "hors raison" : celle des migrants, celle des différences sexuelles ou de genre, celle du pluralisme culturel et de sa gestion, comme de l'accueil légitime de toutes les différences, celle du bien-être (voir les "gilets jaunes", à bien des égards tellement sympathiques, à bien des égards tellement inquiétants), celle du climat et des décisions à prendre pour enrayer ses changements, celle de l'alimentation (il y a dans certains propos "véganistes" des délires ahurissants), celle - connexe, après tout -  des soins apportés aux animaux de compagnie (dans le même JT qui annonçait les troubles de Schaerbeek, on annonçait aussi la création d'une clinique vétérinaire à Liège - douze millions d'euros - pour les chiens, chats, iguanes et autres animaux domestiques ou censés l'être, qui sont déjà et seront soignés là "comme des humains". Je n'ai rien contre ces animaux, certes, mais cela pose tout de même de sérieuses questions philosophiques, anthropologiques, et finalement, oui, sociétales : comment investit-on l'argent public, en faveur de qui, pour les soins de qui ou de quoi, etc.)
Ni dans la foi, ni dans les revendications, ni dans les… élections, ni dans rien, on ne peut "perdre la raison". Perdre la raison, c'est devenir fou.

dimanche 28 avril 2019

Croire sans avoir vu...

L'Octave de Pâques - ce Jour qui dure huit jours - est déjà derrière nous, cette fête entre les fêtes au cœur de notre foi. Et, au huitième jour de l'Octave, comme chaque année, l'évangile de Jean : l'apparition aux Onze, puis à Thomas le douteur, Thomas "notre jumeau" comme le texte le signale en douce.
Douter n'est pas le contraire de la foi - on craindrait même une foi qui ne connaîtrait jamais le doute, elle risquerait vite de verser dans l'intolérance, l'affirmation péremptoire, sûre de soi, volontiers méprisante pour les autres, ceux qui ne croient pas comme nous, ceux qui ne croient pas du tout… L'expérience de Thomas est par excellence l'expérience chrétienne, qui articule, spécialement dans la littérature johannique, les actes - car ce sont de vrais actes - "voir" et "croire".  Au tombeau, nous dit-on, le disciple "vit et il crut". "Si je ne vois pas, dit Thomas, je ne croirai pas." "Approche tes mains et vois, dit Jésus, cesse d'être incrédule, sois croyant." Et encore, et finalement : "Parce que tu as vu, tu as cru. Heureux celui qui croit sans avoir vu".
Il ne suffit pas de voir pour croire : il faut encore avoir l'intelligence spirituelle de ce que l'on voit, et cette intelligence  est un don de Dieu. C'est que la foi n'est pas au bout d'un scalpel, d'une démonstration mathématique ou scientifique - elle reste libre. Lorsque je vois de l'eau pure bouillir à 100° centigrades, je suis bien obligé de croire que l'eau bout à 100° centigrades. Lorsque je vois le tombeau vide, les linges rangés, les plaies du Ressuscité et le Ressuscité lui-même, si mon cœur ne se convertit pas à une "vision" spirituelle, j'ai beau voir, je ne croirai pas.  Si je n'accueille pas librement le don de Dieu, j'ai beau voir tout ce que je vois, la foi ne sera pas au rendez-vous.
Il n'y a en effet pas de preuves dans la foi, mais seulement des signes - ce n'est pas la même chose! Des signes, des congruences, des indications, des invitations, des rencontres, des hasards qui ne sont jamais des hasards mais des providences, des clins d'œil, tout ce qu'on veut - jamais de preuves scientifiques au sens où la science moderne a raison de les rechercher.
Si bien qu'un moment donné, on peut en effet ne rien "voir" avec les yeux du corps, cela n'a plus d'importance : reste la pertinence du signe qui a été perçu, qui laisse sa trace intérieure dans le cœur, qui garde béant le regard du cœur - le seul qui vaille. Et oui, dès lors, "heureux même celui qui croit sans avoir vu."
Ainsi, Thomas nous apprend que la traversée du doute est ou peut devenir une véritable expérience de la foi et, en particulier, de la foi chrétienne. Thomas, notre jumeau, Thomas, notre frère...

mardi 9 avril 2019

Les trois critères de la bonne santé d'une paroisse selon le pape François

Avant-hier dimanche 7 avril, le pape - qui est d'abord l'évêque de Rome - a rencontré la nouvelle paroisse de San Giulio, dans le quartier résidentiel de Monteverde, derrière le Vatican. Et il a donné aux paroissiens trois signes qui permettent, d'après lui, de reconnaître la "bonne santé" d'une paroisse. Les voici :


1. La prière : "Une paroisse qui prie, les gens viennent prier et prient aussi chez eux. Ici, est-ce qu'on prie ou non? C'est une des choses qui évitent de tomber dans ce 'supermarché' dont nous entendons parler. Parce que la prière transforme tout, tout."


2. La charité des faits : "Se préoccuper des besoins de ses frères, de ses sœurs, des familles. Y compris les besoins cachés, que l'on ne montre pas par honte, mais ils existent, il y en a beaucoup. Une charité active, la charité du 'oui' : 'oui, je fais cela!' "


3. La charité passive : "Que vous vous aimiez et ne vous critiquiez pas entre vous. C'est une maladie trop grave, le ragot, et quand il y  des ragots dans une paroisse, la paroisse ne va pas bien. C'est un vice qui entre subtilement : apporter une nouvelle pour dire du mal des autres. Non, s'il vous plaît, cela ne va pas."


Alors, que chacune et chacun, dans notre nouvel ensemble paroissial "Enghien-Silly" et ses douze clochers, se pose les questions du pape - curé en tête!

dimanche 7 avril 2019

Migrants et réfugiés : accueillir, protéger, promouvoir, intégrer

Mardi dernier, à l'occasion de la troisième et dernière de nos conférences de carême, Mgr Delville, évêque de Liège, nous a rappelé - en spécialiste qu'il est - quelques leçons de l'Histoire. Et principalement celle-ci : les grandes civilisations sont le fait de migrations. L'exemple le plus relevant qu'il ait pris est celui des "invasions" germaniques : la conversion de Clovis donne le signal d'un rajeunissement incroyable du vieil empire romain, autour du christianisme. Les "Francs" (qui sont des Germains, mettons des "pré-allemands") enrichissent la culture latine, et réciproquement. On parle le vieil haut allemand à Paris, et le roman à Aix-la-Chapelle : exemple d'une migration qui a fait notre civilisation. Et, tout de même, ne l'oublions pas : ce sont… les Francs qui font la France!
Cette richesse de la migration, l'évêque de Liège l'avait déjà repérée dans la Bible, dans les récits de laquelle les peuples sont toujours en mouvement, vers l'Egypte avec Joseph et ses frères, puis hors d'elle vers la Terre Promise, puis durant l'exil : c'est une Pâque - un "passage" - perpétuelle.
Aussi ne devons-nous pas nous effrayer des mouvements migratoires, ni les craindre, mais les accueillir avec sagesse et raison, et appliquer à leur égard les quatre mots-clés martelés par le pape François : accueillir - protéger - promouvoir - intégrer.
Et commencer par avoir sur la migration des propos positifs, sur les réseaux sociaux ou ailleurs : c'est déjà faire quelque chose, c'est déjà faire beaucoup.


La page d'Evangile lue aujourd'hui, le récit johannique de la "femme adultère", nous invite aussi à être relevants : renoncer aux complicités qui nous enfermeraient ou enfermeraient autrui dans le péché, la dissidence, la tristesse et finalement la mort, mais tourner vers chacun le regard même de Jésus, qui redresse l'être humain et lui ouvre toujours une issue. Une Pâque, là encore!


C'est déjà le frémissement de la fête à venir...

dimanche 31 mars 2019

Dedans, dehors...

La parabole lucanienne, entendue aujourd'hui, et qu'on appelle souvent "du Fils prodigue", est en réalité une histoire qui met en scène deux fils (le cadet et l'aîné) et leur Père. Ce dernier est miséricordieux, comme Luc - et Jésus, bien sûr - veulent que nous découvrions la miséricorde de Dieu, ou plutôt que Dieu est miséricorde. Et la miséricorde bouleverse tout, déplace les frontières que nous pensions bien établies entre le vice et la vertu, entre les hommes. Non pas les observants d'un côté, qui auraient fait le bon choix et seraient figés dans leur salut, et les déviants de l'autre, qui seraient à jamais perdus.
Non.
Dans la parabole, celui qui était dehors (le cadet, le prodigue) se retrouve dedans, au milieu de la maison du Père, et avec quelle fête!
Et celui qui était dedans (l'aîné), de sa faute - car c'est lui qui refuse d'entrer, de se montrer complice de la situation - se retrouve dehors.
Immense bouleversement.
Dans nos églises, dans nos communautés, dans notre Eglise : ceux qui se pensent toujours "dedans" risquent, s'ils ne convertissent pas leur cœur, de se retrouver dehors - ça va vite!
Ceux qui sont stigmatisés comme ceux du dehors sont souvent au cœur du cœur.
Dans le monde, aussi - et je retrouve le thème de nos conférences de Carême, notamment la question de frontières évoquées avec talent mardi dernier par Stanislas Deprez : les rejetés, ceux du dehors, sont ceux du dedans, du cœur de Dieu. Le pape vient de le dire aux réfugiés qui se trouvent au Maroc pour l'instant - ce sont les préférés.
Dedans, dehors : les frontières, nous rappelle la Parabole de ce matin, sont fluides. Elles ne tiennent qu'à la miséricorde de Dieu - et à la nôtre, en retour.

jeudi 21 mars 2019

La lucidité du Ministre Eyskens

Mardi 19, à Enghien : première conférence de Carême sur le thème des "Migrants et Migrations". Le Ministre d'Etat, Mark Eyskens, étonne tout le monde  par la fraîcheur et la vigueur de sa pensée - oserait-on dire qu'il aura quatre-vingt-six ans le mois prochain?  Le problème des migrations, il le recadre dans le contexte plus vaste des changements globaux qui affectent notre planète : démographique, scientifique, culturel, climatique, économique.
Une urgence, dit-il : que les hommes et femmes politiques européens prennent à bras le corps cette question dans toute son ampleur. En particulier, qu'un partenariat nouveau s'établisse très vite, assorti d'importants moyens financiers, avec le Continent africain, pour le gérer en vue du bien de tous - ce Continent malmené, qui se désertifie, et dont la population va plus que doubler d'ici une dizaine d'années, ce qui va engendrer un afflux massif de migrants. L'Europe politique actuelle, avec dans bien des pays des mesures protectionnistes et populistes  incapables de rien résoudre, va vers sa perte si elle ne retrouve pas une voie de solidarité inspirée par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948.
C'est une voie humaniste, certes. C'est éminemment, conclut-il, la voie chrétienne.


La semaine prochaine, le 26 : qu'est-ce qu'une frontière? Comment s'établit-elle entre peuples et nations? Comment se transgresse-t-elle, de quel droit et à quel prix? Stanislas Deprez, philosophe, connaît bien ces questions dont il montrera qu'elles ne sont pas théoriques, mais éminemment concrètes pour le sujet qui nous occupe…

dimanche 17 mars 2019

Transfiguré, défiguré...

Tout ce qui nous défigure, les salissures sur nos visages, les pleurs et les cris de douleur, le Christ les prendra sur lui au moment tragique du Jardin d'agonie, entouré là encore de Pierre, Jacques et Jean - les trois mêmes apôtres que ceux de la Transfiguration. A ce moment-là, ils seront aussi accablés de sommeil, un "sommeil de tristesse" dit l'évangile de Luc, assommés par la mystérieuse tragédie de l'humain. Mais avant, sur la montagne, malgré leur envie de dormir, ils avaient veillé assez pour voir quelque chose de la gloire de Jésus…
Tout ce qui nous défigure, qui défigure nos cœurs et nos vies, nos institutions (ô combien), nos engagements, nos frêles alliances, nos pauvres fraternités, tout cela, qui est bien réel, n'est pas le dernier mot de notre condition. Tout cela servira de matière première à la grâce, et sera retourné en gloire - c'est le rêve de Dieu sur l'humanité, que Bernanos appelait "la douloureuse espèce."
Deuxième dimanche du Carême - dimanche d'espérance!

jeudi 14 mars 2019

La mort du Cardinal Danneels

Il n'était pas mon évêque, et pourtant nous nous sommes beaucoup vus. Il a traversé mille et une critiques, en ce compris de la part de chrétiens et de prêtres, avec la sagesse d'un bonze… Je retiens de lui quelques maximes et conseils, dont j'apprécie avec le temps la pertinence, comme ce mot  :
- "Si tu veux rester prêtre, apprends à être seul. Tu dois assumer ta solitude. Un prêtre meurt seul. Il doit le savoir, on devrait le dire plus souvent."


Cher Cardinal, vous aimiez tant le Père, vous viviez tant dans son intimité. Celle-ci est maintenant parfaite.

dimanche 3 mars 2019

"Une fois sorti de l'enfance, il faut beaucoup souffrir pour y rentrer..."

La petite Lucie est morte mercredi dernier, et je vais présider ses funérailles mardi matin à Petit-Enghien. Les parents - admirables de courage - ont choisi, dans l'Evangile de Marc, ce passage où Jésus demande de "laisser venir à lui les enfants, car son Royaume est à ceux qui leur ressemblent."
Choix judicieux.
Je songe aux contrefaçons par lesquelles certains responsables d'Eglise ont perverti cette demande de Jésus, les pédophiles et leurs protecteurs, cachés dans l'ombre nauséabonde de l'Institution et plus soucieux de la protéger que de défendre l'enfance. L'Eglise - c'est vous, c'est moi - en souffre, l'Institution aura de la peine à s'en relever (et tant mieux, qu'elle soit à terre un moment n'est pas pour me déplaire) : quelle leçon d'humilité! J'ai appris à me méfier, toujours, des institutions…
Je prépare ma leçon de demain, à la Faculté de Théologie de Louvain, qui va porter sur la spiritualité dans certains textes de Bernanos. Je parlerai longuement de ce mot, des Dialogues des Carmélites : "Une fois sorti de l'enfance, il faut très longtemps souffrir pour y rentrer…" C'est le vrai commentaire que l'on peut apporter à la demande de Jésus : redevenir enfant, récupérer l'enfance en soi, pour entrer dans le Royaume.
Non pas par naïveté, car l'enfance est exigeante.
Par la curiosité qui est celle de l'enfance, qui ne s'étonne pas de recevoir le monde en cadeau, qui ne trouve pas étrange que tout lui soit dû. Qui trouve que la gratuité est normale, est le mode normal des relations humaines, qu'on peut et qu'on doit vivre dans un monde où l'essentiel n'est pas monnayable, où les réalités les plus vivifiantes ne s'achètent pas et ne se paient pas : le monde de la grâce, que précisément Bernanos a si bien décrit sans ses romans et son théâtre.
J'ai passé mon Week-end chez ces amis du Nord de la France que je connais depuis si longtemps, chez lesquels j'ai marié et baptisé tout le monde, et j'ai assisté, émerveillé, à la multiplication des bébés. Des bébés choyés, bercés, mais bien à leur place (pas rois pour autant, pas centres du monde), qui vont apprendre, dans une pareille tribu de cousins, d'oncles, de tantes et de grands-parents, à bien grandir dans l'amour de la Vie.
Lucie a eu cette même chance, je l'ai bien vu en rencontrant longuement ses parents et ses grands-parents.  D'où elle est, qu'elle bénisse ce monde de l'amour, ce monde de la grâce, qui, si on le veut bien, ne connaît pas de frontières avec le nôtre.

dimanche 3 février 2019

Lumineux et douloureux week-end

Week-end riche de toutes sortes d'événements que je récapitule dans la prière et l'action de grâce en ce dimanche finissant.
Hier soir d'abord, à Graty, puis ce matin à Hellebecq, remarquables assemblées de catéchèse et célébrations eucharistiques denses, bien préparées, bien conduites, avec des enfants et des parents attentifs et ouverts à la dimension spirituelle de l'existence humaine. Il y a là des trésors qui ne demandent qu'à s'exprimer… Merci aux catéchistes qui y veillent avec beaucoup d'enthousiasme et de talent!
Hier soir, encore, longue rencontre avec le Professeur Yvon Englert, le Recteur de l'Université Libre de Bruxelles, et son épouse - moments d'échange là encore sur le fond, sur l'état de la société et sur les questions dites sociétales, sur le rôle des universités, sur le rôle des paroisses - nous ne sommes pas, comme on dit, "du même bord", mais justement, l'entretien fut d'autant plus nourrissant.
Hier soir encore, tard, long coup de fil avec l'Académicien Angelo Rinaldi, qui me parle de son travail passé et présent de romancier et de critique et me dit - j'en suis flatté! - tout le bien qu'il pense de mon dernier petit livre "Etre prêtre".
Ce matin, après la rencontre d'Hellebecq, donc, magnifique célébration à Enghien aux rythmes africains et  vigoureux de la Chorale Saint-Kizito : il s'agissait de dire au revoir à l'ami Gauthier, membre de cette chorale et membre aussi de notre "EAP" (Equipe d'Animation Pastorale) au sein de laquelle il a beaucoup fait pour les mouvements de jeunesse, Patros et Scouts. Gauthier, après un long cheminement et plusieurs stages, a décidé d'entrer comme moine postulant à l'Abbaye Cistercienne d'Orval. Comme j'ai essayé de le dire dans l'homélie, c'est un signe pour chacun de nous, un signe qui réveille notre vocation baptismale, et bien entendu la source d'une grande joie, lorsqu'on voit un membre de la communauté  répondre ainsi avec générosité à l'appel de Dieu. Je suis sûr que Gauthier sera heureux dans la vie cistercienne, qui est une voie épanouissante et équilibrante, et qu'il continuera à prier pour nous.
Et puis, cet après-midi, baptême à son domicile enghiennois de la petite Lucie, quatre ans et demi. Lucie souffre d'un cancer invasif qui risque fort de l'emporter bientôt - moment intense, émouvant, avec toute la famille, ses parents, parrain et marraine, ses grands-parents, sa petite sœur, et l'assistance précieuse de Patricia qui représentait la communauté paroissiale. Difficile de retenir ses larmes… Je demande à tous ceux qui désormais connaissent Lucie et son histoire douloureuse de "mettre Marie Noël dans le coup" : la grande poétesse, dont l'évêque d'Auxerre vient de demander la béatification, a, si j'ose dire, "besoin d'un miracle" pour y arriver : eh bien, voilà une occasion toute trouvée. Nous, on y croit!

dimanche 20 janvier 2019

Des injonctions paradoxales...

Et d'abord, bonne année à tous! Je suis resté muet quelques semaines, accablé par la grippe et/ou une mauvaise bronchite : on redécouvre toujours sa pauvreté, et en début d'année, ce n'est pas plus mal!
Je forme des vœux pour chacun, de paix, de lucidité surtout.


Et pour commencer, je m'étonne des injonctions paradoxales (appelons-les ainsi) que la société nous inflige :
- il ne faut plus rouler en voiture, c'est entendu, cela pollue, que ces voitures roulent au diesel ou à l'essence et même à l'électricité (car celle-ci doit être fabriquée quelque part, et elle l'est surtout par les centrales nucléaires, ce qui ne réjouit personne.) Il faut privilégier les transports en commun (quand ils existent), surtout les trains. Bon, je suis preneur - parce que j'habite dans une petite ville où il y une gare et que tout cela est proche de Bruxelles, mais si j'habitais encore ma campagne natale, me donneriez-vous des solutions immédiates? Et surtout : pendant que l'on me dit cela, et que je l'écoute d'une oreille (mettons, la gauche), on me dit et j'écoute de l'autre (mettons, la droite) que le salon de l'auto vient de s'ouvrir, qu'il est prometteur, qu'il est urgent de renouveler le parc automobile, d'acheter une nouvelle voiture pour faire vivre ce rouage central de l'économie… Oui, oui : dites-moi, si j'achète une nouvelle voiture, sera-ce pour la laisser dans mon garage?  Mesdames, Messieurs les politiques, un peu de cohérence, non?


- il faut réguler les flux migratoires, c'est entendu, nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, faisons des murs et des rondes de nuit, empêchons les migrants de prendre des embarcations de fortune, refoulons les illégaux, etc., etc. Oui, oui, oui… Mais continuons à fabriquer et à vendre des armes qui sont, nous le savons, revendues et utilisées par des puissances belligérantes qui entretiennent des conflits dont le premier résultat consiste à jeter sur les routes, et dans les déserts, et sur la mer, de pauvres gens qui n'ont plus rien? Ne songeons surtout pas à changer le type de production de la FN de Herstal, par exemple? Mesdames, Messieurs les politiques, un peu de cohérence, non?


- il faut réguler les flux migratoires et refuser chez nous les réfugiés  "économiques". Sans doute. Mais, aux approches des échéances électorales, fédérales et européennes, qui s'engage dès lors à distraire du PIB un pourcentage convenable pour favoriser le développement économique de ces populations du Sud structurellement pauvres, affamées, soumises à la désertification, aux maladies endémiques, aux manques cruels d'éducation et d'enseignement? Je n'entends rien dire, lorsque les programmes politiques sont proposés à nos votes, là-dessus… Mesdames, Messieurs les politiques, un peu de cohérence, non?


     On pourrait allonger la liste.
     Retournez-en les constats, faites-en des propositions : ce sont mes vœux pour 2019!