jeudi 31 décembre 2015

Ah! La voix d'Aretha!

Allez, pour terminer l'année en beauté, cette magnifique prestation de la Queen of Soul, la grande Aretha Franklin, avant-hier. Puissance intacte d'une des plus belles voix du monde... Que de l'émotion!
Bonne année à tous!

mercredi 30 décembre 2015

Méditations sur la "laïcité"

En ces derniers jours de l'année civile, la question se pose une nouvelle fois, vu sans doute les événements dramatiques dont nos pays sont victimes, d'une inscription de la "laïcité" dans notre Constitution.
Pourquoi pas?
Je voudrais ici dresser une liste non exhaustive des problèmes que nos députés et sénateurs (puisque cette question relève du Parlement) auront, dès lors,  à régler :
- la laïcité est-elle simplement la séparation de l'Etat et des religions? En France, la loi de 1905 prescrit la "séparation de l'Etat et de l'Eglise", mais ne parle jamais de laïcité, cette dénomination étant réservée, à l'époque, à une posture militante anti-cléricale et anti-religieuse en général. Qu'en serait-il chez nous? Nous savons que les cours dits "de morale laïque" (qui devraient plus justement être appelés "de morale non confessionnelle") ont été déclarés par la Cour Constitutionnelle non pas neutres, mais idéologiquement engagés. Reviendrait-on, par exemple, sur cet arrêt et, si oui, pour quels motifs et avec quels attendus? On peut au moins dire qu'une terrible ambiguïté, sur ce point, mérite d'être levée - premier objet du débat, sans aucun doute.
- la laïcité est-elle la "neutralité"? Cela signifierait, du point de vue étymologique, que l'Etat ne prend pas parti vis-à-vis des religions. Il serait "neutre" (neuter, en latin : "ni d'un côté, ni de l'autre.") Un Etat démocratique peut-il être "neutre"? Cette position ne saurait que  difficilement être  tenue jusqu'au bout, car, précisément s'il défend des valeurs démocratiques, un Etat ne saurait  être complètement "neutre" : il devra combattre des positions, religieuses ou non, contraires... à la démocratie (l'égalité des citoyens entre eux, des hommes et des femmes entre eux, par exemple et ainsi de suite.) Le concept de "neutralité" ne me semble donc pas plus facile à manier que celui de "laïcité" - là aussi, des ambiguïtés méritent d'être levées.
- de ce qui précède je retiens que cette inscription souhaitée par d'aucuns dans notre Constitution ne pourra se faire sans un gigantesque travail intellectuel : sur les concepts et ce qu'ils impliquent, sur les relations nécessaires entre Etat et religions ou idéologies, sur les leçons de l'Histoire à cet égard, bien entendu, de l'Histoire en général ou de notre Histoire en particulier (je pense à tout l'héritage scolaire, hospitalier, caritatif, dont est porteuse l'Eglise catholique  en Belgique, un héritage toujours extrêmement présent, utile à la société, et qui très vraisemblablement ne saurait être rayé d'un trait de plume, malgré les souhaits de certains de voir se reproduire chez nous une forme de "nationalisation des biens du  clergé" mise en œuvre à la Révolution française.) Il se peut que, dans un pays "laïque", "neutre", et tout ce qu'on veut, des institutions, même subsidiées par l'Etat parce qu'il en reconnaît la valeur et la pertinence sociales, veuillent être fidèles à leurs convictions propres,  catholiques, ou religieuses en général - c'est ce que vient de rappeler Mgr De Kesel en parlant du secteur hospitalier.  Comment traite-t-on, comment négocie-t-on  avec elles?   On voit le caractère complexe, délicat, de ces questions. On ne les résoudra jamais - sauf à créer des tensions redoutables qui mettraient en péril l'équilibre de notre société - par des diktats idéologiques, fussent-ils ratifiés parlementairement. Un grand débat s'impose, qui doit mobiliser, je l'ai dit, non seulement les élus, mais les représentants (concernés au premier chef) des religions, et les intellectuels (théologiens, philosophes, historiens, sociologues, etc.) qui réfléchissent à ces enjeux. Le chantier est grand - mon principal souhait en cette fin d'année est qu'il ne soit pas traité de façon médiocre. Tout le monde, dans ce pays, mérite mieux que des slogans.

L'année écoulée a été rude!
Belle année  nouvelle à tous!

dimanche 27 décembre 2015

Nos familles...

Le dimanche de la "Sainte Famille" nous invite évidemment à une méditation sur nos familles, et sur le dessein de Dieu à leur égard. L'évangile proposé cette année (Lc 2, 41-52), qui raconte l'épisode de "Jésus perdu et recouvré au Temple", n'est pas simplement le récit d'une fugue d'ado qui se moque de ses parents (même si l'on peut repérer quelques caractéristiques comportementales qui, semble-t-il, franchissent les temps et les cultures...) L'évangéliste, en réalité, parle plus dans ce texte de... Pâques que de Noël : Jésus est retrouvé "le troisième jour", et lors d'un pèlerinage pascal de ses parents. "Le troisième jour", pour des oreilles chrétiennes, c'est toujours le jour de la Résurrection. Et il réapparaît de nouveau en effet, après avoir été perdu, revenu aux siens après avoir séjourné "chez son Père" - "perdu et retrouvé", comme la brebis, comme la pièce de monnaie, comme le Fils dit prodigue, tout ce que Luc met toujours en scène au long de son évangile, pour évoquer non seulement la destinée du Christ, mais celle de tout chrétien à sa suite. Celui qui ne se sent pas perdu, au moins une fois dans sa vie,  ne saurait se sentir "rattrapé" comme de justesse, "sauvé", redressé, remis debout, réhabilité (ajoutez les termes que vous voulez dans cette série.)
Or, nos familles passent toutes par ce sentiment d'être "perdues" : les conjoints, les enfants ne sont (et en tout cas ne restent) pas tels qu'on les a rêvés; les modes de conjugalité se diversifient, les familles se séparent et se reforment  très, peut-être trop,  vite, aujourd'hui,  jusqu'à devenir des "tribus", les personnes bi- ou/et homosexuelles fondent également des foyers, et ainsi de suite. Situations nouvelles, qui ne se vivent pas sans "crises", sans souffrances ("Mon enfant, dit la mère de Jésus à son Fils, pourquoi nous as-tu fait cela? Vois comme ton père et moi nous avons souffert en te cherchant!") Nos familles, en effet, se cherchent beaucoup, se trouvent, se perdent et se retrouvent, se recomposent, essayant  de maintenir un équilibre au gré des traversées de chacun et des désirs de tous.
L'Eglise annonce le Christ. Elle n'est pas une ligue de vertu, elle est le Corps actuel du Christ. Elle est le Christ aujourd'hui vivant sur la terre. C'est pourquoi elle est d'abord un lieu d'accueil, d'écoute et d'accompagnement. Toutes les situations, toutes les personnes - je dis bien "toutes", sans aucune exception - doivent - je dis bien "doivent"- être accueillies dans l'Eglise et, si elles le souhaitent, y trouver un lieu de fraternité spirituelle. Quel que soit le motif pour lequel des personnes viennent frapper à ses portes - mariage, baptême, sacrements de l'initiation, maladie, deuil -, les portes en question doivent être ouvertes, grandes ouvertes. On n'accueille pas les gens avec un règlement. On les accueille comme le Christ accueille  - a-t-il jamais rejeté quelqu'un?
Cela demande de renoncer à nos rêves sur une famille prétendument "idéale". Certains modes de vie conjugale sont, a priori, davantage porteurs de la sacramentalité de l'Eglise, bien sûr, mais cette sacramentalité trouve d'abord sa pertinence dans la foi. Il arrive - et ce n'est pas si rare - que des familles "classiques" soient de ce point de vue plus indifférentes que d'autres, peut-être plus disloquées, plus fragiles - mais qui, précisément grâce à cette fragilité, font spontanément l'expérience d'une foi qui n'est pas un amoncellement de certitudes et de doctrines, mais un abandon à l'amour du Père.
Nous devons vraiment approfondir notre méditation sur ce que sont nos familles, sur le regard que l'Eglise porte sur elles, et en définitive, sur la façon dont elles répondent au projet d'amour du Père sur l'humanité.
La mère de Jésus, nous dit l'épisode évangélique déjà cité, resta bouleversée par cette" fugue" de Jésus,  à la fois traumatisante et incompréhensible ("Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait", rapporte Luc, parlant de Marie et de Joseph), mais elle en fit un long objet de méditation, "gardant en son cœur tous ces événements." Mettons-nous à son école...

vendredi 25 décembre 2015

Noël, Noël...

Une nouvelle fois, les célébrations de la Nativité ont été partout dans le Doyenné une occasion de grande joie, d'espérance renouvelée. Et ce, malgré les tensions et difficultés présentes, qui obligent à faire face à l'insécurité aussi bien qu'à l'accueil des réfugiés.
Nous devons tenir le cap.
C'est-à-dire : accueillir autrui, qu'il soit ou non proche du point de vue géographique, idéologique, religieux, social, tout ce qu'on veut. C'est la seule manière de vivre : le décentrement est gage de bonheur.
Dieu lui-même se "décentre", dans l'Incarnation : il se manifeste dans l'humanité la plus méconnue, la plus marginale, d'une époque donnée, celle de pauvres refusés "dans la salle commune", celle de bergers - vagabonds de leur temps - devenus premiers messagers de la joie.
Nous n'avons, au fond, rien d'autre à dire et il m'a semblé que de plus en plus de personnes voulaient se recueillir pour non seulement écouter, mais entendre, recevoir au plus intime, ce message.
Heureux Noël à tous, à chacun, et du fond du cœur...

mercredi 16 décembre 2015

Communauté, société

Voici que par hasard je retrouve cette citation de mon oncle, André Lobet (qui fut aussi mon parrain), prêtre et à l'époque où il écrivit ce qui suit, Président du Petit-Séminaire de Bonne-Espérance, avant d'être Doyen Principal de Mons. Le propos est extrait d'une lettre écrite à L'abbé Louis Haustrate, Enghiennois connu, aimé, estimé  de beaucoup, qui fut longtemps son Préfet des Etudes - et qui fut aussi mon Professeur de rhétorique. C'est Louis qui m'avait confié cette lettre, il y a des années :

     " Ce qui différencie une communauté d'une société, c'est que la première est basée sur un échange et un partage, dans une mise en commun des biens, non dans une économie de profits, mais dans une économie de moyens, chacun apportant à l'ensemble ce qui lui manque. " (André Lobet, 1965)

     Je ne juge pas inutile de continuer à faire de ce précepte, en quelque sorte familial,  un mot d'ordre nécessaire à notre vie commune. Petite occasion de rendre  ce soir hommage à  mon cher vieil oncle (il aurait aujourd'hui... 107 ans!)

    

lundi 14 décembre 2015

Le travail patient de l'EAP (Equipe d'Animation Pastorale)

Il y a un peu plus d'un an, conformément aux procédures en vigueur dans le Diocèse (avis des Conseils Locaux de Pastorale), notre évêque reconduisait pour trois ans l'Equipe d'Animation Pastorale, élue par les paroissiens  et envoyée en mission une première fois en janvier 2011. Cette équipe restera en place jusqu'aux nouvelles consultations qui accompagneront, dans deux ans, la "refondation" de notre Unité Pastorale en Paroisse Nouvelle, conformément aux vœux du Synode diocésain. Derrière tous ces noms et sigles un peu barbares et qui semblent quelquefois trop bureaucratiques, je voudrais souligner, tandis que je prépare la rencontre de ce soir, avec quel esprit positif cette EAP poursuit au service de tous un patient et décisif travail pastoral. Depuis quatre ans donc, nous n'avons jamais rien décidé qu'à l'unanimité, alors que les tempéraments, les origines, les âges et les provenances des membres sont disparates. Nous avons pris le temps de regarder les priorités pastorales que les paroissiens eux-mêmes avaient désignées : la jeunesse, la formation en particulier liturgique et sacramentelle, les pauvretés. Et nous avons mis en place des moyens de répondre, peu à peu, à ces attentes - peu à peu, car ce sont là des œuvres de longue haleine.
Quelques exemples :
- pour la pastorale de la jeunesse : une équipe relais s'est structurée qui "fait le pont" entre les Mouvements de jeunesse d'Enghien et de Silly (Scouts et Patros) et leur propose des rencontres régulières et des animations pastorales de qualité (par exemple, autour du 11 novembre ou dans une matinée du mois de mars),  de même qu'elle prépare et réalise les visites des camps d'été. Une autre équipe s'essaie, en lien avec la catéchèse, à proposer des activités de formation aux adolescents nouvellement confirmés. D'autres initiatives sont à prendre, certes, mais des choses importantes ont vraiment commencé...
- pour la pastorale de la formation, en particulier catéchétique et  liturgique : des efforts considérables ont été faits pour l'animation des rencontres (ou "assemblées") catéchétiques, en lien avec les célébrations dominicales, partout dans le doyenné, et pour l'animation des célébrations de la foi elles-mêmes. Des efforts viennent d'être entrepris pour rassembler de temps en temps les diverses chorales de notre Unité Pastorale, et travailler à un répertoire liturgique commun et adéquat. Des conférences sont organisées au temps de l'Avent (une seule, davantage biblique) et au temps du Carême (sur des sujets de société) avec l'espoir que les intervenants soient toujours de qualité - en tous les cas d'une compétence indiscutable. Une magnifique équipe, regroupant les directeurs des Ecoles Paroissiales du Doyenné, se réunit régulièrement pour stimuler des activités pastorales en lien avec les temps liturgiques et leur tâche particulière  de formation humaine et chrétienne. Là aussi, nous avançons, doucement mais sûrement...
- pour l'aide aux fragilités et aux pauvretés, nous avons à plusieurs reprises réuni les divers acteurs (administrations communales, CPAS, ASBL) paroissiaux ou non, pour favoriser des actions communes. Une équipe relais, là encore, soutient de façon structurée et vigilante des situations précaires, grâce aux fonds propres du doyenné, qui aident aussi, ponctuellement, la belle initiative de la Banque alimentaire. Nous nous sommes récemment penchés sur les modalités d'accueil de personnes réfugiées, également en lien avec les pouvoirs publics, et sommes en train d'étudier le type d'aide matérielle et administrative que nous pourrions  offrir. Tout n'est certes pas résolu, et la tâche est immense : mais des décisions sont prises, et sont ou seront  suivies d'effets.

     Je tiens à remercier les membres de l'EAP, sans l'accord desquels je ne prends aucune décision importante pour la vie pastorale de notre ensemble paroissial. Je sais leur dévouement, leur capacité aussi à  mettre le bien commun avant leurs souhaits personnels. Et j'ajoute que nos rencontres se déroulent toujours  dans un climat de prière et de fraternité indispensable à toute vie en Eglise. Avec moi, ces responsables élus - c'est un geste de démocratie dans l'Eglise - et envoyés par l'évêque, qui ont toute ma confiance, concourent à la vitalité chrétienne de nos communautés. Ils sont pour moi une vraie source de joie et de reconnaissance.

dimanche 13 décembre 2015

"Le peuple était en attente..."

On a l'impression que Luc, l'évangéliste, parle de nous, dans le passage proclamé ce matin : "Or, le peuple était en attente...", dit-il. C'est ce que nous voyons autour de nous : l'attente. L'attente d'une vie meilleure, mieux estimée, mieux valorisée. L'attente d'une vie pacifiée, débarrassée des causes et effets du terrorisme. L'attente d'une vie bienheureuse, harmonieuse, épanouie... Tout le monde se plaint, chez nous, alors que les conditions objectives d'existence sont parmi les meilleures du monde (accès à l'eau potable, aux soins de santé, à la nourriture, à l'éducation, et ainsi de suite : faites les comparaisons avec tant d'autres pays de la planète.) Que manque-t-il donc, sinon le goût du bonheur?
Jean-Baptiste lui aussi vivait dans un moment de semblable attente : Celui qui devait venir allait tout réformer, tout changer, tout restaurer. Cétait le Messie de l'espérance juive...
Nous croyons qu'il est venu, et cependant l'attente subsiste. Il a en effet tout réformé, tout changé, tout restauré : rien n'est plus pareil dans les relations humaines, depuis la venue, la vie, la prédication, la mort et la résurrection de Jésus, que nous confessons comme le Messie espéré. Les promesses sont accomplies. Mais elles le sont "à la manière de Dieu" : à chacun de le reconnaître non d'abord dans l'évidence des révolutions sociales, mais dans le secret de son regard intérieur. Si tu veux la joie, cultive-la! Le Christ est là, présent, secret, se révélant à qui veut le chercher, et te la donne, cette joie. Mais ne la cherche pas d'abord en dehors de toi, en attendant que tout change à l'extérieur. Change ton cœur, et tu changeras le monde, ton monde : laisse-toi, pour reprendre encore les paroles du Baptiste, "baptiser par lui dans l'Esprit et le feu", laisse-lui faire le tri en toi, passer ton cœur au crible de la pelle à vanner, nettoyer ton aire à battre le blé. Apprends de lui le discernement, et tu deviendras enfin "bienveillant", voulant le bien de tous et capable de le réaliser : "Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche", écrit pour sa part Paul aux Philippiens.
En France aussi, ce soir, le peuple était en attente. Il a donné et reçu des signes, des signaux : signes qu'il veut être mieux traité, mieux respecté, mieux accompagné par ceux qui en ont la mission. Signaux, peut-être, que ces derniers ont compris quelque chose à leur espérance, voire à leur détresse ou à leur peur. Oh, rien n'est joué : c'est l'avenir qui dira si les leçons d'un scrutin sont enregistrées. Et, comme je le disais dans un précédent post, nous, en Europe, nous avons raison, depuis quelques siècles, de garder les yeux fixés sur la France : dans les tangages de l'histoire, elle reste une Nation, une grande Nation, qui en principe rappelle à tous un certain cap, de "liberté, égalité, fraternité". Un  barrage a été dressé contre ce qu'il y avait de pire comme solution - mais il ne suffira pas. Il convient maintenant de résoudre les problèmes, qui sont nombreux et douloureux pour beaucoup de personnes, en France comme ailleurs, comme chez nous.
Le peuple reste en attente...

jeudi 10 décembre 2015

Une personne exceptionnelle...

Il m'arrive souvent de présider des funérailles dans les paroisses dont je suis directement le curé, et c'est une tâche que je trouve importante, dont j'essaie de m'acquitter avec le plus grand soin. C'est en effet l'occasion pour le prêtre que je suis d'entendre des histoires de vie, des histoires de famille, d'entrer - dans ces moments de grande fragilité que sont les moments du deuil - dans l'intimité, dans le cœur des personnes. Ces écoutes constituent pour moi un trésor, une source qui alimente ma prière, le moteur d'un accompagnement toujours recommencé.
Souvent, presque toujours, on dit là du bien de la défunte ou du défunt. C'est normal, et du reste cela signifie que la "nature" humaine, si elle existe comme "nature" (vaste débat!) n'est pas si mauvaise : une fois que quelqu'un est mort, on va quand même d'abord chercher ce qu'il a fait de bien et tous les côtés positifs de sa vie occultent vite ses parts plus maudites.
Mais il est très rare que, à l'annonce d'un décès, une paroisse entière fasse remonter des jugements positifs, élogieux et surtout reconnaissants.
Or, lorsqu'on a appris le décès de Monique, dont j'ai présidé les funérailles ce matin à Graty, ce fut le cas : cette femme de quatre-vingt-cinq ans, enseignante de latin et de religion  durant toute sa carrière professionnelle  au Collège d'Enghien, a réveillé chez tout le monde, anciens collègues, anciens élèves, et plus largement encore, une mémoire où l'éloge dominait. Enthousiasme et bonté foncière, confiance faite aux jeunes dans leurs capacités d'apprentissage et de progrès, intelligence aussi, mais qui n'aurait rien été sans ce sourire porté sur la vie, y compris sur ses difficultés, attachement à la foi chrétienne, amitié secrète avec la "petite Thérèse", dévouement jamais compté aux siens -  tous les témoignages sont là, qui décrivent ce qu'est une vie chrétienne : une vie réussie, parce que donnée.
Les funérailles ont été à l'image de cette femme : simples, familiales, pleurantes et chantantes, joyeuses aussi à travers les larmes normales, les larmes nécessaires.
Samedi matin, je présiderai les obsèques de Jean : autre belle figure d'Enghien, attachante, fidèle, aimante, autre histoire chrétienne incarnée en quelqu'un. Quel trésor, ces personnes exceptionnelles, pas des stars, non, des gens tous simples. Mais leur enthousiasme et leur fidélité au Christ les a rendus étincelants, ainsi que  sont les étoiles pour éclairer nos routes. Comme nous en avons besoin, et comme des funérailles peuvent être cette sorte d' "instantané" où se révèle la richesse de notre foi dans l'histoire d'un chrétien de chez nous!

lundi 7 décembre 2015

Allemagne, mars 1933 ou les paradoxes de la démocratie

Allemagne, mars 1933 : les dernières élections démocratiques de l'Allemagne avant la deuxième guerre mondiale donnent plus de 41% des voix au Parti National-Socialiste. Et Adolf Hitler va devenir le Chancelier de la République... avec les conséquences que l'on sait.
Paradoxe de la démocratie : elle peut engendrer son contraire - Platon, déjà, l'avait noté dans La République, ce "dialogue" où il philosophait sur les dérives de la démocratie athénienne.
Comment corriger cela? Peut-être en rappelant que, la démocratie, ce n'est pas seulement une question arithmétique de suffrages additionnés. En ajoutant, aussi, que la vérité ne se décrète pas par le seul fait de convaincre 50,01% des citoyens d'un pays. Et que, donc, il y a des valeurs qui ne sauraient être soumises à l'arbitrage démocratique, parce que, même si une majorité de citoyens dit le contraire, ces valeurs restent des valeurs : un homme égale un homme, un homme égale une femme et réciproquement, tous les êtres humains sont libres de circuler partout dans le monde, d'avoir leur culture et leur culte et d'y être attachés en les pratiquant, pourvu qu'ils respectent ceux et celles qui en ont d'autres ou qui n'en ont aucun...
La France, je crois m'en souvenir,  a été l'une des premières à déclarer solennellement ces valeurs comme constitutives de son identité, à la fin du XVIIIème siècle, puis, après la deuxième guerre mondiale, précisément, la plupart des nations du monde ont ratifié ce qui est devenu, en 1948, la "Déclaration Universelle des Droits de l'Homme." Je crois sincèrement que la France a été et reste, et restera, cette "lumière" généreuse qui a éclairé les autres pays en leur parlant de liberté, d'égalité et de fraternité.
Je ne suis pas inquiet. J'aime la France et les Français. Ils connaissent les paradoxes de la démocratie et se souviendront des leçons de l'Histoire.