mercredi 31 octobre 2012

Toussaint bonheur

La solennité de la Toussaint est probablement la fête chrétienne qui nous parle le plus du bonheur, cet idéal commun  à l'humanité. Les saints ne sont-ils pas des "bienheureux", comme le rappelle le refrain des béatitudes lues pour la circonstance dans la version de saint Matthieu?
Encore faut-il discerner le bonheur auquel nous rêvons... Je constate autour de moi, ici à Enghien, à Silly ou ailleurs, beaucoup de désirs de "petits bonheurs", comme disent les gens, c'est-à-dire de petits moments confortables volés au temps, pris entre soi, et dont on suppose que l'accumulation ferait à terme tout le bonheur possible.
Je n'ai rien contre les "petits bonheurs", au contraire!
Mais l'Evangile propose un bonheur infiniment plus lumineux, capable de traverser les obscurités mêmes de la vie et de les éclairer du dedans, capable de transfigurer les malheurs... "Heureux ceux qui ont faim et soif", et non ceux qui sont rassasiés. "Heureux les pauvres", et non les riches. "Heureux ceux qui pardonnent", et non ceux qui restent dans la rancune. "Heureux, même, ceux qui sont persécutés pour la justice", et non ceux qui fuient la vérité et en dissimulent la rectitude.
Heureux en ce monde, déjà : les saints ne sont pas ceux qui jouissent du bonheur de l'au-delà à proportion de leur malheur dans l'ici-bas! Ils sont heureux ici et pour toujours, parce que la conviction de la résurrection, dont le baptême les a marqués et revêtus, a retourné en eux toute chose et les a rendus capables de voir la pierre précieuse sous la gangue de saleté.
Ce n'est pas un "petit bonheur", cela, c'est une manière de vivre qui rend foncièrement, profondément et durablement heureux.

dimanche 28 octobre 2012

Les implications sociales de notre foi

L'annonce de licenciements probablement très massifs dans notre pays, la semaine dernière, nous rappelle une fois encore la précarité de notre société soi-disant nantie, qui ne l'est en vérité que pour un nombre toujours décroissant de citoyens. Nous n'avons pas fini de payer le prix d'un libéralisme anarchique des années quatre-vingt et nonante, durant lesquelles les Etats se sont désengagés du social sous prétexte de favoriser le caractère concurrentiel des entreprises. Devenues internationales, celles-ci ont en réalité profité de cette dérégulation pour délocaliser et produire au moindre coût, en sacrifiant une main-d'oeuvre trop protégée, et donc trop chère. Elles n'ont pas oublié, au passage, d'empocher les aides financières que les divers gouvernements leur ont octroyées, en espérant ainsi les maintenir chez nous, au terme d'une espèce de chantage cynique et perdu d'avance. Qui plus est, le redéploiement industriel de nos régions n'a pas suivi (il y a vingt ans, par exemple, que la fin de la métallurgie est prévisible chez nous, et presque programmée, sans que les dirigeants aient véritablement anticipé en développant d'autres formes d'emploi dans d'autres secteurs).
L'Eglise, c'est-à-dire, les chrétiens, ont-ils là-dessus quelque chose à dire?
Oh oui!
Dans son enseignement social, et depuis plus de cent ans d'une vigoureuse façon, l'Eglise catholique a toujours mis en garde contre le libéralisme outrancier tel que nous le voyons faire des dégâts chez nous aujourd'hui. Elle a été aussi ferme dans la dénonciation de ses dérives que dans celle des régimes collectivistes ou étatiques  : ce fut, en particulier, le cas de Jean-Paul II, qui était pourtant un pape venu de l'Est et peu enclin à des compromis avec le communisme. Elle entend, par exemple, relativiser, et pour des motifs théologiques, l'idée même de propriété privée, et la soumettre au principe de la destination universelle des biens et des services. Elle souhaite promouvoir l'actionnariat ouvrier et intéresser ainsi tous les travailleurs aux profits de l'entreprise - et non seulement les cadres, les dirigeants ou les actionnaires anonymes propriétaires par leurs placements. Elle estime que le travail effectivement presté donne un droit de propriété sur l'outil de travail (le capital) : c'est une affirmation forte longuement défendue par Jean-Paul II dès 1981 dans son Encyclique Laborem exercens. Etc.
Connaît-on cet enseignement? Non. Les chrétiens eux-mêmes l'ignorent, la plupart du temps, et les autres s'en moquent : soit ils sont du côté du "système" et estiment dès lors que celui-ci, par une sorte de fatalisme économique, n'a de comptes à rendre à personne (les lois économiques seraient mécaniques, implacables, et dès lors aucune régulation éthique ne serait possible); soit ils sont exclus du "système" et estiment que la seule solution consiste à flanquer par terre ledit système, en recommençant une révolution.
L'Eglise propose un examen et une évolution éthique vigoureuse des pratiques,  évolution qui lui semble toujours possible et négociable entre tous les partenaires de l'économie (actionnaires, travailleurs, cadres, syndicats, gouvernants).
Il est grand temps que les chrétiens apprennent à dire là-dessus leur parole, qu'ils se l'approprient ou se la ré-approprient, et qu'ils ne se contentent pas (ce qui est déjà beaucoup) de consoler ceux qui sont laissés dans le fossé, au bord de la route, comme l'aveugle Bartimée dans l'évangile de ce matin. La parole dont ils sont porteurs n'est pas un appendice à la proclamation évangélique, c'est son coeur même, et c'est une parole à la fois de raison et d'espérance.
Je rappelle dès maintenant que, en mars prochain, nos conférences de carême porteront là-dessus.
Qu'on se le dise déjà!

vendredi 26 octobre 2012

Du rire sérieux

On prête à Drauzio Varella, un médecin sud-américain très réputé, ces propos pleins d'humour et de bon sens, que je vous livre (sans avoir pu vérifier, je le précise, l'authenticité de leur origine) :

"Dans le monde actuel, on investit cinq fois plus en médicaments pour la virilité masculine et en silicone pour les femmes que pour la guérison de l'Alzheimer. D'ici quelques années, nous aurons des vieilles aux gros seins et des vieux au pénis bien raide, mais aucun d'entre eux ne saura plus à quoi ça sert."

Pas faux, non?

jeudi 18 octobre 2012

"Nos" séminaristes

Je rentre d'une réunion qui regroupait, à Namur, les formateurs et responsables des stages paroissiaux des séminaristes regroupés dans le Séminaire interdiocésain de cette ville (diocèses de Bruxelles, Namur, Liège et Tournai). Je dois d'abord dire que je suis reconnaissant envers les  formateurs de ce Séminaire pour leur sérieux, dans l'accueil des candidats, les propositions de leur cursus et de leur vie spirituelle, la façon dont on les invite à se confronter aux réalités contemporaines, et en particulier aux fragilités (entre autres, économiques) de nos cités. Il y a là beaucoup de dévouement et d'investissement, et tout cela ne pourra que porter du fruit.
Nous accueillons pour notre part Simon, qui vit là en semaine, et passera de plus en plus de temps, durant les deux années qui viennent, ici, dans notre doyenné. C'est une joie, pour nous tous, de pouvoir l'encourager et lui montrer sans fard les réalités, les bonheurs et les difficultés de la vie dite "pastorale", dans une communauté chrétienne donnée, la nôtre,  avec ses dynamismes et ses faiblesses.
A Namur, il sont un peu moins de cinquante, pour sept années d'étude et quatre diocèses...
Faites le compte - même si le nombre n'est pas l'aspect le plus important.
D'ici peu de temps, nos paroisses devront vivre avec encore moins de prêtres à leur service, ce qui nous conduit non pas à envisager l'avenir dans le régime des vases communicants (tout ce que le prêtre ne pourra plus faire serait donc fait par des laïcs... moyennant quoi le prêtre deviendrait un distributeur automatique de sacrements, courant de messe en messe pour imposer les mains au moment de la consécration, singulière réduction de son rôle), mais à bien revoir dans nos communautés le rôle du prêtre et sa mission sacramentelle spécifique. Je la rappelle, cette mission, dans les trois mots traditionnels qui la définissent : enseigner, sanctifier et gouverner le peuple de Dieu. Tenir, donc, un rôle particulier de présidence dans la formation des chrétiens, dans les célébrations du peuple assemblé, dans la gestion, matérielle, organisationnelle ou financière, des paroisses et des communautés.  "Un rôle particulier de présidence", cela ne signifie pas tout le rôle, toute la place, au contraire : il est souvent, le prêtre, responsable de rappeler la responsabilité de tous, si j'ose cette formule  paradoxale.
Moins de prêtres, cela signifie donc : une responsabilité mieux perçue, mieux répartie, mieux présidée.
Quel programme!
Mais c'est, comme on dit en français contemporain, un beau "challenge"...

mardi 16 octobre 2012

Saint-Simon n'aime pas Pontchartrain

Je poursuis soir après soir la lecture des Mémoires du Duc de Saint-Simon : j'en suis au tome IV en Pléiade, il m'en restera donc bientôt quatre autres. Cette lecture m'enchante, le petit Duc des  XVIIème et XVIIIème siècles semble décrire nos moeurs, nos ambitions, nos carriérismes imbéciles. Ainsi rapporte-t-il le second mariage de Pontchartrain, un courtisan qu'il n'a jamais pu encadrer, ministre de Louis XIV, mariage qui se produit en 1713, cinq ans après le veuvage dudit Pontchartrain : "Il y avait cinq ans au plus que Pontchartrain avait perdu une femme de tous points adorable, l'unique peut-être qui eût pu avoir la vertu, la raison, la conduite et l'incomparable patience de l'être de lui, et dont la considération, comme on l'a vu en son lieu, l'avait soutenu et lui avait sauvé sa place. Il s'était bientôt lassé de la comédie forcée de sa douleur, et, quoiqu'il eût deux fils, il voulut absolument se remarier. Sa figure, hideuse et dégoûtante à l'excès, mais agréable et même charmante en comparaison de tout le reste, n'empêcha pas la séduction de l'éblouissement de la place. Melle de Verdonne, qui était riche, et qui était L'Aubespine comme ma mère, mais parente éloignée, en voulut bien." (Mémoires IV, 1711-1714, p.702).
Peut-on être plus cruel?
Mais, bon sang, quel style!
Et cette manière d'avouer en douce qu'il est, par sa mère, cousin de cette femme, mais qu'elle n'est tout de même qu'une "parente éloignée"... Quelle rosserie dans l'écriture, toute en suggestion, en esquive!
Et cela ne vous fait-il songer à rien ou à personne de contemporain?

lundi 15 octobre 2012

"Le nationalisme, c'est la guerre!"

Nous avons donc voté, et nous y voyons ce lundi soir un peu plus clair dans les résultats.
J'ai l'impression que, souvent, et surtout en Wallonie, on progresse dans la volonté de promouvoir le bien commun (je ne suis pas non plus naïf : les petites guéguerres de personnes et les susceptibilités mesquines sont encore bien présentes, la nature humaine est ce qu'elle est). Mais enfin, en quelques endroits, on voit surgir des personnalités plus jeunes qui m'ont l'air bien décidées à donner leur énergie au bien-être de tous. (On peut espérer, par exemple, que la majorité absolue socialiste à Charleroi, récupérée par le nouveau bourgmestre, s'accompagne d'un réel renouvellement du personnel politique dudit parti, et que l'on ait enfin tourné la page des scandales et des profits personnels qui ont entaché non seulement cette ville, mais la politique tout entière de notre pays).
Ce qui se passe, en revanche, à Anvers, et les propos prétendument "gentils" du leader de la NVA, cela fait
frémir. Les ultimatums et les ukkazes, même gentiment formulés, on connaît. Ces propos nationalistes, détachistes, sont des propos de nouveaux riches : ils existent un peu partout en Europe et sont la traduction populaire et politique de ce que l'Evangile veut contrer, et qu'on appelle l'égoïsme ("Moi d'abord et mon bien-être, et les autres on verra").
Mitterrand, qui, mise à part sa roublardise (ou grâce à elle), fut sans doute l'un des grands hommes politiques français du XXème siècle, et qui connaissait bien l'histoire des conflits européens, s'en allait martelant : "Le nationalisme, c'est la guerre!"
A bon entendeur...

Divorcés, remariés, fermeture de l'Eglise catholique

Discussion, ce soir, au sein de notre "EAP", et de façon incidente, à propos de la fermeté de l'Eglise catholique dans son refus d'accueillir, pour un nouveau mariage, les divorcés (en fait, le débat était parti d'une question parallèle : pourquoi des formes juridiques aussi strictes dans le mariage sacramentel, pourquoi par exemple l'exigence de célébrer dans une église paroissiale, sous la présidence du curé ou de son délégué, et pourquoi les autres obligations canoniques).
On voit les arguments : Eglise peu ouverte, peu encline à l'accueil des échecs, etc.
Ce peut n'être pas faux.
 Je crois que c'est aussi très injuste : souvent, l'accueil est là, présent, la proposition d'un cheminement qui ne nie pas l'échec existe (et quand elle se concrétise, ce peut être un très beau moment d'authentique prière, nous en avons vécu ici un bel exemple samedi après-midi). Ce que l'Eglise catholique (et moi aussi, par parenthèse) ne veut pas admettre, c'est de faire comme si rien ne s'était passé lorsque des jeunes gens se sont dit "oui" pour toujours, et que, pour une raison ou une autre (quelquefois fort compréhensible et respectable), ils n'ont pas pu ou pas voulu aller jusqu'au bout de ce "oui". On aurait, en toute connaissance de cause, fait la fête en invitant pépé, mémé, parrain, marraine et les copains, en claquant un fric (souvent exagéré), en se promettant devant toute cette assemblée des serments éternels (au sens strict), et, cinq ans après, cela ne voudrait plus rien dire. Pouvez-vous alors m'expliquer ceci : que signifie encore, dans ces conditions, la portée sociale d'un "oui" (je ne parle même pas ici d'exigence évangélique), quelle est encore la vérité de ce qu'on dit? Et l'Eglise ne serait-elle pas complice d'un épouvantable mensonge en disant que le "oui" éternel pouvait, tous comptes faits,  n'être qu'un accord tout provisoire? De quelle société voudrions-nous si, sous prétexte d'accueil et de compréhension, nous allions dans ce sens?
Cela n'empêche pas que des échecs soient des blessures, et qu'on ne mette pas tout en oeuvre pour les accompagner, en ce domaine-là comme dans tous les autres. Mais, s'il vous plaît, apprenons à le faire dans la vérité, pas dans la dissimulation.
Je refuserai toujours les "bénédictions" faites le jour d'un remariage civil et dans des formes si proches des formes sacramentelles qu'elles puissent passer pour telles et qu'on entende à la sortie de l'église : Oh! ben ils ont été mariés quand même, c'est tout de même pareil. Je le refuserai pour des questions d'honnêteté et de vérité, par respect aussi pour ceux et celles qui, plus nombreux qu'on ne le pense, gardent leur fidélité conjugale et veillent sur leur promesse de mariage malgré les innombrables difficultés qu'ils doivent traverser pour cela.
Je refuserai également toujours de célébrer les mariages et les autres sacrements dans des formes autres que celles dont l'Eglise (et son droit), dont je ne suis après tout que le serviteur, disposent - la plupart du temps, pour le bien des fidèles, pour leur sécurité, pour garantir le sérieux des engagements chrétiens et sociaux qu'ils prennent.
Mais j'accueillerai toujours tout le monde, ça je le garantis aussi, j'écouterai les gens, j'écouterai leur demande (sans pour autant acquiescer à leur requête immédiate), et toujours je m'efforcerai de leur proposer des voies, des échanges, des moments de prière ou de célébration qui leur permettent, quelle que soit leur situation sexuelle, familiale ou autre, de grandir dans leur foi.
Et je vous prie de croire que ce n'est pas toujours facile...
Mais la voie de la facilité n'est pas celle de la vérité, hors laquelle il n'est pas d'amour des personnes.

samedi 13 octobre 2012

Un arrêt à l'intégrisme catholique

Il semble aujourd'hui que, malgré les nombreuses concessions faites par le pape actuel à leur endroit, les intégristes catholiques (particulièrement représentés, en France et en Suisse, entre autres, au sein de la FSSPX, la "Fraternité Sacerdotale Saint Pie X"), aient désormais refusé tout accord de réunification complète avec l'Eglise Catholique Romaine, un accord qui les eût obligés à une acceptation sans concession des textes du Concile Vatican II. Ce qui faisait problème à Mgr Lefèbvre, évidemment, ce n'était pas d'abord la liturgie, mais les orientations concernant le dialogue oecuménique et interreligieux ou la liberté religieuse et de pensée, que divers documents conciliaires (Déclarations, Décrets ou même Déclarations) affirment être constitutifs désormais de la foi catholique.
Faut-il déplorer cet échec?
Oui et non.
Oui, parce que l'unité de la foi et de l'Eglise est toujours à rechercher, et là-dessus on doit souligner que le pape actuel a, semble-t-il, consenti à tous les efforts possibles (pape qui, pour rappel, a été un théologien expert au Concile Vatican II).
Non, parce que donner droit de cité à l'intégrisme n'était pas de mise et de ne peut jamais l'être dans la foi catholique (quel que soit, sur ce point, son douloureux passé).

Vive la démocratie!

On dit quelquefois que la démocratie est en panne dans nos pays nord-occidentaux.
C'est faux.
Il suffit de voir l'engouement populaire pour les élections communales et provinciales, qui vont nous envoyer tous (du moins tous les citoyens en âge de vote) aux urnes dès demain matin.
Quelle débauche d'affiches! Voyez ces fleurs nouvelles qu'on ne voit dans nos campagnes qu'une fois tous les six ans : les têtes de candidats! Et les billets et prospectus dans vos boîtes aux lettres, messieurs-dames! Ah! L'imposante moisson de tracts de toutes sortes!
Pour mon compte, je ne m'en plains pas, mais j'y vois une vitalité, au moins locale, de la bagarre démocratique, et qui fait plaisir. Que l'on s'affronte, que l'on s'oppose des bilans, que l'on rivalise de promesses (dont personne n'est vraiment dupe), que l'on se respecte, aussi et surtout, dans cet affrontement, voilà qui est de bon augure pour ceux et celles qui, comme moi, réclament des débats. On n'en dit pas autant dans la majorité des pays du monde, où la force trop souvent s'impose pour les prises de pouvoir.
Alors, messieurs-dames,
que le(s) meilleur(s) gagne(nt)!

vendredi 12 octobre 2012

L'Eglise comme signe et sacrement

Poursuivant sur l'anniversaire de l'ouverture du Concile Vatican II, je voudrais souligner que l'Eglise s'y est redéfinie comme sacrement, c'est-à-dire signe efficace et moyen de présence du Christ dans le monde. Ce qui veut dire : elle n'est pas une puissance alignable sur les autres pouvoirs publics, nationaux ou internationaux (qu'ils se rassurent tous, si sa tentation par le passé a été de gouverner le monde, en principe cette tentation a été repoussée). L'Eglise se réjouit non pas du laïcisme, qui est lui aussi une volonté hégémonique et l'exigence d'une pensée unique, mais de la laïcité, qui sépare bien les sphères d'influence des pouvoirs politique et spirituel. Mettons un bémol : cette question mérite d'être réglée avec plus de doigté qu'elle ne l'est aujourd'hui en Belgique, où certains en infèrent (trop) vite que le spirituel doit relever du "privé" seulement. Or, la foi chrétienne relève aussi de la vie publique, évidemment, ne serait-ce que parce qu'elle suppose une communauté, un rassemblement visible, bref quelque chose de repérable du point de vue sociologique, avec  sa consistance et ses revendications dans le domaine public. Du reste, les informations quotidiennes qui nous arrivent du monde entier nous préviennent de l'importance visible et politique du religieux. Mais il est vrai que cela ne saurait accrediter l'idée que le politique doit se soumettre au religieux : la démocratie, heureusement, nous a prévenus contre ces dérives et ces  prises de pouvoir,  qui engendrent toujours l'intolérance, la violence, les guerres et la barbarie.
Au Concile Vatican II, donc, l'Eglise catholique s'est sagement redéfinie comme un "signe". Un signal, un rappel,  lancé à tous les hommes,  de la présence du Christ et de Dieu en leur monde. Sur un mode humble, avec des accoutrements liturgiques quelquefois rigolos (les glands aux chapeaux des évêques et cardinaux n'en constituant pas l'attraction la plus banale), des rituels et des modes de célébration qui peuvent paraître désuets à certains, etc. L'essentiel n'est pas dans la matérialité du signe, mais dans sa présence : souvenez-vous, hommes et femmes qui vivez en ce siècle dans une Belgique trop nantie, souvenez-vous de l'amour qui seul importe à la réussite d'une vie humaine. Que ce soit dans vos villes, dans vos ménages, dans vos itinéraires personnels, dans l'accueil des autres, dans vos façons de consommer et de dépenser votre argent, ou de le gagner... Souvenez-vous de ce bonheur-là, indépassable, que le Christ a prêché et dont il a fait son Royaume. Après, vous pourrez rigoler des soutanes et des cols romains, des célibats et des cornettes, de l'encens et des flonflons liturgiques, des cache-boutroules violets des évêques et des chaussettes rouges des cardinaux, du point de vue des signes et des signaux, hein, on fait ce qu'on peut avec le passé qu'on a. Amusez-vous de la matérialité du signe, si vous voulez, mais ne méprisez pas sa signification (si je puis me permettre de faire ici de la "sémiologie").
Et méfiez-vous de ceux qui exaltent à l'excès cette matérialité du signe, certes, et qui en rajoutent toujours dans les fanfreluches, mais méfiez-vous également de ceux qui, sous prétexte de sobriété, ont complètement éteint le signe.
Qu'importent le nombre et la puissance numéraire de nos assemblées, mesurés à cette aune? "Combien de pratiquants, monsieur le doyen?" - "Je m'en fiche un peu, madame : mais que nos assemblées soient significatives, s'il vous plaît, indépendamment de leur masse."  "Combien de séminaristes, monsieur le doyen?"  - "Je m'en fiche aussi, madame, mais que les prêtres soient vraiment prêtres, heureux de l'être et  de donner leur vie, pour que vive le Signe qu'il faut donner au monde. "
Et ainsi de suite...
Voilà, je crois, le balancement de logique auquel le Concile Vatican II a donné l'heureuse impulsion. Une impulsion qu'il ne faut pas perdre...

jeudi 11 octobre 2012

Action de grâce pour un Concile

Il y a aujourd'hui très exactement cinquante années, le 11 octobre 1962, le pape Jean XXIII ouvrait à Rome, dans la Basilique Saint-Pierre, le IIème Concile tenu au Vatican dans l'Histoire de l'Eglise, et dès lors souvent appelé "le Concile Vatican II". Cette assemblée de 2540 évêques devait, après des mois et des années de discussions, approuver et promulguer un certain nombre de documents qui, dans la continuité avec la foi de toujours, ouvraient l'Eglise catholique à quelques grandes préoccupations contemporaines : son rôle dans la société et dans le monde, le dialogue oecuménique (entre chrétiens de diverses confessions), interreligieux et, comme ont dit aujourd'hui, "interconvictionnel", la promotion de la liberté religieuse, la prise en compte des médias nouveaux qui bouleversent l'information, l'importance d'une répartition plus juste des biens et des services entre les diverses populations de la planète, la question de la paix encore et encore, l'organisation interne de l'Eglise catholique et sa simplification pour qu'elle soit davantage sacrement du Christ, la volonté de promouvoir les laïcs dans le gouvernement de cette Eglise et de reconnaître leur rôle spécifique dans l'évangélisation, la constitution des Conférences Episcopales, la tenue demandée de synodes diocésains et du Synode des Evêques, le retour à une liturgie toujours ancrée dans la Tradition mais rendue plus accesible et plus participative notamment par le passage du latin aux langues modernes, etc., etc.

Cinquante ans après, le Concile Vatican II commence à peine à être reçu. Peu de catholiques  ont réellement lu les textes qu'il a promulgués - il faudra encore des décennies pour que les changemets voulus soient peu à peu mis en oeuvre. Ce jubilé est l'occasion d'une belle action de grâce : ne perdons rien du souffle qui a rafraîchi ces années-là l'Eglise universelle!

mercredi 10 octobre 2012

On nous ment (encore)

L'étude et la publication du Pr. Séralini, dont j'ai parlé sur ce blog, ont suscité la réaction rassurante de la plus haute instance de sécurité alimentaire en Europe, l'Efsa (European Food Savety Authority) : en deux mots, disent ces braves gens, les allégations du chercheur de Montpellier sont insuffisamment étayées, tout va bien, dormez en paix, circulez, 'y a rien à voir! On hésite à attribuer à l'Efsa un brevet d'impartialité, lorsque l'on sait les enjeux financiers de l'affaire.
J'apporte cette pièce à la méditation des uns et des autres : la réaction, publiée dans "Le Nouvel Observateur" de cette semaine  (du 4 au 10 octobre 2012, donc, et p. 38) du Pr. Robert Bellé, de l'Université Pierre-et-Marie-Curie, Unité de recherches UMR 7150 CNRS), qui écrit : "Auteur de sept publications scientifiques sur la toxicité du Roundup, j'ai pris connaissance avec une particulière attention de la publciation de Gilles-Eric Séralini, dont les résultats sont très importants sur le plan scientifique et sur le plan sociétal. La publication de l'équipe de Gilles-Eric Séralini est faite dans un journal très côté en toxicologie, "Food and Chemical Toxicology" et a été analysée et expertisée par les "arbitres" du journal. Le premier point concerne les effets du Roundup donné aux rats avec ou sans le maïs OGM. La publication montre que le Roundup augmente l'incidence et la précocité de l'apparition des tumeurs.(...)"
Etc.
Même dans le monde scientifique, lorsque des investissements importants sont en jeu, l'objectivité est très difficile. Le naïf que je suis s'interroge : le principe de précaution ne devrait-il pas être immédiatement appliqué, comme on le fait pour des médicaments suspects?

dimanche 7 octobre 2012

La prière du "nouveau docteur"

En ce dimanche soir, nous voici tous rayonnants d'avoir célébré la Résurrection du Christ dans nos paroisses d'Enghien et de Silly. Nous avons porté dans le Pain et Vin nos déchirures, nos douleurs et nos deuils (je pense, entre autres, à Gunter, qui fut dans ces lieux un si vivant témoignage de la foi, et que notre prière a accompagné ce jeudi dans sa naissance à l'éternité, son dies natalis). Nous avons porté aussi dans le Mystère célébré notre espérance, nous avons remis nos vies, nos pauvres vies, dans les bras étendus du Christ, dans son offrande. Je n'ai pas pu m'empêcher, lors des eucharisties qui nous ont rassemblés ces samedi soir et dimanche matin, d'évoquer avec joie la proclamation de ma chère Hildegarde de Bingen comme "docteur de l'Eglise", par le pape Benoît, aujourd'hui à Rome.
Et, en cette fin de journée, je vous livre comme un petit trésor cette prière qui est d'elle - ou du moins que la Tradition lui attribue :

"Ô Toi, sauve tous les êtres.
Feu de l'Esprit Paraclet, vie de la vie de toute créature,
Tu es saint, Toi qui vivifies les formes.
Tu es saint, Toi qui couvres de baumes les plaies dangereuses.
Tu es saint, Toi qui soignes les blessures purulentes.
Ô Souffle de sainteté, ô Feu de charité, ô douce Saveur dans les corps
et Pluie dans les âmes parfumées de vertus;
Ô très pure Source où l'on voit réunir les étrangers et rechercher les égarés.
Ô Armure de la vie, Espérance de l'union de tous les hommes,
Asile de beauté, sauve les êtres!
Protège ceux que l'Ennemi a emprisonnés et délivre ceux qui sont enchaînés,
ceux que la divine puissance veut sauver.
Ô voie de certitude, qui passes en tout lieu, sur les cimes et les plaines et les abîmes,
pour rapprocher et réunir tous les êtres!
Pour Toi, les nuages courent, l'air plane, les pierres se couvrent d'humidité,
les eaux deviennent des ruisseaux et la terre sécrète la sève verdoyante.
C'est Toi qui guides toujours ceux qui savent
et les combles de joie en leur inspirant Ta sagesse!
Gloire à Toi, donc, à Toi qui fais retentir les louanges
et qui rends la vie bienheureuse,
à Toi, espérance, honneur et force,
à Toi, qui apportes la lumière. Amen."

(Ste Hildegarde de Bingen, docteur de l'Eglise)


Bonne semaine à tous, amis et lecteurs de ce blog!

jeudi 4 octobre 2012

Vive le pape Clément XV

Ne cherchez pas, ne cherchez surtout pas dans vos encyclopédies ou sur Wikipedia : le pape Clément XV n'a jamais existé que dans l'imagination de l'excellent romancier Philippe Le Guillou, qui lui consacre son dernier livre Le Pont des Anges (Gallimard, 2012). Nous serions donc vers 2050, l'Eglise romaine - et la ville même de Rome - auraient été secouées par l'exaspération de tous les conflits et de toutes les tensions dont ce blog se fait de temps en temps l'écho (conservateurs/progressistes - chrétiens intégristes/musulmans intégristes - continent europén vieux, usé, malade de sa richesse/continents neufs comme l'Afrique ou l'Amérique du Sud malades de leur pauvreté - etc.), avec attentats sanglants et destructions terribles à la clé. Après un conclave difficile, sous le regard d'un metteur en scène moribond et d'un peintre caravagesque, tous deux plutôt agnostiques, sinon athées, un obscur cardinal irlandais, ancien moine, est élu - faute de mieux.
Peu à peu, observé, courtisé, décrié, cet homme placé là va imposer des changements décisifs à partir de son style priant et du don complet de lui-même à sa mission, de la façon dont il habite la liturgie et les réalités majeures de la foi chrétienne.
C'est une merveilleuse leçon de vie d'Eglise, à tous points de vue  : sur le pouvoir, son exercice et ses contradictions, sur les tentations d'y échapper, sur les rapports de l'Eglise universelle aux Eglises particulières, sur l'état du monde et ses conflits, sur les liens indispensables entre la foi et la création artistique...
Et puis, si cela vous intéresse, allez donc y voir vous-mêmes!

mardi 2 octobre 2012

L'autorité d'un doyen

J'ai eu la joie, avant-hier dimanche, d' "installer", comme on dit, le nouveau doyen d'Ath. Dans mon mot d'introduction, j'ai cru bon d'insister sur l'autorité qui est celle d'un curé - et donc, d'un doyen (mais je préfère le terme et la fonction de "curé" : "celui qui a cure, qui a soin, qui prend soin de ceux et celles qu'on lui confie"). Il est difficile d'évoquer aujourd'hui l'autorité, parce qu'elle est en crise, aussi bien chez les parents que chez les éducateurs, chez les enseignants et chez les politiques. Quelle est aujourd'hui l'autorité d'un ministre, mis à part le respect tout extérieur qu'on lui manifeste quand on sait qu'il va peut-être apporter de l'argent de l'Etat pour tel ou tel projet local? Cette crise a une part de légitimité : elle exprime la peur de l'autoritarisme, de la dictature, de la prise de pouvoir sans le contrôle démocratique. En même temps, elle conduit souvent, avouons-le, à la démobilisation des personnes qui, contrôle démocratique ou non, sont placées en position d'autorité : parents, enseignants, éducateurs, hommes politiques et... responsables religieux.
J'emploie à dessein le terme de "responsables", ceux et celles qui devront rendre des comptes, qui devront répondre de leur mission. L'autorité, c'est ce qui fait grandir le bien commun, malgré et quelquefois contre les tentatives toujours récurrentes (et on les comprend) des biens particuliers ou individuels.
Dans l'Eglise, cette autorité, en outre, est apostolique : elle n'a pas d'abord  de fondement démocratique (le curé n'est pas élu, dans l'Eglise catholique, par le peuple, mais "reçu"). C'est parce que le Christ a envoyé des disciples, dès lors appelés "apôtres" (envoyés), qui eux-mêmes ont envoyé des successeurs (des évêques), que les curés,  collaborateurs des évêques par la participation au même sacrement de l'ordre,  deviennent responsables des communautés. C'est pourquoi le prêtre devenu curé est toujours un dérangeur, et osons le mot ici, un emmerdeur : il remet en cause, il reprend à neuf, il interroge des situations considérées comme acquises. C'est sans doute la meilleure manière d'empêcher des communautés locales de se replier sur elles-mêmes, de tourner en rond dans leurs petites (et quelquefois mauvaises) habitudes. En même temps, comme l'a rappelé le Concile Vatican II voici cinquante ans, les baptisés ont aussi à exercer leur rôle et leur autorité, mais  en dialogue et en communion avec ce ministère apostolique : d'où, par exemple, le vrai pouvoir confié chez nous à l' "Equipe d'Animation Pastorale" (EAP) après large consultation de tout le monde (voir un post précédent).  Car les prêtres ne sont pas  en droit de faire n'importe quoi sans prendre le temps (qui dure longtemps, comme dirait l'autre) d'écouter pour  nuancer infiniment leur point de vue, et leur autorité n'est pas telle, tout apostolique qu'elle soit, qu'elle puisse s'exercer de façon despotique.  Mais un moment donné, lorsque le bien commun est en jeu, il faut décider, quitte à ne pas faire plaisir et à se mettre des personnes à dos!
J'ai conseillé au nouveau doyen d'Ath d'exercer son autorité apostolique, non pas pour jouer au petit chef, mais pour veiller au bien commun. Je sais que cela ne sera pas pour lui une partie de plaisir, et que de temps en temps, devant des coups de gueule, des pressions et quelquefois des menaces, il va devoir prendre sur lui. Mais je le connais. Il est solide et, comme on dit à Enghien, "il peut là contre".
Et je le soutiendrai.