samedi 28 août 2021

Saint Augustin

Aujourd'hui 28 août nous faisons dans l'Eglise mémoire de saint Augustin (354-430), l'un des plus grands parmi les Pères latins. Intellectuel qui avait fréquenté tous les courants de pensée de son époque et les avait approfondis (surtout le manichéisme), sa conversion au christianisme avait été préparée non seulement par les prières et supplications de sa mère Monique, mais aussi par sa culture classique - l'un de mes professeurs de littérature latine, aujourd'hui décédé, le P. Maurice Testard, avait écrit sa thèse sur l'influence de Cicéron dans la conversion chrétienne d'Augustin. Conversion néanmoins subite, racontée dans Les Confessions, lorsqu'il entend dans la rue à Milan un petit enfant qui chantonne Tolle, lege ("Prends et lis") - Augustin prend alors le livre des Ecritures qui est posé devant lui et lit au hasard un verset de saint Paul qui lui "parle" pour la première fois. Il recevra le baptême des mains de l'évêque Ambroise, en 387, en même temps que son fils Adéodat.
A propos de cet épisode, il écrira, toujours dans Les Confessions, ce raccourci magnifique : Non dubia sed certa conscientia, Domine, amo te. Percussisti cor meum Verbo tuo et amavi te ("Je ne doute pas, je suis sûr dans ma conscience, Seigneur, que je t'aime. Tu as frappé - tu as "percuté" - mon coeur de ton Verbe, et je t'ai aimé.") Pour la première fois de sa vie, un verset biblique est devenu "Parole de Dieu", "Verbe" et Augustin en a eu le coeur retourné.
Le reste est connu aussi : la mort de ses proches, son retour en Afrique du Nord, sa décision de devenir moine, décision contrariée par les besoins du service pastoral -  Augustin est ordonné prêtre puis évêque d'Hippone, où, après avoir rédigé une Oeuvre impressionnante (commentaires de l'Evangile, homélies, traités...) il meurt dans sa ville épiscopale assiégée par les Vandales.
Magnifique figure, figure majeure de la foi chrétienne en Occident, aujourd'hui encore il nous est proche et combien nécessaire...

dimanche 15 août 2021

La chaire de vérité de la Cathédrale de Bruxelles et la Femme de l'Apocalypse

 Venez voir la Cathédrale de Bruxelles. Elle est tout entière magnifique! Mais admirez, à mi-hauteur de la nef, la Chaire de Vérité, remarquable meuble de 1699 - un "emprunt" fait à une église jésuite de Louvain, qui devait fermer.

On y voit, en bas, Adam et Eve chassés du Paradis terrestre - oh, ils n'ont pas l'air heureux, ces deux-là : Eve pleure, la tête dans les mains, en cheveux, la robe déchirée, tenant encore dans sa senestre le fameux fruit qui a tout gâché. Et Adam n'a pas l'air plus glorieux - au fait, c'est... nous, ces deux-là, c'est humanité hors du Paradis, c'est bien notre destinée!

A gauche, on voit le long corps de cette saloperie de serpent qui remonte dans le Jardin luxuriant, son forfait accompli. Oh, il a bien réussi son coup, cette crapule. On cherche sa tête : il faut se reculer un peu pour admirer la statue qui recouvre l'abat-voix. C'est la Femme de l'Apocalypse, dont nous parle la Première Lecture de cette solennité de l'Assomption. Marie, oui, mais plus vraisemblablement encore l'Eglise tout entière, "la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles". Elle a empoigné la Croix du Christ, et elle en transperce la tête du serpent. Le Mal est vaincu!

Dans un seul meuble, donc, le début et la fin de notre Bible, un raccourci saisissant qui nous transporte de la Genèse à l'Apocalypse, et nous dévoile déjà la fin de l'Histoire : oui,  le Mal est vaincu, en ce compris la mort qui sait si bien nous déchirer et délabrer nos affections.

L'Assomption de la Sainte Vierge, aujourd'hui célébrée dans la joie, nous dévoile aussi cette fin de l'Histoire : Marie, la première d'entre nous, vit avec son corps dans la gloire de Dieu. Elle nous y attend et un jour nous partagerons avec elle cette gloire de ressuscités.

lundi 9 août 2021

Edith Stein, sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix

 Chaque année, c'est avec une grande émotion que nous célébrons dans l'Eglise Catholique la fête de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, co-patronne de l'Europe. Née Edith Stein, dans une famille juive à la fin du XIXème siècle, Edith a d'abord voulu se consacrer à une carrière de philosophe. Disciple de Edmund Husserl, le père et fondateur du courant "phénoménologique" en philosophie - ce courant qui souhaite appréhender le réel en considérant les "phénomènes", les "manifestations" à travers lesquels le réel nous apparaît -, elle rédige une thèse brillante et devient enseignante dans une Ecole Normale pour jeunes filles. Assez tôt, en effet, l'enseignement universitaire lui est interdit, à cause de son judaïsme et des lois discriminantes du nazisme. Pendant cet enseignement, durant lequel elle développe des idées avant-gardistes (pour l'époque) sur les femmes, elle fréquente un couvent de Soeurs Bénédictines et, puisant dans leur bibliothèque, lit avec passion l'autobiographie de Thérèse d'Avila, une "phénoménologue" avant l'heure, qui décrit comme ils apparaissent, précisément, les mouvements de son coeur priant. Révélation décisive : Edith demande le baptême et, dans la foulée, est admise au Carmel de Cologne, où elle prend le voile sous le nom de "Soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix". Quelques années plus tard, vu les menaces qui planent sur les religieux allemands d'origine juive, elle est accueillie dans un Carmel de Hollande. En 1942, les évêques hollandais ayant publié une lettre contre les exactions anti-juives des nazis, les religieux d'origine juive sont, en représailles, arrêtés et déportés. Le 9 août 1942, Soeur Thérèse-Bénédicte est gazée à Auschwitz, peu de temps après son arrivée dans le camp de la mort.

Elle sera béatifiée en 1987, puis canonisée en 1998 par saint Jean-Paul II et, dans la foulée, proclamée "co-patronne de l'Europe". Ce fut là une volonté du pape de voir cette femme présentée comme un modèle, martyre à la fois pour son judaïsme (qu'elle n'a jamais renié) et son christianisme, témoin douloureux de la plus grande barbarie qui a ensanglanté le XXème siècle, femme aussi d'une très grande intelligence spéculative, et que cette intelligence a contribué à faire grandir dans la foi juive et chrétienne.

Quelle figure! Quelle émotion de pouvoir la célébrer et la prier, en demandant qu'elle ne cesse pas d'intercéder pour notre temps qui ne manque pas, lui non plus, de barbaries...