samedi 24 avril 2021

Le Bon Pasteur

 Il n'y a qu'un "Bon Pasteur" : c'est le Christ. Sur lui repose désormais cette titulature que déjà le Peuple élu accordait au Dieu tout-puissant, lui, le seul et unique pasteur, le seul et unique passeur aussi. Le vrai pasteur, dit Jésus en s'attribuant ce titre, est celui qui donne sa vie pour les brebis. Le Christ le fait, non seulement l'a fait une fois dans l'Histoire des hommes, mais ne cesse de le faire. 

Son humanité, il l'offre sans cesse au Père, dans une intercession de tous les instants.

Sa divinité, il l'offre sans cesse aux hommes, dans un don de tous les instants.

Ainsi est-il, lui, l'unique Prêtre - un sacerdoce auquel sont greffés par le baptême tous les chrétiens de tous les temps, eux qui forment peu à peu un unique Peuple de "prêtres, de prophètes et de rois." Oui, le sacrement qui fait les prêtres, c'est d'abord... le baptême, on risque toujours de l'oublier!

"Mais n'y en a-t-il pas, dans votre Eglise, qui sont plus prêtres que les autres?" On entend venir l'objection... Oui, il y a dans l'Eglise des "ministres ordonnés", évêques, prêtres et diacres qui sont plus particulièrement témoins du don de Dieu en Jésus, de la prévenance de ce don. Si, en Jésus, la divinité ne se donnait pas, l'humanité ne pourrait s'offrir... Les ministres ordonnés sont nécessaires pour rappeler à tous que l'Eglise est un Peuple convoqué par ce don, qui précède tout et permet tout. En ce sens, ils sont un sacrement, un rappel constant - l'Eglise n'est pas une "asbl", une association parmi d'autres. Elle est une assemblée convoquée, qui, dans la diversité de ses provenances, de ses cultures, de ses âges, de ses charismes, répond à un appel commun.

Il faut pour cela des ministres ordonnés, choisis non d'abord pour leurs vertus particulières, mais choisis parce qu'appelés à être cela. Ils ne sont pas "plus" prêtres, ils le sont autant que les autres par leur baptême, et, par leur ordination, ils rappellent dans toutes les activités de l'Eglise cette dimension de convocation qui toujours risque d'être oubliée.


vendredi 16 avril 2021

Lire les Ecritures

 "Alors, il leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Ecritures..." (Lc 24, 45). Dans le récit d'apparition du Ressuscité aux Onze, lu ce dimanche en saint Luc, il y a, comme dans d'autres récits, cette relecture que Jésus propose aux siens pour qu'ils puissent reconnaître, à travers les Ecritures, sa présence de Vivant.

Les chrétiens entretiennent avec leurs saintes Ecritures un rapport particulier, que l'on peut dire "christocentré". Ils ne lisent pas la Bible pour y trouver des préceptes moraux. Ou des récits historiques. Ou des récits mythiques. Ou des poèmes et des chants. Ou de ténébreuses révélations. Pourtant, ils lisent dans la Bible tous ces genres littéraires, si divers entre eux, ils lisent le Pentateuque et les Livres des Rois, la Genèse et l'Exode, les Psaumes et le Cantique des Cantiques, les Evangiles et les Lettres de Paul, et l'Apocalypse... Mais à travers tous ces textes, ce qu'ils recherchent, c'est la rencontre avec le Seigneur Ressuscité.

Voyez le rituel de la lecture publique de l'Evangile, à la messe : lorsque l'évêque, le prêtre ou le diacre a fini sa proclamation, il présente le lectionnaire à la vénération de l'assemblée, en lançant : "Acclamons le Parole de Dieu!" Et le peuple assemblé répond  "Louange à toi, Seigneur Jésus!" Le lecteur ne demande pas d'acclamer une péricope évangélique, ni la matérialité d'un Livre, mais d'acclamer une Personne, le Christ, qui est Parole vivante de Dieu.

A travers la lecture, donc, il n'y a pas simplement la volonté de recueillir des informations, comme lorsqu'on lit un journal. Il y a une rencontre avec Quelqu'un, le Ressuscité. C'est ce que les moines, surtout dans la tradition bénédictine, nomment lectio, "lecture savoureuse", "lecture aimante". C'est une rencontre quasiment aussi forte, aussi nourrissante, que la rencontre de la communion eucharistique. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de se nourrir. Le texte est une table, la première dans nos célébrations.

On est loin des fondamentalismes si déplorables et pourtant si fréquents dans les religions dites "du Livre", lorsque, sans aucune considération critique, on prend les versets sacrés pour des préceptes à appliquer tels quels, de façon souvent moralisatrice. Et c'est malheureusement encore le cas chez nombre de chrétiens, et quelquefois de catholiques, qui sont pourtant prévenus contre ce genre de dérive. Nous ne sommes pas, à vrai dire, une "religion du Livre", mais bien plutôt une "religion de la Parole". C'est tout autre chose!

dimanche 11 avril 2021

La foi de Thomas

 Thomas, "dont le nom signifie jumeau"... Thomas notre double, notre jumeau, parangon de l'acte de foi. D'abord par son doute : qui d'entre nous ne voudrait, comme lui, "voir pour croire"? Du reste, la foi n'est pas la crédulité : il a raison, notre Thomas, de vouloir vérifier. La foi - on omet trop souvent de le rappeler - suppose aussi la distance critique, le recul et même la vérification scientifique. L'Eglise catholique s'est toujours méfiée, à juste titre, du "fidéisme", cette tentation récurrente qui voudrait (faire) croire sans cette distance critique, arguant quelquefois que "c'est encore plus beau de croire quand c'est absurde..." Le Concile Vatican I, par exemple, en 1870, s'est sévèrement distancié de cette malfaçon.

Mais ce que voit Thomas - du reste, les autres, une semaine avant, l'avaient également vu - n'est pas ce qu'il croit. Il voit - touche-t-il?, le texte ne le dit pas - les plaies du Crucifié, mais ce qu'il reconnaît en lui c'est "son Seigneur et son Dieu". Il y a, il y aura toujours, un "saut" dans la foi, qui confessera, à travers les signes visibles, la réalité invisible.

Thomas, notre jumeau, que ton acte de foi inspire le nôtre!

vendredi 9 avril 2021

Paganisation de la fête de Pâques?

 Cette année plus que les autres (confinements à répétition?) j'ai l'impression que même les chrétiens perdent ou ont perdu la signification bouleversante de Pâques. Oui, on veut bien du printemps qui revient, des petites fleurs qui repoussent et d'un certain renouveau saisonnier. Mais Pâques, ce n'est pas cela, pour les chrétiens!

Pâques, c'est la Vie pour toujours plus forte que la mort. Et je veux bien que le renouvellement des saisons en soit une image, mais enfin ce n'en est pas la réalité. Car après le printemps de 2021 reviendra l'hiver de 2021, et le cycle des saisons (du moins dans notre hémisphère!) recommencera.

Or, comme dit saint Paul dans la Lettre aux Romains, "ressuscité d'entre les morts, le Christ ne meurt plus. Sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir!" Le Jour de Pâques, c'est un jour absolument neuf, et pour toujours neuf, qui ne connaîtra plus ni d'automne, ni d'hiver. La Résurrection du Christ a fait briller sur notre monde, sur nos destinées humaines, sur nos tombes, sur nos maladies et sur nos morts, une espérance inédite et que rien  n'entamera jamais. Bien sûr, nous allons mourir comme tout, et comme tout le monde - mais aussi nous allons vivre, d'une Vie promise en ce radieux petit matin d'un premier jour de la semaine, à Jérusalem, dans le nouveau Jardin où le tombeau, le tombeau neuf, "où personne encore n'avait été déposé",  était aussi un tombeau vide.

Quelle différence, avec nos petits lapins en chocolat!

Crénom, Baudelaire!

 Aujourd'hui, 9 avril 2021, nous commémorons le deux-centième anniversaire de la naissance de Baudelaire. Poète maudit et magnifique, dandy drogué mais génial, transgresseur en tout genre, sorte de Gainsbourg de son époque, il a jeté dans son siècle une centaine de poèmes - cent Fleurs du Mal vénéneuses et sublimes!

On a besoin de vous, poètes, faites bouger nos frontières, par pitié ne nous manquez jamais!


(Pour commémorer l'autre grand Charles, donc, j'ai lu le livre que lui consacre avec effronterie un dandy bien de notre époque, celui-là : Jean Teulé. Sa biographie du poète est, comme tout ce qu'il écrit, drôle, irrévérencieuse, à la hauteur du sujet. Voir : J. TEULE, Crénom, Baudelaire!, Paris, Mialet-Barrault, 2010, 432pp. Le titre fait référence à l'attaque cérébrale dont fut victime le poète, peu de temps avant sa mort, à Namur, en visitant les stalles magnifiques de l'église Saint-Loup. Tout à coup, frappé par cet AVC, Baudelaire ne parvint plus à dire que  "Crénom!" L'aphasie avait gagné...)

Rendons hommage au grand homme, prince des poètes, "semblable au prince des nuées", avec l'un de ses propres textes intitulé L'Albatros :


     Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

     Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

     Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

     Le navire glissant sur les gouffres amers.


     A peine les ont-ils déposés sur les planches,

     Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

     Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

     Comme des avirons traîner à côté d'eux.


     Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!

     Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!

     L'un agace son bec avec un brûle-gueule,

     L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!


     Le Poète est semblable au prince des nuées

     Qui hante la tempête et se rit de l'archer;

     Exilé sur le sol au milieu des huées,

     Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

samedi 3 avril 2021

Pâques, le jeune homme retrouvé

 L'avez-vous retrouvé, ce jeune homme, dans le récit du "tombeau vide" d'après l'évangile de Marc? Pas si vide que ça, d'ailleurs, ce tombeau. Il est habité par... notre jeune homme, non plus nu mais revêtu d'une robe blanche. Et c'est lui qui accueille les femmes au radieux petit matin du premier jour de la semaine! Et qui leur donne mission d'aller proclamer aux apôtres et à Pierre la nouvelle de la résurrection, la Bonne Nouvelle!

Ce jeune homme, dans la Passion du Christ, a été dépouillé de tout - et même du drap qui le couvrait. Quand on sait que le mot grec traduit par "drap" signifie plus exactement "linceul", on comprend mieux: toutes les protections dérisoires dont nous nous revêtons pour masquer, durant notre vie, notre fragilité, notre finitude, toutes, et même ce dernier drap, nous devrons les lâcher. Inévitablement, la Passion nous confronte à notre nudité. Nous devrons un jour nous enfuir, nous aussi, de ce monde d'en bas, et nous nous enfuirons tout nus!

Mais le Christ nous offre de partager sa victoire sur la mort. Il nous assied, triomphants, dans nos tombeaux. Avec lui nous sommes "renés" à une vie nouvelle, désormais éternelle et qu'aucune forme de mort ou de péché ne détruira plus. Déjà, en lui, nous sommes ressuscités! Le vêtement blanc que nous portons en est le signe : c'est le vêtement de notre renaissance, le vêtement baptismal. Car le baptême nous a pour toujours unis au Christ en sa Passion et en sa victoire!

Et ce baptême aussi nous fait prédicateurs de la Bonne Nouvelle, chargés de la dire et de la faire dire à tous : "Allez proclamer!" Oui, allons chercher le Vivant qui nous précède en Galilée, dans ce "carrefour des nations", c'est-à-dire partout dans le monde, et par exemple ici dans la Grande Ville de Bruxelles, autre et nouveau carrefour de nations et de cultures. 

Allons proclamer la victoire de la Vie : Christ est ressuscité, et nous aussi, déjà, en lui!