dimanche 20 août 2023

Quand une païenne "évangélise" Jésus : moment décisif pour la foi chrétienne

 Jésus est d'abord réticent face à l'appel de la Cananéenne (une païenne, non-juive) qui lui demande, dans l'épisode évangélique proclamé aujourd'hui, de guérir sa fille "tourmentée par un démon" (Mt 15, 21-28). Il n'a, lui dit-il, été envoyé "qu'aux brebis perdues d'Israël" et il ajoute, devant l'insistance de la femme, qu'il "n'est pas bon de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens", manière peu flatteuse de comparer juifs et non-juifs. Mais la réponse de cette femme va, si l'on ose ainsi dire, "évangéliser" Jésus, en tous les cas va le pousser à accepter que le message de salut dont il est porteur est destiné à tout le monde. Avec bon sens, la femme a dit que, comme les petits chiens, elle était prête à se contenter des miettes tombées de la table. Cette humilité et cette foi ("Femme, grande est ta foi") emportent l'accord du Maître.

Toute sa vie, Jésus s'est heurté au courant pharisien - dont il était pourtant proche. Un courant qui se méfiait des païens et de leur fréquentation, craignant une espèce de contamination de la foi juive, soucieux au contraire d'en préserver la pureté par l'observance tatillonne, voire obsessionnelle, des rites et préceptes de la Torah. Saint Paul  plus tard, lui-même Pharisien, vivra sa conversion comme un passage de cette obsession à l'ouverture aux païens, devenant l'Apôtre des Nations et substituant la grâce et la foi à l'économie désormais dépassée de la Loi. Jésus avait tracé la voie...

Mais le pharisaïsme nous guette toujours. Nous pouvons aussi, nous chrétiens, vivre notre appartenance au Christ comme un privilège et oublier qu'elle est une mission : notre foi chrétienne, c'est un judaïsme qui s'ouvre perpétuellement à la nouveauté, aux autres, aux différents. L'oublier nous renferme sur nous-mêmes, sur nos identités - identités certes nécessaires, mais qui ne servent à rien et deviennent même dangereuses si elles sont de repli : pour rester vivantes, elles doivent rester à l'écoute. A l'écoute des personnes et des cultures rencontrées, sans cesse diverses. A l'écoute des autres religions ou des autres conceptions de la vie. A l'écoute des aspirations et des revendications, comme des volontés de réalisation de soi. Bref, un échange et un dialogue doivent sans cesse être repris entre les chrétiens et ceux qu'ils croisent. La foi chrétienne n'existe que risquée dans cet exercice. Sinon, elle sera préservée comme dans du formol : intéressante à observer comme un objet archéologique, sans doute. Mais morte...

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